J'ai un gros malaise (pour rester poli) avec le fait qu'on puisse commander et publier une telle étude. Et ça tient en un mot : vilain-effet-de-cadrage (ok, ça fait 4). Ça mérite beaucoup de nuance et quelques explications (un long fil donc) ⬇️ https://twitter.com/LCI/status/1387664112562364420?s=20
Passons sur le fait que 36% des Français n'ont pas entendu parler de la #tribunedesgeneraux publiée dans #ValeursActuelles et que 26% ne voient pas précisément ce dont il s'agit. Le 64% qui en ont entendu parler peut très bien se changer en 62% qui ne savent pas vraiment.
Sans prendre trop de risques, on peut dire qu'une majorité de Français ne pensent pas le matin en se rasant qu'un général retiré des affaires devrait apparaître au balcon de l'Hôtel de Ville en levant les bras et en disant "Je vous ai compris".
Passons aussi sur les effets de questionnaire : "c'est la chienlit, ça pète de partout, la France est menacée par un certain antiracisme et il y a des "hordes de banlieue", la violence augmente de jour en jour, pensez-vous que l'armée doit intervenir pour rétablir l'ordre ?" 😱
Plus sérieusement, on sait que la proposition "En France, on a besoin d'un vrai chef pour remettre de l'ordre" atteint de hauts niveaux : + de 75% selon les études. C'est ce qu'on appelle dans la jargon de "l'autoritarisme explicite". Ci-dessous Fractures Françaises @IpsosFrance
MAIS (car il y a un mais), cette demande de verticalité coexiste avec une forte demande d'horizontalité dans l'opinion. On l'avait montré en 2020 avec @Destin_commun : une proportion équivalente pense que par leur choix et par leurs actes, les citoyens peuvent changer la société.
Donc l'autoritarisme explicite, c'est intéressant, mais pas suffisant pour comprendre les dynamiques de l'opinion sur le sujet. Ça vaut le coup de creuser davantage. Ça tombe bien, il y a plein de données intéressantes sur ce sujet.
@karen_stenner définit l'autoritarisme comme une intolérance à la différence. Elle se traduit par une recherche d'unité (une seule autorité) et d'uniformité (mêmes valeurs). Elle s'accompagne aussi d'une aversion à la complexité. https://www.buzzsprout.com/1738464/8239130-2-why-some-people-are-primed-to-be-authoritarians-with-karen-stenner
Tout le monde n'est pas spontanément autoritaire. La psycho sociale et politique montre qu'une part de la population (un tiers en moyenne) présente des traits de personnalité autoritaire qui fonctionnent comme une prédisposition à l'autoritarisme.
Cette prédisposition ne se manifeste pas tout le temps : il faut des déclencheurs, la perception d'une "menace normative" dit Karen Stenner : sentiment que le pays va dans la mauvaise direction, que la démocratie fonctionne mal, que le pouvoir est contrôlé par les riches.
La combinaison des deux a un impact très net sur le vote en faveur de l'extrême-droite, comme @karen_stenner et @JonHaidt le montrent ici pour la France (graphique tiré de leur chapitre dans C. R. Sunstein (ed.), Can it happen here? Authoritarianism in America, 2018)
Maintenant, dans quel contexte cette menace normative a un effet renforcé ? K. Stenner évoque 3 facteurs clés :
1) la perception d'une fracture peuple/élites
2) la couverture médiatique, lorsqu'elle dépeint une fracture profonde dans l'opinion
3) un contexte de polémique forte
Ce sont les points 2 et 3, la couverture médiatique et le contexte de polémique, qui nous font revenir à nos moutons: la publication du sondage Harris est encadrée par des émissions construites sur des polémiques fortes. Il fonctionne comme une prophétie autoréalisatrice.
Mais il peut avoir aussi des effets dévastateurs. En la matière, la mayonnaise montée autour de la tribune des généraux en charentaise est un must. Donc oui, il y a une responsabilité du discours politique et médiatique parce qu'ils ont tjs un gros effet sur l'opinion. FIN
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