Allez un énième thread sur lesbianisme & choix ⬇️ La mise au point habituelle : je pars de mon expérience, je ne prétends pas que mon fonctionnement/mon rapport aux mecs est le même que celui de toutes les lesbiennes (je sais que ce n'est pas le cas).
Si j'ai arrêté de sortir avec des gars ce n'est pas parce que ça va contre ma "nature". Je rejette l'idée d'une orientation sexuelle "naturelle", ce qui n'est pas équivalent à dire "c'est social donc contrôlable/modifiable donc youplaboum les thérapies de conversion c'est cool"
(A un moment prêter ce genre d'intentions à des lesbiennes parce qu'elles osent questionner les discours biologisant l'orientation sexuelle, ou qu'elles n'adhèrent pas à une vision fataliste où on devrait être accepté au prétexte qu'on "n'a pas le choix", ça devient.. lesbophobe)
Je suis sûre que si je "tombais bien" (ce qui est statistiquement rare vu mes standards en matière de mecs) et que je prenais un peu sur moi ça pourrait être "sympa" (ça l'a été !) mais juste : pourquoi faire ça quand on peut faire autrement (et généralement mieux 😉) ?
On m'a déjà dit : "si t'as à prendre sur toi, c'est que dans le fond tu es lesbienne, tu n'es pas attirée par les hommes" et... ok, peut-être. Honnêtement savoir si les hommes m'attirent ou pas ça fait longtemps que ce n'est plus une grosse préoccupation.
Mais dans ce cas que dire des (féministes) hétérosexuelles/bies ? Tous ces articles et discussion sur "comment éduquer son mec au féminisme ?" c'est quoi si ce n'est pas la preuve que sortir avec un mec c'est prendre sur soi ?
Je crois pas que la différence entre les hétérosexuelles/bies-en-couple-hétéro et moi soit tant une question d'"attirance" pour les mecs (même si j'admets que 95% des gars me font l'effet d'un sac de patates)
mais plutôt que j'ai pas leur confort (relatif) auprès des mecs, ni leur patience, leur capacité à encaisser et à bouger sur mes standards.
Avant qu'on vienne m'accuser de juger les femmes en relation hétérosexuelle : questionner pourquoi certaines options sont plus ou moins faciles pour certaines vs. pour d'autres n'est pas équivalent à blâmer qui que ce soit pour le sexisme qu'elles subissent.
Mais c'est intéressant que ce soit ce qui revienne souvent dans ces discussions. Est-ce que ce serait pas une manière d'évacuer la dissonance cognitive, de projeter le malaise qu'elles ressentent sur les lesbiennes qui osent les pousser à questionner des trucs ?
Sur la question des attirances, j'ai vu plein de gens dire "on choisit pas ses attirances" mais est-ce qu'on est tous d'accord déjà sur ce que c'est qu'une attirance, sur comment on va définir/détecter/mesurer ça chez soi ?
(Cool pr vous si ça vous paraît simple mais clairement j'ai pas cette chance.) Est-ce qu'une attirance implique nécessairement un désir de voir les choses se concrétiser en relation sexuelle/amoureuse ? Est-ce que ça compte tjrs si finalement c'est plus théorique qu'autre chose ?
Si je parle de choix c'est parce que je ne suis pas dirigée par des pulsions incontrôlables, à chaque moment de ma vie sentimentale/sexuelle j'évalue ce qui me plait, a une chance de me plaire, ce qui "vaut le coût", les risques que je me sens de prendre ou pas...
et je prends des décisions sur cette base. Et c'est rarement simple et évident. A un niveau ou à un autre on fait toutes ça, certaines en ont juste plus conscience que d'autres.
Je parle de choix aussi parce que si j'avais dû attendre de me reconnaître attirée par une femme pour oser me poser des questions et envisager (dans un premier temps) la bisexualité, j'aurais jamais passé le pas et je serais restée hétéro.
J'ai "découvert" que j'étais attirée par les femmes *parce que* je me suis autorisée à les regarder comme des partenaires amoureuses/sexuelles potentielles, je me suis autorisée à imaginer ce que ça pourrait être.
