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Depuis plusieurs semaines, vous avez forcément entendu ces propos au sujet des vaccins anti-COVID :
"le vaccin n’est pas parfait, sinon il nous protègerait longtemps, comme pour la grippe" ;
"ce n'est pas un vrai vaccin, sinon on n'aurait pas besoin de tant de doses"...
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Petit thread pour illustrer l'aberration de ces propos, ainsi que la confusion entre données biologiques et "frustration" individuelle de ne pas avoir vu le mythe de la Panacée devenir réalité 😅
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Tout d'abord, à propos de la possibilité d'être infecté malgré la vaccination.
Je ne compte plus combien de fois j'ai eu à le rappeler, mais un vaccin systémique face à un virus respiratoire, NE PEUT PAS empêcher l'infection... https://twitter.com/florian_krammer/status/1310427555707658243?s=20
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Ce n'est pas un défaut d'efficacité, mais la conséquence :
1) du design de notre système immunitaire
2) du mode de transmission de SARS-CoV-2 et de ses cibles cellulaires

J'en avais déjà parlé ici par exemple : https://twitter.com/C_A_Gustave/status/1474900836400746504?s=20

On parle de "leaky vaccines"
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Je vois souvent des comparaisons étonnées avec le ROR et la rougeole.
Ce n'est pas une comparaison pertinente, pour au moins 3 raisons :...
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A) Technologies vaccinales très différentes.
Vaccins anti-COVID = "inertes" (non-réplicatifs) = stimulation immunitaire faible et ponctuelle
ROR = "atténué" = infection contrôlée avec une souche virale de virulence ↘️ = stimulation immunitaire complète et prolongée
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B) Physiopathologies de transmission virale différentes.
SARS-CoV-2 = transmission respiratoire ET cibles respiratoires
Rougeole = transmission respiratoire ET cibles sanguines/médullaires
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Cette différence change radicalement la protection immunitaire à obtenir :
COVID = nécessaire de maintenir des capacités neutralisantes à très haut niveau pour éviter l'invasion virale respiratoire (à la fois lieu d'entrée du virus et lieu de la pathogenèse virale)...
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Rougeole = uniquement besoin d'une faible capacité de neutralisation pour limiter la diffusion hématogène du virus (la pathogenèse virale ne se situe pas au niveau respiratoire, même si ça reste la porte d'entrée du virus)
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C) Les 2 virus ont des capacités d'échappement immunitaires incomparables.
SARS-CoV-2 = virus émergent, début de son histoire évolutive, Omicron n'est que le 1er variant à échappement immunitaire.
Le virus peut encore ↗️ sa transmission et échappement...
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Pour la rougeole, ce n'est pas le cas.
Le virus a déjà atteint son optimum de "fitness" et toute mutation associée à l'échappement immunitaire fait ↘️ ses capacités de transmission chez l'Homme = pas d'échappement immunitaire pour la rougeole.
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On continue avec l'étonnement de certains face à la possibilité d'être symptomatique malgré la vaccination.
Pour comprendre cela, il faut revenir à la distinction entre forme symptomatique simple (ORL, pseudo-grippale) et forme sévère (pulmonaire)...
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Contre-intuitivement, il est plus facile de protéger contre les formes sévères que contre les formes ORL simple !
Pourquoi ?
Cela tient à la source de nos anticorps neutralisants (support de la protection) et de leurs capacités de diffusion...
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Les anticorps sont produits par les plasmocytes. C'est le stade "ultime" de maturation d'un lymphocyte B.
Un plasmocyte est une cellule spécialisée dans la production et l'excrétion d'anticorps.
Ils sont situés notamment dans les ganglions et dans la moelle osseuse...
15/55
La source de nos anticorps (et donc de notre protection), se situe donc dans les tissus profonds.
Les anticorps ont donc un accès facile au parenchyme pulmonaire et tissus profonds où peut avoir lieu la pathogenèse conduisant à une COVID sévère...
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A l'inverse, il leur est beaucoup plus difficile de diffuser jusque dans les muqueuses ORL où ils peuvent nous protéger contre les formes symptomatiques simples.
Pour y arriver en concentration suffisante, il faut alors une production d'anticorps beaucoup plus forte...
17/55
Pour le comprendre, on peut faire l'analogie avec les lois de la diffusion :
plus le tissu à protéger est profond (proche de la source des anticorps), plus ils peuvent s'y concentrer à un niveau suffisant même avec une faible production d'anticorps...
