Je vois pas mal de gens sur Twitter exprimer un rejet de la littérature des siècles passés, complète ou partielle. J’aimerais dans une suite de threads essayer de comprendre pourquoi et apporter des éléments qui changeront ton regard (ou pas). Déroule pour le premier

On va commencer par Zola. Déjà parce que c’est un auteur important pour moi et aussi parce que c’est des rejets de Zola vu de-ci de-là qui m’ont inspiré ce format. Du coup, #Pourquoitaimespas Zola ? Mais d’abord, je vais être chiant avec un peu de contexte…

Émile Zola c’est un romancier actif de 1864 jusqu’à sa mort en 1902, donc seconde moitié du XIXe. Il est surtout connu pour sa série Les Rougon-Macquart dont le sous-titre est : Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le second Empire.

Second Empire, Napoléon III, “Haussmannisation” de Paris, révolution industrielle, culturelle, politique… Les Rougon-Macquart se placent là-dedans, mais le focus englobe toutes les strates de la société, autant les blanchisseuses que les ministres, les mineurs que les prêtres.

Les Rougon-Macquart c’est une famille divisée en deux branches héréditaires d’Adélaïde Fouque, une femme atteinte de folie. Chaque descendant possède une tare : la branche Rougon est ambitieuse et avide, la branche Macquart paresseuse et bon vivant.

Zola est chef de file du naturalisme, un genre qui s’appuie sur une solide documentation et qui essaie de peindre le réel avec tous ses petits détails sublimes comme vulgaires. Le naturalisme c’est un travail minutieux qui n’a que faire de la morale dans sa quête du vrai.

Très bien tout ça, mais du coup pourquoi t’aimes pas ? On reproche à Zola (et au naturalisme en général) beaucoup de choses, déjà à l’époque, mais toujours aujourd’hui. Je vais tenter des hypothèses, essayer de relativiser, voir si on peut contourner les difficultés.

Bon déjà, Zola c’est l’écriture « scientifique », froide, avec des descriptions précises et barbantes de vies lambda. Pas d’imaginaire. Je ne suis pas forcément d’accord : on dit souvent que Zola « dépeint » la société du 2nd Empire. Voilà ce qu’est Zola, un peintre de tableaux.

Il peint des scènes réalistes, mais parfois fantastique ! Pense aux descriptions de la mine de Germinal comme un monstre anthropophage « Et le Voreux, au fond de son trou, avec son tassement de bête méchante, […] l’air gêné par sa digestion pénible de chair humaine. »

Pense également à des titres moins connus comme La Faute de l'abbé Mouret et son épisode du jardin du Paradou, une réécriture du jardin d’Eden ou à Une page d'amour et sa description de coucher de soleil semblable à un Paris en flamme.

Zola c’est aussi le pessimisme de la seconde moitié du siècle qu’il partage avec Baudelaire, Huysmans, Maupassant, etc… C’est rarement drôle Zola, ça finit presque toujours mal ou en demi-teinte. Alcoolisme, folie, prostitution, suicide…

Là, je n’ai pas grand-chose à dire, sinon que dans cette vision sombre de l’humanité apparaissent quelques touches lumineuses, quelques instants de gaieté : une danse, un amour naïf, une fête entre amis… La joie ne dure jamais très longtemps, elle brille éphémère

Dernière hypothèse de ce thread trop long : Zola décrit un autre siècle, encore proche, mais déjà bien éloigné du nôtre. Les scènes mondaines, la politique du 2nd Empire, la vie dans le vieux Paris ne nous touchent plus.

Je rétorquerais avec la curiosité de découvrir un monde, un quotidien, différent et pourtant semblable à notre XXIe siècle. Une société déjà capitaliste et moderne tout en ayant l’aspect antique des vieilles photographies.

Les malheurs humains sont toujours d’actualité : violence conjugale, inégalité salariale, misère, égoïsme, ambition… Les peintures de Zola, bien qu’un peu surannées, nous rappel forcément des problématiques ou des événements contemporains.

Je termine avec quelques conseils de lecture : si t’es un peu curieux, mais dégouté des histoires de mineurs ou de blanchisseuses, regarde sur wiki les thèmes des romans, essayes-en un qui te touche ou qui t’intéresse.

Si t’es motivé, je te conseille de lire dans l’ordre de sortie. Les romans ont des liens les uns avec les autres, La Fortune des Rougon introduit les origines de la généalogie. Perso, j’ai commencé par l’Oeuvre, puis dans l’ordre. (J’ai pas tout lu, faut que je m’y remette)

Et si je ne t’ai pas convaincu : bah lis autre chose, mais lis ! Voilà, premier thread de #Pourquoitaimespas ? Je suis extrêmement curieux d’avoir vos retours, j’ai proposé des réponses maladroites d’un fan de Zola, mais j’attends les vôtres ! (Il a une bonne bouille non ?)