[THREAD] J'ai vu passer pas mal de questions, affirmations et approximations sur la rémunération des auteurs avec ce tweet.
Du coup je vous propose un petit rappel de comment fonctionne (en gros) la rémunération des auteurs (de bouquins, parlons de ce qu'on connaît).
https://twitter.com/AdrienTomas/status/1391653480738197505
Du coup je vous propose un petit rappel de comment fonctionne (en gros) la rémunération des auteurs (de bouquins, parlons de ce qu'on connaît).

Les auteurs et autrices du livre sont rémunérés sous essentiellement trois formes : les droits d'auteur, les à -valoir et les activités accessoires.
Première précision : ils ne sont techniquement pas rémunérés pour leur TRAVAIL, mais pour l'exploitation de leurs œuvres.
Première précision : ils ne sont techniquement pas rémunérés pour leur TRAVAIL, mais pour l'exploitation de leurs œuvres.
Les sous qu'on touche sont sous forme de droits d'auteur, et donc raccordés à l'exploitation de nos œuvres sous forme de vente de livres, mais aussi de rencontres autour des livres en question.
Je laisse reposer : les auteurs ne sont jamais payés pour leur travail.
Je laisse reposer : les auteurs ne sont jamais payés pour leur travail.
Allons-y, dans l'ordre.
1. Les droits d'auteurs.
Ils sont calculés selon un pourcentage du prix de vente hors taxe du livre (donc sans la TVA de 5.5%), multiplié par le nombre de livres effectivement vendus.
Logique.
1. Les droits d'auteurs.
Ils sont calculés selon un pourcentage du prix de vente hors taxe du livre (donc sans la TVA de 5.5%), multiplié par le nombre de livres effectivement vendus.
Logique.
Par exemple, si j'ai négocié 10% d'un roman à 20€HT vendu 3000 fois, je dois toucher :
0.10 x 20 x 3000 = 6000 euros.
0.10 x 20 x 3000 = 6000 euros.
A noter cependant : obtenir 10% de droits, c'est assez rare (bien que très possible, certaines maisons d'édition plus ou moins grandes pratiquent déjà ce tarif).
La moyenne est plutôt autour de 7-8% en litté adulte et, for some reason, autour 5-6% en litté jeunesse.
La moyenne est plutôt autour de 7-8% en litté adulte et, for some reason, autour 5-6% en litté jeunesse.
A noter aussi : la part réservée aux auteurs est souvent incompressible, donc est divisée par le nombre de co-auteurs.
Par exemple un livre avec 8% de DA Ă©crit Ă quatre mains, c'est 4% pour chaque auteur.
En BD, le scénariste prend parfois moins que le dessinateur.
Par exemple un livre avec 8% de DA Ă©crit Ă quatre mains, c'est 4% pour chaque auteur.
En BD, le scénariste prend parfois moins que le dessinateur.
Les droits d'auteur peuvent ĂŞtre Ă©volutifs par paliers de vente. Quand un auteur dit avoir 8/9/10, cela signifie par exemple 8% jusqu'Ă 5000 ventes, 9% jusqu'Ă 10000, 10% au-delĂ .
Comme les % et l'à -valoir, les paliers peuvent (et doivent) être NÉGOCIÉS.
Comme les % et l'à -valoir, les paliers peuvent (et doivent) être NÉGOCIÉS.
Les droits d'auteurs sont versés généralement une fois par an, parfois plus selon les ME.
La maison d'édition envoie à l'auteur une reddition de compte, c'est-à -dire qu'elle produit un document qui établit combien de livres ont été imprimés/vendus/donnés/soldés/détruits.
La maison d'édition envoie à l'auteur une reddition de compte, c'est-à -dire qu'elle produit un document qui établit combien de livres ont été imprimés/vendus/donnés/soldés/détruits.
Ce document sert de base pour calculer la rémunération de l'auteur.
Il est OBLIGATOIRE d'en recevoir un par an et par éditeur, c'est une obligation contractuelle. Le défaut de production de reddition deux années de suite peut permettre de reprendre ses droits.
Il est OBLIGATOIRE d'en recevoir un par an et par éditeur, c'est une obligation contractuelle. Le défaut de production de reddition deux années de suite peut permettre de reprendre ses droits.
À noter : je vous ai fait rêver avec 6000€ sur un an d'exploitation, mais les ventes chutent TRES rapidement d'année en année.
Une nouveauté qui se vend bien la première année se vendra moitié (ou quart) moins la seconde, et de manière anecdotique les suivantes.