18/55
Plus les tissus à protéger sont superficiels (éloignés de la source des anticorps), moins ils peuvent s'y concentrer. Pour atteindre un niveau suffisant, il faut alors une production d'anticorps plus élevée, de façon à assurer un afflux assez intense sur le site distant
19/55
Et c'est ainsi qu'on se retrouve avec la nécessité d'avoir un titre sérologique (reflet de la production d'anticorps) au moins 2x plus élevé pour pouvoir protéger les muqueuses ORL (formes sympto simple), que pour protéger les poumons (forme sévère)...
20/55
Ce point avait déjà été évoqué avec l'étude du NIH ayant documenté ce corrélat de protection : https://twitter.com/C_A_Gustave/status/1445483363523960839?s=20
21/55
Or, plus le taux d'anticorps nécessaire à la protection est élevé, moins nombreux sont les individus pouvant l'atteindre, et plus rapidement cette protection est perdue à distance de l'immunisation.
C'est modélisé chez l'Homme, déjà évoqué ici : https://twitter.com/C_A_Gustave/status/1470416018396823561?s=20
22/55
C'est ainsi qu'on peut être certain que la protection immunitaire ↘️ systématiquement au cours du temps à mesure qu'on s'éloigne de l'immunisation, MAIS, elle ↘️ plus rapidement pour les formes symptomatiques simples que pour les formes sévères
https://www.imperial.ac.uk/media/imperial-college/medicine/mrc-gida/2021-12-16-COVID19-Report-48.pdf
23/55
Autres propos entendus même dans la bouche d'un ancien leader syndical des médecins généralistes, et pouvant traduire une forte mécompréhension de la vaccinologie = "le vaccin anti-covid n’est pas parfait sinon il nous protègerait longtemps, comme pour la grippe"...
24/55
Pour tenter d'expliquer la mécompréhension trahie par ces propos, je vais conclure ce thread avec 2 sous-parties visant à montrer pourquoi, contrairement à la COVID, on n'a pas besoin de rappels vaccinaux aussi fréquents pour la grippe...
25/55
Tout d'abord, 1ère mécompréhension lourde = comparer la COVID à la grippe, alors qu'ils ne jouent pas du tout dans la même catégorie !
A) Les virus Influenza n'ont qu'une circulation saisonnière qui s'éteint spontanément en quelques semaines ; SC2 circule toute l'année...
26/55
Ainsi, le niveau d'exposition virale de la population est sans comparaison entre la grippe (Influenza) et la COVID (SC2) 🤷‍♂️
Ceci suffit à permettre un espacement+++ des rappels pour la grippe...
27/55
B) L'impact sanitaire de la COVID est sans commune mesure avec celui de la grippe.
Même si la nouvelle "trend" est de dire que "COVID is the new flu" (le fameux retour de la grippette), voici une petite comparaison éloquente...
28/55
Sur OWD, j'ai repris les données d'hospitalisation, d'entrées en réanimation et de décès associées à la COVID ( https://ourworldindata.org/coronavirus ).
Puis sur SPF, j'ai repris les bilans des 3 dernières épidémies grippales complètes (donc avant la saison 2019-2020)...
29/55
Voici ce que la COVID peut faire en termes d'entrées hospitalières en UNE SEULE SEMAINE :
pic 1 - 03/04/2020 = 25045
pic 2 - 09/11/2020 = 20063
pic 3 - 13/04/2021 = 15034
pic 4 - 24/08/2021 = 6334
Actuellement - 13/01/2022 = 15646
31/55
On faire la même comparaison pour les entrées en réanimation.
Avec la COVID en UNE SEULE SEMAINE :
pic 1 - 03/04/2020 = 4838
pic 2 - 10/11/2020 = 3094
pic 3 - 12/04/2021 = 3467
pic 4 - 23/08/2021 = 1447
Actuellement - 13/01/2022 = 2339
33/55
On peut même regarder du côté des décès.
A noter, pour la COVID on ne dispose que des décès COVID+ à l'hôpital et EHPAD (pas de données sur décès "en ville") :
en 2 ans, la COVID a tué au moins 126596 personnes, soit ~63298 par an...
35/55
Je sais que malgré tout ceci, "COVID is the new flu-ette", mais pour ajouter au ridicule de cette comparaison, je vais ajouter les données vaccinales !
La situation actuelle avec la COVID, est atteinte MALGRÉ une vaccination de 75% de la pop (et >90% de la pop éligible)...
36/55
Et cela avec des vaccins dont l'efficacité contre les formes sévères/hospitalisations était >90% avant Omicron, et encore >80% après 3ème dose depuis Omicron !...
37/55
Le bilan des épidémies grippales, est ridicule par rapport à la COVID, ET POURTANT, il est obtenu avec une couverture vaccinale beaucoup plus faible, et une efficacité vaccinale très faible contre les formes graves/hospit.
Voici les données...
