Au XVIIe siècle, les grands vaisseaux de ligne étaient à la fois des navires de guerre, formidables plateformes d'artillerie, et de magnifiques œuvres d'art. #Thread à propos des décorations de l'un des plus beaux navires de la marine de Louis XIV : le Soleil Royal !

On sait l'importance que Louis XIV accordait aux symboles. Son prestige devait se traduire sur mer par une décoration somptueuse, notamment pour les vaisseaux de premier rang, navires amiraux de ses escadres.

Colbert le comprit très bien. En 1669, il écrivait à l'intendant de l'arsenal de Toulon : "Je conviens que les ouvrages de sculpture [...] consomment beaucoup de temps, mais vous m'avouez vous-même qu'il n'y a rien qui frappe tant les yeux, [...]"

"[...] ni qui marque la magnificence du Roi que de les bien orner. (sic)"

Trois vaisseaux de la marine de l'Ancien Régime portèrent le nom le Soleil Royal. Le premier, construit à Brest en 1669 par le maitre charpentier Laurent Hubac, fut somptueusement décoré !

Comme de nombreux vaisseaux d'importance à cette époque, les ornementations du Soleil Royal furent imaginées par Charles Lebrun (1619-1690), fameux premier peintre du roi Louis XIV qui fut notamment chargé des décors du château de Versailles.

Pas ou peu utilisé durant la guerre de Hollande (1672-1678) et la décennie 1680, le Soleil Royal fut refondu et presque entièrement reconstruit au-dessus de la ligne de flottaison en 1689. De nouvelles décorations furent ainsi imaginées par Jean Bérain (1640-1711).

Les décorations d'un vaisseau se concentraient essentiellement à deux endroits : à sa proue où une sculpture en bois ornait l'avant du navire, et sur sa poupe (le derrière du navire). Après avoir brièvement décrit la figure de proue du Soleil Royal, nous analyserons sa poupe.

A l'origine, la figure de proue du Soleil Royal (1669) était une sirène avec un bras tendu tenant un globe couronné. Son autre main tenait un sceptre contre son corps. La sirène était dévêtue, n’ayant que des coquillages et quelques colliers pour cacher sa poitrine.

La figure de proue dessinée par Jean Bérain en 1689 représentait la déesse grecque Amphitrite sur un cheval marin.

Voici les ornements de poupe imaginés par Jean Berain pour le Soleil Royal en 1689.

Le couronnement de la poupe est formé par deux figures de femmes assises les jambes étendues. Celle de gauche, allégorie de l'Occident, est coiffée à l'antique et tient un sceptre. Celle de droite symbolise l'Orient, elle est vêtue à l'orientale.

Un cheval, "la plus noble conquête de l'homme", se tient au côté de l'Occident tandis que ce qui semble être un félin apprivoisé (présence du collier autour de son cou) est couché aux pieds de l'Orient.

Les deux femmes se trouvent de part et d'autre de la couronne royale, symbole de la domination du Roi sur l'Occident et l'Orient.

Plus bas, le Roi est représenté sous la figure de Phébus conduisant le char du Soleil attelé des quatre chevaux mythologiques Pyroïs, Euos, Actéon et Phlégon lancés au galop. Deux vont à gauche (Occident), deux à droite (Orient), affirmant la volonté du Roi de dominer l'ensemble.

De part et d'autre du char solaire se trouve deux bustes de femmes portant sur la tête une corbeille de fleurs pour l'une, de fruits pour l'autre.

Plus bas se trouvent deux personnages assis sur les extrémités de la galerie. Celui de gauche est coiffé de plumes et celui de droite d'un casque représentant un éléphant. Ils font références à l'Amérique et à l'Asie, les deux régions du monde que le Soleil Royal éclaire.

Sous la zone qui porte le nom du vaisseau, quatre termes représentent les quatre saisons. L'hiver tout à gauche est représenté par un vieillard enveloppé d'une draperie qui le couvre du froid. Les trois autres saisons sont couronnées de fleurs et de fruits.

Quatre sabords de retraite étaient classiquement percés à la poupe du Soleil Royal. Une fleur de lys était gravé sur chaque mantelet (volet qui servait à fermer le sabord en cas de mer forte, ceci afin que l'eau ne s’engouffre pas dans le navire).