Voici un an et un tiers, nous regardions, effrayés, l'épidémie de #covid se répandre sur le monde, confinés dans nos logements ou assurant la subsistance de tous en première ligne. Nous parlions R, temps d'incubation, biologie virale. Un temps d'intelligence partagée.

Nous parlions de stratégie tester-tracer-isoler (il n'y avait pas assez de tests, et le gouvernement n'a jamais prévu de moyens pour isoler correctement), nous discutions tailles des mailles et nombre de couches pour les masques en tissu.

On se faisait enfumer par #Raoult et son traitement miracle qui a échoué à tous les tests sérieux, mais accaparé la moitié des ressources en recherche sur les traitements (les autres n'ont pas été meilleurs, le temps perdu n'a pas été un drame). Puis Omura a sorti le sien...

Nous voulions réindustrialiser le pays pour devenir autonomes en masques (bravo à la #CoopDesMasques !), en gel hydroalcooliques, et en respirateurs (honte au gouvernement d'avoir fait crever #Luxfer). Nous applaudissions les #soignants.

En juin (2020, hein !) les choses se précisaient : le virus est aéroporté. Les écoles allemandes investissent dans les détecteurs de CO₂ et les purificateurs d'air. En France, quelques tutos arduino pour en fabriquer dans son garage. Et puis rien ne se passe.

On garde le protocole à base de gel (aérosol, on a dit !), on ventile au petit bonheur la chance (CO₂ pas mesuré !), on alterne entre températures trop basses et crainte du virus tout l'hiver, à faire cours sous tension, jonglant entre police du masque et objectifs pédagogiques.

Et les vaccins sont arrivés.
On aurait pu se dire "chouette, on passe du modèle SIR(D) au SIRV". Et peaufiner le modèle avec plusieurs niveaux d'immunité, des probabilités de rechute, des classes d'âge, des vaccinés-infectés à faible contagiosité, 1 ou 2 doses, ...
Mais non.

Deux mois de polémiques absurdes sur le prix : le vaccin le plus cher est à 20€ la dose, soit 40€ en tout. Un test PCR, c'est 70€.
Payer 50% de plus pour produire plus vite (et des dividendes, certes) eût été cohérent. Tester-tracer-isoler, c'est l'option chère et liberticide.

Le gouvernement a entretenu cette polémique, ravi que le débat porte sur le prix et le effets secondaires, plutôt que sur le manque de doses. La Commission Européenne, ne regardant que le coût d'achat, n'a pas sécurisé les livraisons, et la France n'a pas travaillé de plan B.

Et maintenant, les uns et les autres, tels des adeptes fraîchement convertis de religions monothéistes, sont en quête d'absolu. "Il faut que tous soient vaccinés sinon on va tous mourir" versus "je ne m'approche pas des vaccinés sinon ils vont me le refiler, c'est contagieux".

Au printemps dernier, il nous restait un soupçon de raison. Nous regardions les rapports hebdomadaires de Santé Publique France, avec ses estimations de taux de reproduction R selon les départements, munis d'intervalles de confiance, liant notre liberté à l'inégalité Rₜ<1.

La dynamique de l'épidémie #Covid n'a pas changé. Le virus se reproduit à un taux de base R₀ = β/γ.
β dépend de la capacité du virus à se propager, donc des mutations des variants et de nos mesures barrières
γ traduit le temps de guérison/contagion ; isoler rapidement l'augmente

Le virus se transmet moins bien après la vaccination. On n'atteint pas zéro : la vaccination, ça n'empêche pas le virus d'entrer dans l'organisme. Ça donne un temps d'avance aux anticorps pour s'occuper de l'intrus, et limite donc sa diffusion vers les autres.

Nous avons donc Rₜ = βS/γN, avec S les "susceptibles", ni anciens malades, ni vaccinés, ni infectés, et N la population totale (c'est une constante, on n'y touche pas). Pour diminuer Rₜ, le ramener sous 1, il faut diminuer le produit βS.

Les mesures barrières diminuent β ; les mutations l'augmentent (jusqu'ici le virus ne semble pas jouer avec γ, donc pas d'allongement de l'incubation asymptomatique). La vaccination diminue S, et l'épidémie aussi (survivre à la maladie immunise) (ce qui ne nous tue pas...)

Delta n'est pas encore hégémonique : l'évolution actuelle de l'épidémie, en montée modérée, est la somme de Alpha, qui baisse, et de Delta, qui monte. Il est vraisemblable que le Rₜ de Delta sous les mesures barrières actuelles (y compris vacances scolaires) soit proche de 2.

Actuellement, il y a 39% de vaccinés, et 13% ont reçu une première dose (les pourcentages de l'inepte ministère de #Véran font disparaître les mineurs, alors que #Blanquer, un an après le reste du monde, a enfin reconnu que les salles de classes sont des lieux de contamination)

En gros, avec deux doses, on est protégés à 95%, avec une dose à 80% (le sens du pourcentage est mal établi : protégé contre la mort ? les formes graves ? les tests positifs ? la capacité à transmettre le virus ?).
On a 39*0.95+13*0.8 = 47.45% pour le compartiment V du modèle.

Il y a eu 5.8M de cas positifs, donc 8.6% d'immunisés pour compartiment R. Il reste donc (passage au complémentaire, et infectés négligés) 100-47.4-8.6 = 44% pour le compartiment S, qui peuvent encore être infectés.

Résister à Delta, c'est faire passer son Rₜ sous 1 :
diviser S par 2, en vaccinant 14 millions de personnes de plus
renforcer les mesures barrières, diviser β par 2
vacciner 7 millions et diviser β par 1,4
vacciner 21 millions, et multiplier β par 2.

Voilà, pour faire la fête, il n'est pas nécessaire de forcer la vaccination de tous. On peut sortir de la crise sans renoncer aux libertés fondamentales (mais critiquer les anti-vax et démonter leurs affirmations est aussi une liberté !).

Avec de la pédagogie (pas du bourrage de crâne) et de l'organisation (pour que l'accès à la vaccination soit facilité en campagne, dans les quartiers populaires, pour les personnes âgées hors EHPAD) ces seuils de vaccination peuvent être atteints.

Pas la peine de hurler et de rentrer dans une guerre de religions. Que ceux qui acceptent de se faire vacciner prennent leurs doses, que ceux qui ne veulent pas ne se fassent pas piquer mais n'empêchent pas les autres d'y aller.
Et on survivra à la rentrée des classes.
Merci !