Je ne supporte plus l'utilisation de "pick-me" pour qualifier des femmes. C'est profondément misogyne et condescendant. J'ai décidé de ne plus l'utiliser.

Petit thread du dimanche.

Ce qui me hérisse le poil c'est qu'on infantilise ces femmes, on les juge bêtes, parce qu'on les considère comme soumises. On les juge d'embrasser le patriarcat, de s'en accommoder. Et je pense qu'on leur en veut un peu aussi.

On ne peut pas juger une femme parce qu'elle accepte les diktats du patriarcat, on ne peut pas lui en vouloir et l'infantiliser. Le prix de la rébellion est cher et je comprends tout à fait que pour se protéger et protéger leur santé mentale certaines femmes ne se rebellent pas.

Embrasser sa condition sociale ne fait pas de nous des femmes bêtes, mais des femmes qui se protègent comme elles peuvent pour survivre dans cette société de merde. Et si ça doit passer par accepter les diktats patriarcaux, c'est leur choix. C'est leur survie, leur tranquillité.

Critiquer une femme parce qu'elle est "ouvertement" soumise au patriarcat c'est d'une incroyable condescendance. On l'est toutes. Croire qu'on s'extrait de cette soumission est illusoire tant que le patriarcat est en place. On subit toutes cette société.

On décide juste de se rebeller ou non. Mais se rebeller ça a un coût. Ça joue sur notre santé.

Et plus on déconstruit les choses, plus on voit les choses, et plus ça fait mal. Comment peut-on juger des femmes qui ne veulent pas voir ? Comment peut-on les mépriser ?

Puis c'est se croire meilleures. Et au final on fait exactement ce qu'on reproche à ces femmes : essayer de passer pour meilleures que les autres. On prend d'autres femmes de haut, on les méprise, parce qu'on les juge "moins déconstruites que nous". On se croit supérieures.

C'est profondément misogyne de prendre d'autres femmes de haut. Ça l'est d'autant plus quand on le fait pour se moquer de leur soumission au patriarcat. Ce ne sont pas les "pick-me" qu'il faut juger, mais cette société. C'est le patriarcat le problème.

C'est le patriarcat qui nous apprend à nous juger et nous mépriser. C'est le patriarcat qui nous apprend à nous détester pour qu'on ne fasse pas corps, qu'on ne s'unisse pas. C'est le patriarcat qui nous divise et c'est le patriarcat qui nous soumet.

Mais ces femmes cristallisent nos craintes, elles nous renvoient à notre condition sociale, elles représentent ce contre quoi on lutte nous-mêmes, et c'est très désagréable. Alors on préfère les prendre de haut et s'en moquer, ça nous rassure au fond.

Et oui ça fait mal de voir nos soeurs soumises au regard masculin et à l'approbation des hommes quand on essaye nous-mêmes de s'extraire de tout ça. Ça fait mal qu'elles prennent d'autres femmes de haut. Ça fait mal qu'elles nous jugent elles aussi.

Mais en fait, en qualifiant les femmes de "pick-me" on joue le jeu du patriarcat, à savoir se monter les unes contre les autres, se juger, se mépriser, essayer d'être les meilleures aux yeux du monde. Ça va à l'encontre de la sororité.

Je refuse de qualifier une femme de pick-me maintenant, ça me fait trop mal. Ça va à l'encontre de ce pour quoi (et contre quoi) je lutte. Je ne veux pas juger mes soeurs, je veux comprendre et embrasser leurs choix. Et leur donner la force si elles le veulent de se rebeller.

Si il y a bien une chose que nous devons juger c'est le patriarcat qui nous soumet, ce sont les acteurs du patriarcat (qu'on ne nommera pas pour ne pas sauter). Ce sont eux les responsables, les coupables. Les femmes et personnes perçues comme telles sont leurs victimes.

Alors oui parfois certaines phrases sont extrêmement agaçantes, mais c'est parce qu'elles cristallisent la violence patriarcale au travers des yeux de nos soeurs. Et ça fait extrêmement mal.

Mais de là à parler de "pick-me" ?

Comment peut-on en vouloir aux femmes de vouloir être choisies par les hommes quand on leur apprend toute leur vie qu'il faut l'approbation masculine pour avoir le droit d'exister ? Pour avoir le droit au respect et à un semblant de tranquillité ?

Et oui c'est illusoire.

La misogynie intériorisée ça fait mal, mais ce ne sont pas les autres femmes le problème, ce sont ceux qui leur ont fait l'intérioriser. Ce sont eux qu'on doit combattre. Les femmes ne sont pas responsables du maintien du patriarcat en place.

La misogynie intériorisée disparaîtra avec le patriarcat. Elle n'est que la conséquence de siècles de soumission des femmes et personnes perçues comme telles. Il vaut mieux en vouloir aux bourreaux qu'aux victimes, surtout quand les victimes intériorisent pour se protéger.

Ah oui, et les hommes qui qualifient les femmes de "pick-me" :