Tiens, aujourd'hui il y a une action qui commence et qui me touche de près.

#SEP-as tous les jours.

Alors je vais vous parler un peu de moi. Et de ma colocataire.

Quand on parle à quelqu'un, la première chose qu'on dit généralement c'est :
"Comment ça va ?"
On se demande tous comment ça va.
La réponse classique c'est : "Ça va, et toi ?"
Mais moi, j'ai une colocataire.
J'ai une sclérose en plaques.
Une #SEP, pour les intimes
Quand le neurologue a prononcé ces 3 mots et posé un diagnostic pour la première fois, je l'ai accepté immédiatement. Sans avoir de choc ou de coup de massue.
Une #ScléroseEnPlaques.
Bon.
C'est comme ça.
Dans la famille des #SEP, j'ai eu la joie et le bonheur de piocher une forme primaire progressive.

Primaire progressive, késako ?
Pour faire simple, les symptômes et les handicaps vont s'empiler les uns sur les autres, sans période de rémission. À un rythme imprévisible.
Alors quand on me demande "Comment ça va ?", pour être honnête il faudrait que je réponde un truc du style :

"Écoute, moralement, ça va très bien ! Mais... (tu peux t'assoir, ça va être long)
Je suis engourdi de la tête aux pieds avec une mention spéciale pour les jambes qui sont comme dans des chaussures de ski une pointure trop petite, de 00 h 00 à minuit, du lundi au dimanche, sans jour de repos, vacances ou jour férié.
J'ai des crampes dans les jambes 24 heures sur 24, des fourmillements, des décharges électriques qui ne préviennent pas, à toute heure du jour ou de la nuit.
J'ai les orteils en béton. Les plier me fait un mal de chien. Sans avoir besoin de les cogner dans la table basse.
Avant, je marchais pas mal et j'aimais ça. Mais en quelques mois, mon périmètre de marche a fondu comme neige au soleil. Et non, le dérèglement climatique n'y est pour rien.
Je n'arrive même plus à faire 200 mètres de marche sans être épuisé. Donc je ne sors plus sans ma canne.
Ça me donne un côté Dr House (en moins imbuvable j'espère).
Parfois, dans la rue, il faut que je détende mes jambes pour faire partir une crampe plus forte que les autres. J'ai l'air d'un fonctionnaire travaillant au Ministère des Démarches à la Con. #MontyPython
Je vais voir une kiné.
Je mets 48 heures à me remettre d'une séance.
Et j'ai une séance tous les deux jours...
Si j'en crois mon neurologue, le passage en fauteuil roulant n'est pas inéluctable. Moi qui ai toujours rêvé de rouler en décapotable, ça tombe bien.
Mais bon, je ne vais pas crier victoire trop vite, on ne sait jamais. Je pourrais ne jamais en avoir besoin.
J'ai l'impression de chercher mes mots et de de ne plus savoir ce que je voulais dire, au milieu d'une phrase. Parfois j'oublie des trucs et j'ai l'impression de me répéter... de chercher mes mots et de de ne plus savoir ce que je voulais dire, au milieu d'une phrase.
...
J'ai la mémoire qui flanche, comme le chantait... J' me souviens plus très bien... une actrice.
Tiens, la mémoire. Dernièrement je ne me suis pas souvenu du nom de cet acteur que je voyais dans un film. Pourtant j'étais sûr de le connaître. Mais rien à faire, son nom ne revenait pas. C'est qu'il ne devait pas être si connu que ça.
Oui, je sais, ça arrive à tout le monde.
Mais bon, Wikipedia est mon ami : c'était Gérard Depardieu.
Je vois parfois flou d’un œil ; ou des deux. Puis ça passe.
J'ai l'impression de marcher sur du sable alors que les plages les plus proches de Strasbourg sont dans le golfe de Gênes ou dans la baie de Somme.
J'ai l'impression d'être un astronaute (t'as vu @Thom_astro, mon rêve d'enfant se réalise) et de tourner dans le vide. Je perds l’équilibre.
Je me lève sans encore avoir besoin d'un palan à moufles mais j'ai déjà regardé le prix sur le Bon Coin. Au cas où !
Je suis très souvent fatigué.
Très fatigué !
Très TRÈS fatigué, exténué, sans rien faire, épuisé à en crever. Avec parfois l'impérieuse nécessité de dormir, immédiatement, quoi que je sois en train de faire.
Et ce qui est drôle c'est que le sommeil ne me repose pas. Pas plus une sieste de 2 heures qu'une longue nuit de 4 heures, mon maximum en ce moment. Parce que je n'arrive pas à m'endormir avant 01 h du matin et que mes nuits sont rythmées par des phases de réveil répétées.
Une nuit classique, ça donne ça. Depuis 18 mois.
J'ai acheté un pilulier👇🏻 pour ne pas avoir à me souvenir de quel cachet prendre et à quelle heure. Ma montre vibre quand c'est le moment. C'est pratique. Alors je me sers un verre d'eau, je le bois... et parfois j'oublie de prendre ces fucking cachets.
Du coup je me dis que j'ai un peu plus mal que d'habitude mais que ça va aller. Et quand sonne l'heure du cachet suivant...
Parfois je me dis qu'en plus je devrais m'envoyer un fax pour ne plus oublier de prendre mon traitement.
Donc quand on me demande si ça va, je réponds : "Oui et toi ?"
Ou alors "Oui et vous ?" si je ne tutoie pas la personne ou que je n'arrive pas à la reconnaître (et que ce n'est visiblement pas Gérard Depardieu parce que lui je le reconnais depuis que j'ai regardé sur Wikipedia)
Alors si la personne me répond :
"Oh la la je suis fatigué.e !"
je réponds :"Ah il faut te reposer, fais attention à toi." (ou"Ah il faut vous reposer, faites attention à vous", si c'est vraiment Gérard Depardieu et que je ne l'ai pas reconnu malgré Wikipedia).
La sclérose en plaques est arrivée officiellement dans ma vie il y a 18 mois. Elle squattait certainement depuis bien plus longtemps, sournoisement. Et je sais qu'elle est là pour toujours.
Bah ouais, avec un corps aussi parfait que le mien dans lequel elle peut prendre ses aises sans demander d'autorisation, je la comprends.
Je vais positiver. Le premier signe pourrait remonter à 1986. J'ai gagné 33 ans de confort de vie sans traitement ni stress. Et pendant ce temps, les traitements et la prise en charge des patients ont fait des progrès.
Il n'y a pas une sclérose en plaques mais des scléroses en plaques. Autant que de malades.
En France, il y a 100.000 personnes atteintes.
Chaque jour, 7 personnes sont diagnostiquées.
Et 75 % de ces personnes sont des femmes.
Donc la sclérose en plaques, c'est chacun la sienne, avec des symptômes parfois en commun. Mais la mienne ne ressemble à aucune autre.
Du coup, je peux l'affirmer haut et fort : je suis unique au monde !
J'ai dans mon smartphone des numéros de téléphone (que je n'effacerai jamais) de personnes qui ne sont plus là, qui sont parties parfois très jeunes. Qui auraient préféré, j'en suis sûr, ma maladie à la leur.
Dans le loto des maladies graves, je me dis que je n'ai pas eu la pire.

