J’ai eu besoin de réfléchir avant de faire ce thread sur la réforme des études de santé. Parce que c’est un sujet compliqué et merdique pour le politique et qui met les étudiants jusqu’au cou dans un monde merdique.
Commençons par ce qu’étaient les études de médecine il y a 18 ans, quand j’y suis rentré.
A l’époque on entrait en médecine par la PCEM1, ou 1ère année du premier cycle d’études médicales. Déjà à l’époque elle était, à Lyon, commune avec l’odontologie, kiné, maïeutique et erogothérapie.
Historiquement elle n’était commune qu’à médecine et dentaire, puis pour des questions de fric on y a greffé sage-femme (pourquoi pas, c’est une profession médicale), kiné et ergo (plus discutable)
A l’époque on était à Lyon Sud 600 candidats. Les épreuves étaient communes, le concours unique. Les cours étaient en présentiel. Le contenu classique articulé entre les sciences fondamentales (anat, physio,
Bioch, biophysique, biomol, biocel) et des sciences humaines.
Pour discriminer sur autre chose que les sciences, on avait 30 points sur 130 en SHS qui permettaient à des « têtes bien faites » de passer, et on n’avait pas de maths (d’autres facs si hélas)
Il y avait le numerus clausus et c’était difficile et exigeant mais on ne vivait pas avec l’angoisse de l’échec car on pouvait redoubler de façon inconditionnelle. Et parce qu’on sentait malgré tout une humanité dans l’accompagnement.
Cette humanité est peut être plus forte à Lyon sud qui a cette réputation « bouseuse » avec à l’époque des enseignants et un doyen, le Pr Gilly, qui remettaient les choses difficiles à échelle plus humaine.
Ce n’était pas le système parfait, il n’y en a pas. Mais je n’ai pas mal vécu mes P1, et parmi mes amis qui ont « raté » médecine, malgré la déception, tous ont ensuite réussi ailleurs et cette P1 les avait aguerris.
Les années suivantes, on a vu exploser le nombre d’inscrits en P1 à mesure que le NC augmentait mais peu. Puis une restructuration a fait que les facs du centre de Lyon ont fusionné et que finalement du quart des P1 de Lyon, LS en a récupéré la moitié...
Ça sentait déjà un peu moins la campagne et le petites fleurs en 2010 quand j’ai passé l’ECN et que j’ai vu ce tsunami de P1 déferler sur mon trou de verdure oullinois...
Puis il y a eu la PACES... je me demande qui a uriné dans le cerveau de ceux qui ont pondu cette broyeuse... je me le demande encore!
Avec la PACES on a décidé de fusionner deux concours hyperselectifs pour en faire qu’un et avec des modalités de validations croustillantes... donc pharma s’est greffé à médecine ou inversement pour pas froisser les potards...
Et là... après un premier semestre commun aka goulet d’étranglement, les Étudiants passaient leurs partiels. Et on en virait déjà une partie. Soit en les réorientant dans un semestre d’autre première année, soit en leur disant à l’an prochain mais pas en PACES.
Les autres, plus chanceux, devaient choisir leurs unités d’enseignement selon leurs souhaits futurs. Mais si on voulait tenter médecine et pharma et kiné, ben on multipliait les épreuves et la charge de travail...
Puis aux terminaux, ben on passait les épreuves voulues et là, il y avait le tamis fin du NC. Soit on passait la marche soit on redoublait si on avait une moyenne suffisante soit on était réorienté dans une autre première année avec une éventuelle de revenir en PACES...
Vous la voyez mieux la broyeuse? Moi je l’ai vécue comme praticien. J’ai du soigner des étudiants dépressifs, anxieux... à 18-20 ans bordel! J’ai souvent essayé de leur filer mes conseils de vieux con mais j’avais pas de conseils sur la connerie de ceux qui avait inventé la PACES
Pire, un soir en visite j’en suis même arrivé à suggérer fortement à une gamine de 18 ans, à la veille de Noël, d’arrêter. Elle était en burn-out.
Démolie par ce système. Elle ne dormait plus, avait perdu 10 kilos, et évidemment queutait tout. Bachelière S mention TB Spé maths...
J’ai appris plus tard qu’elle avait suivi mon conseil. Et avait été hospitalisée un semestre. Et avait repris une formation non universitaire.
Mais restait clostrophobe, agoraphobe, et surtout incapable de remettre les pieds dans une fac ou d’entendre parler d’un concours...
Ce jour là j’ai fini de haïr les connards qui avaient inventé le NC, puis avait atomisé une P1 imparfaite mais humaine pour créer la PACES... j’avais un espoir quand j’ai entendu parler de réforme...
Puis ils ont inventé une nouvelle usine à gaz: PASS/LAS.
Pas mauvais le principe de deux voies sont une avec premier cycle à mineure santé. Une façon de dire « y a pas que les maths et l’anat »
Sauf que les majeures sont parfois aussi dures que les mineures et doublent la charge de travail: économie, droit, bio, histoire, STAPS...
Courage mes lapins!
Puis en plus interdit de redoubler en PASS/LAS. Éventuellement si tu te plantes dans une des deux, tu peux intégrer l’autre sous conditions... bon courage mes lapins...
Je tiens à féliciter les énarques à cerveau malade d’avoir transformé une broyeuse en moissonneuse batteuse. Allez après demander à des jeunes préalablement humainement cabossés d’aller écouter, réconforter, soutenir les souffrances des patients.
Sans parler de cette année hybride où les redoublants de PACES et les nouveaux PASS/LAS doivent se partager le numerus dit appertus (un numerus toujours bien clausus malgré tout... ben oui un porc maquillé reste un porc...)
J’attends de voir avant de juger la R2C et la R3C. J’espère que le matching qui remplacera l’ECN ne sera pas occasion de remplacer la méritocratie imparfaite des concours par le piston et la cooptation. Désolé de ne pas être naïf, je connais trop l’entrisme universitaire
Et moi je propose quoi puisque je gueule? J’ai des idées mais qui se soucie d’un médecin de base, que généraliste, loin des facs?
Réindividualiser les formations et concours. Ça coûte peut-être des sous, mais ça remettra de l’humanité et des promotions moins nombreuses.
Ne plus fixer de NC ou NA mais une moyenne butoire à 12/20. Ça va une mention pour passer en seconde année
Continuer de sortir du tout CHU pour montrer toute la diversité des exercices
Sortir du mandarinat qui donne à des barons locaux le pouvoir de vie ou de mort sur des carrières
Bref: HUMANISER HUMANISER HUMANISER!
Et je le dis et redis: les étudiant(e)s ne demandent pas de cadeau ou moins d’exigence. Ils demandent de l’humanité de la bienveillance et d’être autre chose que des matricules. Pour être de bon(ne)s praticien(ne)s, épanoui(e)s et heureux dans leur vie d’hommes et de femmes
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