Bon, ben, faut y aller hein.
J’ouvre une page au hasard : je tombe sur une caricature censé « synthétiser » les thèses savantes de la socio critique.
J’ai passé la biblio en revue. Il y a étonnamment peu de Sociologie, surtout de sociologie contemporaine.
Des classiques, quelques Bourdieu, quelques Lahire, quelques articles de la RFS, des intro à la socio analytique.
Du coup, je n’aurais pas de réponse rapide à ma question « qui est la cible ? ». Allez, on y va.
Ils ouvrent sur l’injonction du gouvernement japonais à cesser d’enseigner les sciences sociales, tout en précisant qu’il s’agit aussi
de l’économie et du droit...
Après avoir critiqué à raison Morin, ils s’étonnent qu’un récit d’une expérience mystique de sa part n’ait pas provoqué de réactions au CNRS
ou à l’université. Mon hypothèse est que personne ne l’a lu.
Ah, une cible un peu plus sérieuse : Wacquant.
Je sens que je vais adorer ce passage
Déjà ils définissent les gender studies comme voulant « montrer que les identités sexuelles peuvent et doivent être déconstruites »
C’est un poil plus compliqué quand même
Bon, ils critiquent essentiellement Delphy. Mais essentiellement en écrivant qu'il ne leur paraît "pas exact" que l'on justifie et perpétue
le système qui engendre les inégalités de genre en disant qu'elles sont naturelles. J'aurais aimé une expérimentation sur ce point.
(Mais sinon, il y a beaucoup à critiquer chez Delphy, j'ai l'impression qu'ils passent à côté de l'enjeu)
Autrement ils disent qu’il existe des théories explicatives du genre, ce qui pour moi montre bien que le genre n’est pas une théorie
Mais ce qui doit être expliquer par la théorie.
Pour dire que l’on ne peut pas suivre Lahire sur l’idée que la sociologie explique mais ne juge pas, l’un des arguments de B/G est que
il y a au moins un sociologue qui veut excuser : GdL...
Je ne comprends pas cet argument.
L’autre argument est que le cerveau permet à l’individu d’agir et de faire plein de choses. Ok, mais pourquoi ne pas s’en prendre aussi
a l’économie et à la théorie du choix rationnel ? Elles aussi ne laissent aucune marge de manœuvre à l’individu.
C’est même parfois comme ça qu’elles sont utiles : quand elles montrent que même avec des individus parfaitement rationnel, certaines
configurations donneront toujours certains résultats (ce que je trouve passionnant chez Barth par exemple).
Longue discussion sur la normalité du crime chez Durkheim. Honnêtement qui s’y réfère encore ?
Bon en fait le but du 1er chapitre est de dire « Durkheim nous donne raison pcq il utilise de la psycho dans le Suicide ».
Au moins là c’est clair : c’est toujours l’individualisme méthodologique mais avec un nouveau nom plus cool
Au passage, énorme coup de force pour se présenter comme les seuls qui s’intéressent à ce qui se passe dans la tête des acteurs
Je me demande quel sociologue parle de la Famille ou de la Nation (ou même de l’Etat aujourd’hui) en ces termes.
J’arrête pas de mettre des « qui ? », « mais qui ? », « mais qui fait ça ? » en marge du bouquin.
L’un des leitmotivs est que les individus ont des raisons d’agir et qu’il s’agit de comprendre ces raisons, car elles sont les causes
de leurs actions. Et ils considèrent que ces causes ne peuvent être qu’intérieures aux individus, que les croyances et les valeurs
sont intérieures aux individus et ne peuvent être étudiées comme extérieures. Outre qu’ils ont l’air de considérer que Durkheim s’est
éloigné de sa méthode en prenant à compte les raisons de se suicider (ce qui me semble faux : l’anomie n’est pas une raison), ils ont l’air
penser que les croyances et les valeurs ne s’incarnent pas dans des objets, des textes, des comportements, etc.
La matérialité semble pour eux se réduire aux entités collectives dont ils rejettent l’existence.
Le « il faut comprendre les raisons » me dérange aussi parce que j’ai l’impression qu’il serait plus juste de dire « il faut chercher
les raisons », c’est-à-dire enquêter, mettre à jour, des raisons qui sont toujours historiquement situées.
Il y a une réfutation du béhaviorisme. Mais pourquoi ?
Aussi, il y a un développement sur la colère comme pas seulement une réaction à un stimuli. Je me demande s’ils connaissent Hoschild.
Expression récurrente : leur sociologie analytique serait critiqué par les tenants du holisme. Dont on n’a pas d’indications précises des
critiques. C’est quand même gênant.
Bon voilà, c’est clair : ils disent que le sociologue analytique fait comme l’économiste. Il utilise une représentation appauvrie de la
psychologie pour supposer les raisons des actions. Pas besoin d’enquêter donc.
Un autre truc que je trouve gênant, c’est qu’ils répètent que les sciences de l’esprit ont une épistémologie particulière. Je suis ok mais
pourquoi s’en prendre à un dualiste comme Passeron dans leur article de Pour la science ? Ils sont d’accord au fond ‘
En fait, je crois que c’est Durkheim qui est visé tout simplement.
« Une étude sur le sujet serait amené à montrer que... »
Ah, un autre adversaire : le culturalisme, mais version « personnalité de base »...
