En proposant un accord "à la proportionnelle des résultats du 1er tour", LFI propose publiquement quelque chose qu'ils savent inacceptable... ce dont ils s'offusqueront ensuite. Toute la popol qu'on déteste. Expliquons pourquoi les règles rendent cet accord inacceptable. ⤵️
Aux élections législatives, il y a deux, voire trois enjeux pour les partis :
1) faire 1% dans au moins 50 circonscriptions, pour être éligible à la partie 1 du financement des partis. Pour ça, il faut avoir des candidats dans au moins 50 circons. Voire un peu +, pour être safe.
2) avoir assez de députés pour former un groupe parlementaire, c'est-à-dire 15.
3) idéalement, ne pas perdre de députés.
Maintenant, faisons deux trois calculs pour voir combien chaque parti aurait de candidats, "à la proportionnelle des résultats du premier tour" :
- LO : 10
- NPA : 14
- LFI : 396
- PC : 41
- EELV : 84
- PS : 32
(Si vous pensez qu’il faut exclure PS ou LO, ne vous inquiétez pas, je refais les calculs sans eux plus loin. Je vous spoile dès maintenant : ça ne change rien.)
Donc ce deal signifierait d'emblée que le PC, le PS, LO et le NPA ne pourront pas avoir accès à la partie 1 du financement des partis politiques. Ca représente :
- 1 million pour le PC,
- 2,8 millions pour le PS-PRG,
- et 260 700 € pour LO
de manque à gagner par an.
A cela, il faudra ajouter que chaque député représente chaque année environ 37 400€ (en 2022). Donc, par exemple, si vous êtes en recul de 5 députés entre 2017-2022 et 2022-2027, ça signifie 187 000€ par an en moins, quasiment un million en 5 ans.
Un parti, ça vit pas que d'air pur et d'eau fraîche.
Ensuite, concernant les groupes :
Si on fait l'hypothèse (très forte…) que chacun fait un nombre d'élus au prorata du nombre d'élus total de la coalition (en clair, si la coalition fait 100 sièges, le PC ayant 7,15 % des candidats, on suppose qu'ils feraient 7 sièges)
Alors il faudrait donc que la coalition fasse :
- 105 sièges pour qu'EELV ait une chance d'avoir un groupe,
- 210 pour que le PC ait des chances d'en avoir un,
- 275 pour le PS
- et le NPA et LO ne pourraient pas en avoir peu importe le total.
C'est donc une gageure pour tous les autres partis, EELV inclus : pour vous donner une idée, aujourd'hui, on a, tous ensemble, 60 sièges (70 si on compte ceux élus sur le nom LREM qui ont ensuite frondé pour rejoindre, pour la plupart, les verts, comme Villani...)
Et à nouveau, c'est sous l'hypothèse très forte que chacun fait un nombre d'élus au prorata du nombre d'élus total de la coalition, autrement dit, qu'on aurait donné des circos très gagnables aux partenaires... Hum.
Enfin, regardons le dernier critère : ne pas perdre de siège par rapport à la législature sortante.
Le PC a 15 députés, donc ça ne change pas, il faudrait que l'ensemble de la coalition fasse au moins 210 sièges pour que le PC ne recule pas.
(Encore que si la FI leur siphonne les 4 députés d'outre-mer, il faudra en fait faire 266 sièges.)
Par contre, pour le PS... Le PS a aujourd'hui en gros 30 sièges (28 en réalité parce que 2 ont dû partir sans pouvoir être renouvelés). Pour atteindre 30 sièges, il faudrait que la coalition fasse 547 sièges. Impossible.
Comme promis, on peut refaire les calculs sans le PS, ça ne change quasi rien : le PC, le NPA et LO restent coupés de la partie 1 du financement, il faudrait 98 députés pour qu'EELV ait un groupe, 199 pour le PC, et le NPA et LO ne peuvent pas en avoir quoi qu'il arrive.
Exclure aussi LO des calculs fait changer les chiffres de 1 ou 2 sièges max à chaque fois, rien de substantiel.
