Un reportage très intéressant de @ajplus sur l'appropriation des terres à #Hawaï.

En #NouvelleZélande, autre nation polynésienne, ce combat pour les terres ancestrales dure depuis plus de 180 ans ⬇️ https://twitter.com/ajplus/status/1389337980704333826
Après la « découverte » de la #NouvelleZélande par James Cook en 1769, les premiers colons britanniques s'installent au « pays du long nuage blanc » dès la fin du XVIIIe siècle.
Au départ, le contact avec les #Māoris se passe plutôt bien, avec l'apport de plusieurs technologies et opportunités commerciales. L'écriture, en particulier, est rapidement adoptée par ce peuple de tradition orale.
Mais ces « Pākehā » (Blancs) fraîchement débarqués, dont certains criminels échappés d'Australie, profitent de ce nouveau monde où l'autorité de la Couronne britannique est quasi-absente pour mener une vie de débauche : alcoolisme, prostitution, violence...
Les #Māoris, excédé du comportement des premiers colons, s'assemblent en Confédération des Hāpu (tribus) et se tournent à plusieurs reprises vers le Roi d'Angleterre afin de restaurer la discipline chez ses sujets.
En 1835, sous l'impulsion du diplomate James Busby, une Déclaration d'Indépendance est signée par de nombreux chefs māoris : elle garantit notamment la souveraineté des indigènes sur leur territoire et la protection de la Couronne britannique.
Cette Déclaration est consolidée en 1840 par Te Tiriti o Waitangi (le Traité de Waitangi), signé par une large majorité des chefs indigènes.
Ce Traité réaffirme la souveraineté territoriale des #Māoris (« tino rangatiratanga ») tandis que la Reine d'Angleterre contrôle ses propres sujets selon le principe de « kāwanatanga » (gouvernance). Les mots ont une importance cruciale ici.
Car arrive l'événement à l'origine de toutes les tensions qui secouent encore aujourd'hui la société néo-zélandaise : la rédaction d'un second Traité de Waitangi, rédigé cette fois-ci en anglais.
Officiellement une traduction de Te Tiriti (et compris comme tel par les quelques chefs l'ayant signé), il implique pourtant l'exact opposé puisque « tino rangatiratanga » est traduit par « cheftainerie » et « kāwanatanga » par « souveraineté ».
En clair, les #Māoris abandonnent leur souveraineté au profit de la Couronne britannique. À peine le second Traité signé, le gouverneur William Hobson proclame son autorité sur l'ensemble des deux îles néo-zélandaises.
Commence alors une appropriation massive des terres ancestrales māories par les colons. Entre 1840 et 2000, on estime que les indigènes se sont vu déposséder de 96 % de leurs terres — plus de 25 millions d'hectares.
Cette appropriation entraîne une série de guerres, les Land Wars, entre 1843 et 1916. C'est un conflit de guérilla, où 18.000 soldats britanniques sont mobilisés contre plusieurs dizaines de milliers de #Māoris.
Les Land Wars coûtent très cher à la Couronne britannique mais les indigènes finissent par céder. En représailles, le gouverment confisque de nouvelles terres à plusieurs tribus.
Dans la foulée des Land Wars, plusieurs décennies de colonisation, de racisme et d'assimilation forcée entraînent un déclin massif de la population indigène (divisée par deux entre 1840 et 1900) et la quasi-disparition de la langue māorie (te reo).
À partir des années 70-80, un tournant dans la jurisprudence du Traité de Waitangi mène à la création du Tribunal de Waitangi, chargé d'enquêter sur les plaintes des #Māoris contre la Couronne britannique, et notamment l'appropriation des terres.
Pour la première fois, la différence entre les deux versions du Traité est affirmée, et le Tribunal permet de lever le voile sur les violences de l'histoire coloniale néo-zélandaise.
Mais ce tournant est de courte durée. À partir de 1994, le gouvernement conservateur au pouvoir décide de reprendre la main sur la question et lance une politique de « règlement des griefs du Traité de Waitangi », qui se poursuit encore aujourd'hui.
Concrètement, l'idée est de court-circuiter le Tribunal de Waitangi en proposant un dédommagement financier aux tribus lésées. Avec pour objectif caché de faire taire toute réclamation et de revenir sur les droits acquis par les indigènes au cours des deux décennies précédentes.
Une politique très mal vécue par les #Māoris, pour qui l'indemnisation du vol d'une terre ancestrale contre de l'argent est une insulte. De plus, les montants alloués sont dérisoires par rapport à la valeur marchande des terres volées, ce qui empêche les tribus de les racheter.
Loin de la promesse de permettre aux #Māoris « de sortir d'un mode de doléances et d'embrasser un mode de développement », la politique de règlement des griefs n'a fait qu'accentuer les inégalités entre Pākehā et indigènes, tout en alimentant le ressentiment de ces derniers.
Quelques chiffres : un taux de pauvreté et de chômage deux fois plus élevé que pour les Pākehā, une espérance de vie inférieure de 7 ans, un accès à l'enseignement supérieur deux fois moindre et une surreprésentation carcérale : plus de la moitié des détenus sont māoris.
Un racisme institutionnel nié par les gouvernements successifs, y compris par la très progressive @jacindaardern. Voilà qui rappelle le débat français entre #universalistes et #antiracistes décoloniaux... à ceci près qu'en #NouvelleZélande la colonisation n'a jamais pris fin.
Ce (long) fil est issu d'un cours donné par Tiopira McDowell et Margaret Mutu à l'Université d'Auckland en 2017. Merci de l'avoir lu jusqu'au bout. Tēnā koutou, haere rā !
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