Un développement sur la linguistique avec comme seules références Saussure (1916) et Martinet (1969€
Le but étant de montrer que la langue évolue donc elle n’est pas une norme entièrement contraignante
Ah et là on a la langue qui sélectionne : alerte acteur collectif ! Alerte biais d’intentionalité ! 🚨
(Je suis taquin)
Tout un passage pour montrer que les rôles ne sont pas la cause des actions... Je ne sais littéralement pas qui a bien pu défendre ça.
C’est littéralement des choses que j’enseigne en première. Quel sociologue ne sait pas qu’il y a différentes manières de jouer un rôle ?
Ah ça y est un paragraphe qui vise explicitement quelqu’un : Lahire.
Il n’y a que quelques citations qui ont visiblement énervé les auteurs, pas une discussion de Dans les plis singuliers du social.
Fin du chapitre 2. Grosso modo, on peut le résumer par « oui mais il n’y a jamais de déterminisme total ! ». Les normes, les rôles,
le langage laissent toujours une marge d’autonomie. C’est vrai bien sûr. Mais comme l’autre j’ai envie de dire « fuck nuance ».
Voir ici https://kieranhealy.org/files/papers/fuck-nuance.pdf c’est toujours « plus compliqué ». Mais quand on construit un modèle, on veut mettre l’accent sur certains
aspects. Par exemple les déterminations. Ça sert à quoi, sinon, les idéaux types ?
Allez, chapitre 3, le dernier
Le genre de vulgarisation que je n’aime pas : on donne la conclusion sans expliquer comment on y est parvenu
Apparemment l’objet est de montrer que les individus ne sont pas inconscients quand ils agissent.
Le fait de prêter des intentions à des entités qui n’en ont pas est un problème en sociologie, pas en neurosciences visiblement
En fait, je crois que les auteurs visent plus des théories de neurosciences que la sociologie...
P.152 les auteurs reprochent aux sociologues déterministes de ne pas avoir conscience du caractère probabiliste de la vie sociale
P. 167 ils disent que l’adoption d’une vision du monde par un individu est impossible à prévoir à cause des capacités d’arbitrage du cerveau
Impossible à prévoir même de façon probabiliste ? Les capacités d’arbitrage permettent-elles de nier les distributions statistiques ?
Ils continuent en notant que les individus peuvent réagir de façon opposée à une même situation et que cela sera également compréhensible
Ils en tirent comme conclusion que l’on ne peut prévoir la réaction des individus. Moi, j’y vois le signe que l’on n’a pas tout pris en
compte : si les hébertistes ont cessé de soutenir Robespierre alors qu’il aurait été également compréhensible qu’ils continuent
c’est qu’il nous manque un élément pour expliquer ce choix plutôt que l’autre. Pas parce que c’est imprévisible.
Il compare ensuite avec l’effet papillon et les « sciences du chaos ». Mais ils opposent cela au terme « déterministe ».
Comme si la physique qui prend en compte le chaos n’était pas déterministe !
En fait, ils ont l’air de penser que « déterministe » veut dire « prévisible à 100% ».
Et ils prennent comme exemple l’impredictibilité de la criminalité ! C’est vrai qu’on a vu des hordes de sociologues défendre les
programmes informatiques de prédiction des crimes. D’ailleurs, Minority Report parle de la sociologie.
Je me rends compte aussi que dans leur critique du « expliquer le social par le social » de Durkheim, les auteurs ont passé à l’as la
définition durkheimienne du fait social : une conversation entre deux personnes ce n’est pas un fait social dans ce sens !
« On »
Pour dénoncer le finalisme de la sociologie, sont visés Marcuse, MacLuhan, Ellul... et Alain Souchon.
Puis une caricature qui a « obtenu une belle audience sur les réseaux sociaux »
Enfin des noms ! Ça arrive dans la conclusion... il y a aussi Delphy et Strauss (Léo)
Une note de bas de page qui m’interroge : où est le problème à ce que la socio serve à préparer des concours ?
Voilà le bouquin se termine sur l’annonce d’une sociologie voué à n’exister que médiatiquement si elle ne prenait pas le train du big data
Les auteurs semblent penser que la sociologie est dominée par... en fait, je ne sais toujours pas par qui. Des durkheimienne agressifs ?
*durkheimiens
Je ne suis pas sûr qu’ils aient entendu parler de la revue Réseaux, de la sociologie des réseaux, de la nouvelle sociologie économique
de la sociologie pragmatique, des jeunes bourdieusiens et de leurs travaux sur la socialisation, de l’influence d’Abbott,
des travaux faits au CSO (a part le nom de Crozier), de la socio du travail, de celle des algorithmes, de celle du travail numérique
Soyons clair : l’ouvrage n’est pas un pamphlet. Un pamphlet vise généralement des adversaires précis, les nommé et les descend.
Si je résume le bouquin : le premier chapitre fait une critique de Durkheim bien connue, le second présente un individualisme méthodologique
renommé sociologie analytique, et la troisième partie présente quelques éléments de neurosciences dont on ne voit pas bien en quoi il
ils devraient recomposer le travail sociologique. A chaque fois, le propos est de dire « les individus ne sont pas déterminés à 100%,
les normes ne s’appliquent pas toujours, les rôles ne sont pas entièrement contraignants, les individus arbitrent » sans qu’il soit proposé
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