Une nouveauté qui se vend bien la première année se vendra moitié (ou quart) moins la seconde, et de manière anecdotique les suivantes.
C'est la raison pour laquelle il faut être attentif aux reprises (en poche par exemple) et aux rééditions (intégrales, collector, etc.) qui peuvent donner une nouvelle vie aux romans.
Dans tous les cas, l'Ă©diteur est tenu Ă une exploitation SUIVIE ET PERMANENTE.
Dans tous les cas, l'Ă©diteur est tenu Ă une exploitation SUIVIE ET PERMANENTE.
C'est-à -dire que pendant la durée de la cession de l'œuvre (parfois 70 ans après votre mort)(lol), il est OBLIGÉ de rendre votre livre DISPONIBLE.
Il faut donc qu'il y ait du stock, et qu'il soit commandable aisément par les librairies.
Sinon, l'Ĺ“uvre est indisponible.
Il faut donc qu'il y ait du stock, et qu'il soit commandable aisément par les librairies.
Sinon, l'Ĺ“uvre est indisponible.
Et dans ce cas, l'auteur peut récupérer ses droits parce que l'éditeur n'a pas respecté son obligation contractuelle.
Le plus souvent il suffit d'une lettre recommandée qui force l'éditeur à réimprimer sous 6 mois ou perdre les droits.
Le plus souvent il suffit d'une lettre recommandée qui force l'éditeur à réimprimer sous 6 mois ou perdre les droits.
Ah un autre truc sympa : l'éditeur s'arroge généralement le droit de retenir une partie des ventes la première année, c'est ce qu'on appelle la PROVISION SUR RETOUR.
En effet, le roman que l'éditeur place en librairie peut très bien ne pas se vendre.
En effet, le roman que l'éditeur place en librairie peut très bien ne pas se vendre.
Auquel cas, le libraire renvoie les invendus, qui retournent dans les stocks de l'éditeur (ou sont pilonnés). L'éditeur se retrouve alors avec moins de ventes que prévu, les retours venant compenser une partie des ventes.
Par exemple, 3000 exemplaires de votre roman sont achetés par les librairies. L'éditeur calcule 3000 ventes, et vous annonce avoir vendu ça.
Sauf que six mois plus tard, 600 romans reviennent. L'Ă©diteur ne peut pas vous compter -600 ventes qu'il faudrait alors lui rembourser.
Sauf que six mois plus tard, 600 romans reviennent. L'Ă©diteur ne peut pas vous compter -600 ventes qu'il faudrait alors lui rembourser.
Donc pour absorber ce possible choc, il peut prévoir par exemple 20% de retours.
Il va donc vous payer pour la vente de 3000-600 = 2400 exemplaires, soit :
0.10x20x2400 = 4800€.
Il va donc vous payer pour la vente de 3000-600 = 2400 exemplaires, soit :
0.10x20x2400 = 4800€.
Si les retours sont moins importants que prévus, l'éditeur vous remettra alors la somme retenue l'année d'après.
Attention, cette pratique n'est OK que la PREMIERE année d'exploitation. Ensuite, l'éditeur se débrouille pour prévoir ses retours.
Attention, cette pratique n'est OK que la PREMIERE année d'exploitation. Ensuite, l'éditeur se débrouille pour prévoir ses retours.
2. LES À-VALOIR
Il s'agit d'une avance sur les ventes, une sorte de minimum garanti.
Il s'agit d'une pratique répandue, surtout chez les éditeurs moyens et grands, mais pas systématique.
Il s'agit d'une avance sur les ventes, une sorte de minimum garanti.
Il s'agit d'une pratique répandue, surtout chez les éditeurs moyens et grands, mais pas systématique.
Attention, il ne s'agit PAS de l'achat des droits du roman, en mode "en Ă©change d'une somme, tu me vends ton bouquin".
Car cette somme devra être REMBOURSÉE par l'auteur avant qu'il puisse toucher quoi que ce soit.
Car cette somme devra être REMBOURSÉE par l'auteur avant qu'il puisse toucher quoi que ce soit.
Pas remboursée au sens propre, mais déduite des ventes effectives.
Reprenons notre exemple du dessus : 6000 euros pour 3000 ventes.
Sauf que j'ai touché 2000 euros d'à -valoir.
Je toucherai donc en réalité après un an d'exploitation :
6000-2000 = 4000 euros.
Reprenons notre exemple du dessus : 6000 euros pour 3000 ventes.
Sauf que j'ai touché 2000 euros d'à -valoir.
Je toucherai donc en réalité après un an d'exploitation :
6000-2000 = 4000 euros.
