Fil à dérouler | Le 5 mai 1921, jour du Centenaire de la mort de Napoléon Bonaparte, l’Equipe de France de football l’emportait pour la première fois sur l’Angleterre.
Au Stade Pershing, à Vincennes, et devant plus de 30 000 spectateurs, la sélection française s'impose face à son homologue anglaise sur le score de deux buts à un.

C'est la huitième rencontre entre les deux équipes. Les sept précédentes furent toutes à l'avantage des anglais.
La rencontre, détonnante sur le plan sportif, se joue dans un jour et un contexte particuliers. Cent ans auparavant, mourrait Napoléon Bonaparte. Trois ans plus tôt, s’achevait un conflit meurtrier affectant particulièrement la France, la Première Guerre mondiale.
Ce conflit mobilise l’ensemble de la société, c’est ce que l’on nomme la « guerre totale ». Le pays déplore près d’un million et demi de soldats morts. Tandis que plus de quatre millions sont blessés et que les pertes civiles sont de l'ordre de plusieurs centaines de milliers.
On estime que plus de 30% des français ayant entre 19 et 24 ans, sont morts en 1918.

Ces pertes effroyables provoquent un basculement générationnel, dans les associations sportives mais également en Equipe de France. En effet, même les plus grands sportifs allèrent au front.
C'est le cas de Pierre Chayriguès, qui témoigne de la guerre durant ses permissions pour le titre L'Auto. Cependant, si le grand gardien du Red Star retrouve la sélection après la guerre, ce n'est pas le cas de tous. Certains ne sont pas rappelés ou sont victimes du conflit.
C'est le cas d'Eugène Maës, grand buteur de l'Equipe de France et du Red Star des années 1910. Blessé au front et convalescent après la guerre, il ne retrouve pas la sélection mais continue sa carrière du côté de Caen. D'autres meurent, comme Charles Dujardin et Jean Loubière.
Autant dire que la société, en 1921, est marquée par la guerre mais aussi par le souvenir napoléonien. Est-il utile de rappeler qu'en plus du Centenaire de la mort de Bonaparte, la France connaissait la fin du Second Empire, il y a un peu plus de 50 ans.
La veille du 5 mai, à Ajaccio, le Maréchal d'Espèrey était reçu par le maire de la ville et visitait la maison natale de Napoléon Bonaparte, accompagné d'une foule qui « lui fit, sur tout le parcours, une enthousiaste ovation »

(Le Petit Parisien, 5 mai 1921)
Le lendemain, les cérémonies sont nombreuses dans la capitale.

Le matin, a lieu un défilé de troupes militaires et un recueillement devant la tombe du soldat inconnu.

L'après-midi, une cérémonie dans la chapelle du tombeau de l'Hôtel des Invalides.
Au Stade Pershing, pour le coup d'envoi, nombreuses sont les personnalités militaires présentes : le général Lasson, chef de la maison militaire du président de la République, le général Laignelot ou encore le colonel Bonvalot, directeur de Joinville.

(Le Gaulois, 6 mai 1921)
L'Equipe de France du jour, avec notamment le capitaine Lucien Gamblin (debout et troisième en partant de la droite), et les buteurs Jules Devaquez et Jean Boyer (le premier est accroupi en bas à gauche et pose sa main gauche sur le second).
L'évènement est tel que plus de 5000 personnes entrent dans l'enceinte sans billet. Dans le stade, on décrit une foule qui « emplissait les tribunes et les gradins et qui débordait jusque sur la piste ».

(Excelsior, 6 mai 1921)
Le succès provoque une effusion de joie et « quand l’arbitre siffla la fin, la foule enthousiaste envahit le terrain et porta la plupart des joueurs français en triomphe ».

On note aussi que « la clameur du public fut formidable » pendant la rencontre.

(Excelsior, 6 mai 1921)
Les joueurs à citer, en plus des buteurs, sont Philippe Bonnardel mais surtout, Raymond Dubly.

Le roubaisien récite une de ses meilleurs partitions en Equipe de France. Il est le passeur décisif sur les deux buts français et touche également le montant du gardien adverse.
Le succès de cette équipe est salué par tous. Par exemple, dans L'Auto du 6 mai 1921 nous pouvons lire la chose suivante : « Bravo ! Gloire aux onze équipiers qui donnent aux football français un tel honneur ! ».
La veille, toujours dans L'Auto, le discours était tout autre : « Nous pouvons même espérer vaincre. Oh ! C’est évidemment un espoir fragile et la raison nous commande de pronostiquer plutôt la défaite des tricolores ».
Si cette victoire est si retentissante c'est qu'elle n'était en aucun cas attendu. Avant le match, la presse sportive et généraliste espéraient que la défaite ne soit pas trop lourde. De plus, l'absence de Pierre Chayriguès dans les buts inquiétait énormément.
Cette victoire, dans un contexte européen tendu (le jour même un ultimatum était adressé par les Alliés à l'Allemagne, ordonnant à celle-ci de travailler au respect du Traité de Versailles), apporte son lot de joie et de fierté.
Néanmoins, ce succès de prestige ne peut cacher toutes les limites et le retard sportif qu'accuse le football français sur ses voisins.

En 1921, les joueurs français, même les plus accomplis, sont officiellement toujours de simples amateurs. Le retard est parfois béant.
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