Paris c’est tout petit : l’équivalent d’un disque de 5.8 km de rayon, ce qui signifie qu’en marchant d’un bon pas (5 km/h), vous pouvez aller du centre de Paris (place Dauphine) à n’importe quel point de sa périphérie en moins de 70 minutes. #Thread
Évidemment, la plupart des trajets à l’intérieur de Paris sont plus courts (à peine 1.5 km en moyenne) — soit, en comptant les feux et les passages piétons, une petite vingtaine de minutes à pied ou quelque chose comme 6 à 7 minutes en vélo.
Il se trouve que la plupart des gens sont parfaitement insensibles à un trajet domicile-travail de moins de 30 minutes. On appelle ça la constante de Marchetti : en deçà d’une heure de trajet quotidien, votre temps de parcours n’est pas un problème.
Du coup, sur environ 8 millions de déplacements réalisés quotidiennement à l’intérieur des limites de Paris, 61% se font à pieds. Grâce au maillage très dense du métro, 27% se font en transports en commun (trajets plus longs, mauvais temps).
L’usage de la voiture ne concerne que 7% des déplacements intra-muros (et ça baisse) et les 5% restants, se partagent entre motos, vélos, trottinettes, skate-boards etc… (données STIF-OMNIL-DRIEA, EGT 2010, en semaine).
Le truc, c’est que vivre à Paris est un luxe que peu de gens peuvent se permettre. Avec un m² qui se promène entre 9k euros et 15k euros, le bonheur de pouvoir aller travailler dans Paris à pieds ou à vélo n’est pas à la portée de tout le monde.
Du coup les gens s’installent en banlieue. La règle est simple : plus vous vous éloignez de Paris, moins l’immobilier et cher mais plus vous devez vous préparer à vous taper des temps de transport longs.
Or, l’aire d’attraction de Paris (au sens de l’Insee) est immense. Je n’ai pas le chiffre exact mais, en se basant sur celui de l’aire urbaine, c’est une surface d’au moins 17 000 km² (et plus de 13 millions d’habitants dont seulement 2.2 millions de parisiens).
Les échanges entre Paris et sa banlieue, c’est environ 4.3 millions de déplacements quotidiens. Évidemment, les distances et les temps de trajet sont bien plus longs : 7.8 km et 45 minutes avec la petite couronne ; 24.1 km et 70 min avec la grande.
C’est-à-dire qu’on est, dans la plupart des cas, au-delà de la constante de Marchetti et qu’avec des trajets quotidiens de plus de deux heures (aller-retour), les gens qui viennent de la grande couronne sont même dans la zone de souffrance.
Le mode de transport ultra-dominant, avec 67% des déplacements, ce sont les transports en commun (i.e. métro, RER, train). Très clairement, si vous avez les moyens de vivre à proximité d’une station de RER, c’est ce qu’il y a de plus rapide.
Sauf que, ça non plus, ça n’est malheureusement pas donné à tout le monde.

Par exemple, ci-dessous, une carte des prix de l’immobilier au Vésinet et à Chatou. Jeu : devinez dans quelle partie passe la ligne du RER A.
(Notez que, de la station Le Vésinet Centre à la place de la Porte Maillot à Paris, il y en a pour 2 heures et demi de marche et trois quarts d’heure à vélo — autant vous dire que l’option « mobilités actives » est réservée aux sportifs accomplis.)
Du coup, les gens qui n’ont pas les moyens s’éloignent encore et, pour éviter de passer des heures tous les jours dans le RER, finissent par opter pour un mode de déplacement plus cher mais plus rapide : la voiture (26% des déplacements Paris-banlieue).
Et c’est là qu’est le problème.
Du point de vue des parisiens, évidemment, ce bon million de déplacements quotidiens de banlieusards en voiture, c’est un emmerdement. Ça pollue, ça fait du bruit, ça créé des embouteillages et c’est dangereux pour les piétons et les vélos.
Et, évidemment aussi, comme les parisiens élisent un maire auquel ils demandent de régler *leurs* problèmes, ils ont une nette tendance à réduire leurs besoins de mobilité à la marche à pied, au vélo et à la chasse aux voitures.
D’où ce qu’on observe depuis quelques années à Paris : les pistes cyclables qui fleurissent, les voies de circulation routière qui sont transformées en lieu de promenade ; tout est fait pour le confort et le bonheur des parisiens… aux dépens des banlieusards.
Autrement dit : les habitants de la capitale politique et économique française veulent la transformer en une jolie petite ville de province où il fait bon vivre — ce qui se comprend plutôt bien mais n’en est pas moins parfaitement contradictoire.
De là, deux solutions : la première consiste à investir massivement dans des infrastructures de transport en commun supplémentaires pour convaincre les banlieusards récalcitrants — problème : ça coûte affreusement cher.
La seconde, c’est tout simplement que Paris abandonne son rôle de capitale économique du pays. Concrètement : on déménage les grandes entreprises, les administrations et pourquoi pas les ministères en province et le problème est réglé. #Fin
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