(Pour ceux qui ont suivi : en fait ce sera 6000 - 2000 d'Ă -valoir - 1200 de provisions = 2800.
Oui ça pique.)
Oui ça pique.)
Comme il s'agit d'avances, je vois souvent fleurir le conseil selon lequel il vaut mieux négocier les % que l'à -valoir, puisque :
1. Ça permet de rembourser l'à -valoir plus vite et
2. On touche plus sur le long terme.
1. Ça permet de rembourser l'à -valoir plus vite et
2. On touche plus sur le long terme.
MAIS.
Car il y a un mais.
L'à -valoir est accessoire pour un auteur ou une autrice déjà riche et/ou qui a un autre métier à côté qui le fait vivre. Il/elle peut se permettre de ne pas négocier l'à -valoir et se concentrer sur les %.
Car il y a un mais.
L'à -valoir est accessoire pour un auteur ou une autrice déjà riche et/ou qui a un autre métier à côté qui le fait vivre. Il/elle peut se permettre de ne pas négocier l'à -valoir et se concentrer sur les %.
Aucun jugement : si vous pouvez vous concentrer sur les % et les négocier à la hausse, by all means, faites-le.
Plus vos % seront hauts, plus ils tireront ceux des collègues vers le haut.
Plus vos % seront hauts, plus ils tireront ceux des collègues vers le haut.
Mais pour les auteurs et autrices dont c'est l'unique métier, l'à -valoir est souvent ce qui séparer un frigo vide d'un frigo plein. L'argent sur lequel on devra vivre pendant l'écriture.
Donc négocier un gros à -valoir est aussi important pour nous.
Donc négocier un gros à -valoir est aussi important pour nous.
Donc en gros... si vous le pouvez, négociez LES DEUX. À-valoir ET pourcentages.
Et n'oubliez pas les paliers.
Et n'oubliez pas les paliers.
3. LES ACTIVITÉS ACCESSOIRES
Il s'agit des rencontres scolaires, tables rondes, ateliers, lectures publiques, etc., qu'un auteur ou une autrice peut être amené.e à faire.
Ils sont RÉMUNÉRÉS (en droits d'auteur donc, c'est une exception), parce que c'est un TRAVAIL (si si).
Il s'agit des rencontres scolaires, tables rondes, ateliers, lectures publiques, etc., qu'un auteur ou une autrice peut être amené.e à faire.
Ils sont RÉMUNÉRÉS (en droits d'auteur donc, c'est une exception), parce que c'est un TRAVAIL (si si).
Certains auteurs et autrices, notamment en litté jeunesse, touchent une partie non négligeable de leurs revenus à travers ces activités dites accessoires.
Il existe une grille de tarifs, Ă©tablie par le @LeCNL selon les recommandations annuelles de @CharteAuteurs.
Il existe une grille de tarifs, Ă©tablie par le @LeCNL selon les recommandations annuelles de @CharteAuteurs.
Ces tarifs sont ceux qui sont le plus souvent appliqués pour rémunérer les auteurs et autrices en intervention.
Il est OBLIGATOIRE de les respecter quand par exempLe on est un festival qui touche une subvention du CNL et/ou de @LaSOFIActCult
Il est OBLIGATOIRE de les respecter quand par exempLe on est un festival qui touche une subvention du CNL et/ou de @LaSOFIActCult
Sans subvention, il est recommandé de s'en approcher au plus près.
Ah et un détail important : ces tarifs ne sont PAS sécables en tarif horaire.
2h de rencontres = intervention + trajets + préparation en amont = 3 à 6h en vrai.
Ah et un détail important : ces tarifs ne sont PAS sécables en tarif horaire.
2h de rencontres = intervention + trajets + préparation en amont = 3 à 6h en vrai.
Voilà , je pense que j'ai à peu près fait le tour.
Merci d'ĂŞtre venus Ă mon Ted Talk.
Merci d'ĂŞtre venus Ă mon Ted Talk.
Ah si un dernier truc que j'ai oublié : l'à -valoir étant un minimum garanti, il ne PEUT PAS être remboursé par l'auteur à l'éditeur si le bouquin se vend moins que prévu.
Sauf si on est un salopa- je veux dire un Ă©diteur peu vertueux.
Sauf si on est un salopa- je veux dire un Ă©diteur peu vertueux.
Ah et il existe d'autres types de rémunération des auteurs, notamment le tarif à la planche en BD et le tarif au feuillet en traduction, mais je ne les maîtrise pas assez pour en parler (et je ne les ai jamais pratiqués).