39/55
Plus éloquent encore, l'efficacité vaccinale contre les formes sévères de grippes est incroyablement plus FAIBLE qu'avec les vaccins contre la COVID.
Exemple en 2017-2018 = 11% ( https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/grippe/documents/bulletin-national/bulletin-epidemiologique-grippe-semaine-16.-bilan-preliminaire.-saison-2017-2018).
En 2016-2017 = <10% ( https://www.eurosurveillance.org/content/10.2807/1560-7917.ES.2017.22.7.30464)
40/55
Pour compléter, voici une enquête du CDC sur les données des 15 dernières années, avec l'efficacité contre grippes sévères (au sens large = inclut un simple passage aux urgences) :
https://www.cdc.gov/flu/vaccines-work/effectiveness-studies.htm
41/55
Vous comprendrez donc que comparer grippe et COVID est au mieux une erreur, au pire de la mauvaise foi patente.
La COVID fait bien pire, MALGRÉ une vaccination bien plus large et bien plus efficace que pour la grippe.
42/55
Alors pourquoi avons besoin de rappel beaucoup plus fréquents et larges pour la COVID que pour la grippe ?
C'est avec cette partie que je terminerai ce thread, en rappelant ce qu'est une "efficacité vaccinale" et qu'elle guide une politique de santé PUBLIQUE...
43/55
Un vaccin est un médicament conférant une protection individuelle, mais aussi associé à une protection altruiste/collective, en l'occurrence pour la COVID, via :
↘️ de transmission virale (sans la supprimer)
↘️ de la charge hospitalière
44/55
Bien qu'il soit un élément de protection individuelle, aussi bien l'efficacité vaccinale que la politique de santé publique qui en découle ne sont évaluées qu'au niveau populationnel !...
45/55
L'efficacité vaccinale se mesure au niveau de cohortes (~populations) vaccinées VERSUS non-vaccinées. Elle correspond au % de ↘️ du taux d'incidence d'un évènement donné chez les vaccinés (exemple : infections symptomatiques, hospitalisations, décès...)
46/55
Elle ne s'évalue pas au niveau individuel !
Pour AUCUN vaccin, on ne conditionne des rappels vaccinaux à un résultat sérologique !
Même pour l'hépatite B, la sérologie n'est utilisée que pour savoir si on a répondu au vaccin ou non.
47/55
Il est impossible d'interpréter une sérologie en termes de risque individuel !
Les seuils critiques ne sont pas connus, et ils ne sauraient être universels : ils dépendent de l'âge, sexe, comorbidités, voie de contamination, charge virale reçue, variant impliqué...
48/55
Ainsi, une stratégie vaccinale (politique de santé PUBLIQUE), ne dépend pas du risque individuel, mais du risque collectif.
Les rappels vaccinaux ne dépendront pas alors que de données biologiques mais aussi sociologiques/politiques...
49/55
Du point de vue strictement biologique, avec la COVID, tout vaccin devra être répété régulièrement, d’autant plus régulièrement que :
A) La circulation virale est tolérée à très haut niveau (et pas saisonnière comme la grippe)...
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B) La tension hospitalière est forte = vaccination fréquente pour réduire l’afflux hospitalier malgré une circulation virale intense (si stratégie 100% vaccinale)...
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C) Le virus évolue et échappe à l’immunité = ↘️ de nos capacités de neutralisation virale = ↘️ de l’efficacité vaccinale = ↘️ de l’écart d’incidence de l’évènement indésirable entre groupe vacciné versus non-vacciné = nécessité de ↗️ la fréquence des rappels vaccinaux
52/55
Et c'est aussi pour cela que les propos comparant vaccin antigrippal et anti-COVID sont inappropriés car ce ne sont pas les vaccins anti-COVID qui ne sont pas « parfaits », c’est simplement la stratégie « 100% vaccinale » qui maximise les limitations de la vaccination...
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En maximisant l’exposition de la population au virus, on maximise :
A) Son évolution et donc son échappement immunitaire
B) L’incidence des formes graves/hospit/décès dans tous les groupes = maximise les tensions sur le système de santé...
54/55
Pour compenser, le seul moyen est alors de maximiser également la fréquence des rappels vaccinaux pour maintenir au plus bas possible l’incidence de ces évènements (hospit/décès...) MALGRÉ une circulation virale continue et très intense.
55/55
Tout ça pour rappeler que les critique sur les doses de rappels traduisent surtout une mécompréhension de la vaccinologie, relèvent +de la frustration individuelle que de la science, et la comparaison grippe/COVID est pour le moins inappropriée. https://twitter.com/mvankerkhove/status/1480989998879068168?s=20
You can follow @C_A_Gustave.
Tip: mention @twtextapp on a Twitter thread with the keyword “unroll” to get a link to it.

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