Alors, rien que pour ça, je m'efforce de continuer à rire de tout et tout le temps.
Aujourd'hui, j'arrive encore à marcher. Peu, 200 mètres, mais j'y arrive.
Et demain ?
Et bien demain est un autre jour et je verrai bien.
J'aime beaucoup les Nuls et leur humour. Mais de là à plagier Dominique Farrugia en ayant la même maladie que lui, c'est top niveau.

Même si je ne peux plus danser la Carioca.
(Oui, je sais, la Carioca c'est Serge Karamazov et le commissaire Patrick Bialès, pas Simon Jérémi !)
Et que je n'aime pas les gencives de porc.
Lors d'une interview, ce même @farrugiadom a dit :
"Cette maladie, tu la traites de deux manières. Ou comme une ennemie, ou comme une amie.
Une amie, c'est : tu restes au lit et tu es malade.
Une ennemie, c'est : tu te lèves tous les matins et tu te bats"

https://m.ina.fr/video/I09148519/dominique-farrugia-a-propos-de-la-sclerose-en-plaques-video.html
Donc, comme lui, tous les matins je me lève et je me bats.
#Warrior
Cela vous permet de faire vivre l’asso, la soutenir, ça nous aide à réaliser de beaux projets comme le MS day (Multiple sclerosis day), le développement du parrainage au niveau national, la création de support pour améliorer notre quotidien...
Alors si vous pouvez nous aider, d'avance, merci.
Si vous ne pouvez pas, si vous ne voulez pas, je vous aime quand même.
Et donc, j'ai décidé de ne pas être malade.
Pour répondre à la question "Comment ça va ?" :

Je vais bien.
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