« La pensée straight » et « Monique Wittig » ont été prononcés à une heure de grande écoute dans Quotidien. C’est super. Pas tout à fait. Analyse d’une mini séquence médiatique d’une minute : https://www.tf1.fr/tmc/quotidien-avec-yann-barthes/videos/la-zone-mazaurette-lesbianisme-feminisme-et-poop-shaming-94578406.html

Le sujet commence « Avant hier, c’était la journée de la visibilité lesbienne, des milliers de manifestantes réclamaient l’extension de la procréation médicalement assistée à toutes les femmes, mais ce sont d’autres pancartes qui ont attiré l’attention »

Les fameuses pancartes s’affichent : « Rescapées de l’hétérosexualité », « Délivrez-vous du mâle, devenez lesbienne », « Le féminisme c’est la théorie, le lesbianisme c’est la pratique » (la phrase est de Ti-Grace Atkinson au passage)

Retour en plateau : « Peut-on être féministe et hétérosexuelle ? Quand on répond non, ça s’appelle du lesbianisme politique, texte fondateur, la pensée straight de Monique Wittig ». Que retire une personne lambda qui ne connaît pas l’histoire des théories féministes et lesbiennes

... comme à peu près 99% de la population ? Que les lesbiennes considèrent que les femmes hétéros ne sont pas et ne peuvent pas être féministes.

Alors : le lesbianisme politique, c'est considérer qu'il est souhaitable d’arrêter de considérer l’hétérosexualité comme base de la société, d'envisager pour cela un rapport différent aux hommes lorsqu'on est une femme. Et à titre personnel, ouvrir les possibles dans sa sexualité

On parle de relations intimes. Mais on parle surtout de la société dans son ensemble. La pancarte « Rescapées de l’hétérosexualité », il faut aussi entendre « hétérosexualité » comme système politique, comme représentation majoritaire, comme contrainte que nous subissons toustes.

(Je passe aussi sur le besoin viscéral d’humour et de références communes qui s’étalent sur les pancartes de manif quand on appartient à un groupe social minoritaire et invisibilisé. On voit bien que la dimension humoristique n’est même pas envisageable.)

Et en fin : « D’autres féministes considèrent au contraire l’hétérosexualité comme une opportunité militante. C’est incroyable ce que les hommes sont capables de faire par amour ou par désir ». Comprenez en creux : les lesbiennes détestent les hommes, classique de la lesbophobie

Voilà comment en une minute, on ne fait pas de pédagogie sur un sujet d’actualité, on ne fait pas de pédagogie sur ce qu’est le lesbianisme politique, mais on en profite pour dire que les vraies féministes aiment les hommes, elles.

On pourrait sourire et passer à autre chose, se dire que c’est déjà ça, qu’on nous caricature mais qu’à la limite, on parle de nous. Sauf qu’à chaque moment de visibilité médiatique, des lesbiennes se font harceler, violemment, c’est encore le cas pour Alice Coffin

qui depuis dimanche, pour avoir partagé une photo de cette fameuse pancarte « Le féminisme c’est la théorie, le lesbianisme c’est la pratique ». Chaque raccourci, chaque approximation, est une porte ouverte à de nouvelles violences pour les lesbiennes.

Dimanche, les lesbiennes marchaient aussi pour que les femmes célibataires hétéro puissent bénéficier de la PMA en France. Elles marchaient avec des hommes gays, qui militent pour qu’on augmente les dons de spermatozoïdes pour réduire le temps d’attente pour bénéficier d’un don.

Les luttes LGBT ont toujours bénéficié aux femmes hétéros. Peut-être qu’il manquait une petite minute pour expliquer ça. Mais y’avait déjà deux minutes avant sur la charge fécale dans le couple. Les choix éditoriaux, c’est aussi ça.