Bref, en l'état, c'est un accord inacceptable pour les autres partis, LFI le sait, les autres partis le savent. Quand on veut vraiment négocier, on ne rend pas publique la clé de répartition avant d'avoir discuté, on ne pose pas de condition sine qua non.
Une proposition inacceptable, pour ensuite pouvoir reprocher aux autres partis de ne l'avoir acceptée. Perso, j'aime pas quand on me prend pour un abruti.
Après, je comprends, ils font comme le PS et les verts quand ils étaient eux aussi hégémoniques : ils ont un avantage pendant 2 mois, ils le poussent en étant maximalistes dans leurs demandes.
Encore que, même si j’en veux au PS de ne pas avoir brisé ce mode de scrutin qui génère tout ça, je me dois de reconnaître que, dans une situation bien + hégémonique (28,6 % au 1er tour, présidentielle remportée, et EELV à 2,3 %), le PS a été moins brutal que ne l’est la FI.
Pourquoi je dis que la FI a avantage pendant 2 mois ? Parce qu'ils savent qu'il risque de se produire la même chose qu'en 2017, un effondrement aux législatives.
(19,6 % et 7 millions de voix à la présidentielle, ce qui aurait donné 113 députés si les législatives se faisaient sur la base du résultat de la présidentielle... mais 11 % et 2,5 millions de voix aux législatives, pour 17 députés seulement au final)
D'une part parce que le mode de scrutin défavorise les partis éloignés du centre(*) comme LFI, on peut (et on doit) le déplorer mais c'est comme ça : en 2017, avec 350 000 voix de +, LFI fait ~2x moins de sièges que le PS.
(* : j'expliquerai bientôt comment, abonnez vous)
D'autre part parce que, surprise, une énorme part du vote FI n'est pas un vote de conviction, mais un vote utile dans l'espoir de faire passer Mélenchon au 2nd tour, logique qui se retrouve beaucoup moins aux législatives. https://twitter.com/malopedia/status/1513786316852539395
On notera utilement que cette attitude de “c’est moi le patron allez tous vous faire mettre”, les verts et le PS s’en mordent les doigts aujourd’hui… et que la FI l’a déjà eue et s’en est déjà mordue les doigts aux législatives 2017 et aux élections intermédiaires ultérieures.
Bref, tout ça, c'est de la popol de bas étage, en vérité ils ne jouent pas l'union, mais la défaite, en espérant qu'ils arriveront à faire en sorte qu'elle soit pire pour EELV, le PC et le PS que pour eux. Triste qu'ils n'aient rien appris en 5 ans.
Déboussolés comme ils sont par la tarte qu'ils viennent de prendre, peut être que les autres partis accepteront de se laisser prendre à la gorge, m'enfin bon. Installer une situation de dilemme du prisonnier est à mon avis irresponsable de la part de la FI.
A quoi ressemblerait un vrai accord ? Un exemple monté en 2 secondes, on peut sans doute faire mieux : 60 ou 70 candidats chacun minimum, pour que tous aient accès avec certitude à la partie 1, et tout le reste va à LFI.
Ca laisserait 277 ou 227 candidats à LFI. En excluant LO de l'accord comme ça sera probablement le cas, ou le PS (ce qui à mon avis serait une mauvaise idée pour l'accord), ça leur laisserait même 297 ou 337 sièges.
Chaque parti peut sanctuariser les sièges remportés en 2017 qu’il veut. Ensuite, pour éviter de refiler des circos ingagnables, chaque parti choisit à tour de rôle une ou plusieurs circo qu’il veut (au prorata de ce à quoi il a droit).
+ Un accord d’emblée sur les membres du gouvernement si on a par miracle la majorité.
+ L’engagement qu’on change les lois organiques qui régissent présidentielle et législatives dès qu’on arrive, à minima pour instaurer un mode de scrutin qui permet de voter pour plusieurs candidats.
Histoire d’arrêter d’avoir à voter utile à chaque élection, et d’avoir à être dans ces discussions d’accords entre partis. Ou mieux, un scrutin mixte comme en Allemagne, histoire de dé-cinquième-iser la cinquième république.
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