J'ai choisi de continuer à me poser des questions, j'ai choisi de me faire des potes lesbiennes/bies pour me familiariser avec tout ça. J'ai choisi d'y aller à mon rythme (= lentement) avant de flirter/me mettre en couple avec des femmes.
Et en parallèle de tout ça, j'ai choisi de fréquenter des espaces avec peu/pas de mecs parce que j'ai jamais été à l'aise dans ces contextes. J'ai choisi des années de célibat plutôt que de chercher des relations (avec des mecs) (bon, avec des meufs aussi).
Et vous n'êtes pas en tort si vous êtes une femme et que vous ne faites pas tous ces choix-là... mais il n'empêche que (quelles que soient vos raisons et elles peuvent être très bonnes) vous faites ces choix.
Il n'empêche qu'il existe des alternatives au couple hétérosexuel (qui peuvent être à titre individuel difficiles à envisager ou difficile à mettre en place - je le sais bien j'en suis passée par là).
Après ce n'est pas parce que quelque chose est difficile que c'est impossible (ou impossible pour toujours) ou que ça ne vaut pas le coup.
Dans mon expérience, les lesbiennes qui parlent de choix ne le font pas pour pointer du doigt (et si certaines le font je vous encourage à ne pas les écouter et à ne pas généraliser), elles le font pour ouvrir des possibilités.
(C'est intéressant le nombre de féministes sur ce réseau qui sont prompts à défendre leur mec qui "n'est pas comme les autres" et à côté de ça n'ont pas peur de dire "les lesbiennes de Twitter" suivi de critiques qui généralisent mais bref passons)
J'anticipe un truc qui revient souvent dans ces discussions : la peur d'être illégitime/mal reçue (que ce soit par les milieux lesbiens ou pour trouver une partenaire). Franchement les lesbiennes dans leur ensemble sont pas pires que n'importe qui d'autre.
J'aurais même tendance à penser qu'on est mieux mais, hé, j'ai peut-être mes biais.
Vos questionnements, vos expériences, vos désirs vis-à-vis des meufs et/ou des mecs ne sont pas si uniques que ça, plein plein de meufs en sont passés par là avant vous et parmi elles ces lesbiennes (et ces bies) auprès desquelles vous avez peur d'être illégitimes.
Les premiers pas dans les milieux lesbiens c'est terrifiant. J'étais terrifiée. Et au bout du compte, rétrospectivement, c'était génial et ça valait le coup.
Le *sentiment* de légitimité ça s'acquiert sur la durée, en nouant des amitiés avec des gens qui comprennent notre expérience, en gagnant en confiance. C'est quelque chose qui se construit à l'intérieur de soi, pas quelque chose qu'on peut vous donner.
Si vous attendez de vous "sentir légitime" ou que la communauté fasse quelque chose qui miraculeusement vous fera vous sentir légitime, vous... attendrez longtemps...
Ca peut prendre du temps de trouver les meufs lesbiennes/bies avec lesquelles vous allez vraiment vraiment accrocher amicalement (ou amoureusement). Comme ça peut prendre du temps en contexte hétéro de se faire de très bon potes.
Ca veut pas forcément dire quelque chose des milieux lesbiens (précision : quand je dis milieu lesbien, j'inclus évidement des bies dans le lot) si vous obtenez pas tout de suite quelque chose qui est à la hauteur de vos espérances.
C'est normal d'être frustrée, c'est normalement de vouloir tout, tout de suite, après avoir eu tant de mal en entrer dans le "milieu", c'est humain. Mais faut aussi être réaliste.
Après les milieux lesbiens sont pas épargnés par les discriminations qu'on retrouve ailleurs (racisme, validisme, transphobie, par ex). Je suis pas en train de dire qu'on peut pas aspirer à améliorer les choses sur ces points-là.
Et j'ai conscience qu'on n'est pas toutes égales sur cette question de se sentir légitime/à sa place à cause de ça.
Mais dans tous les cas je pense que les anxiétés/la peur de l'illégitimité sont au moins partiellement une affaire personnelle, un problème qui ne peut pas être réglé par une/des action(s) la communauté.
Je pense que cette peur d'être illégitime est à relier à cette expérience particulière du placard, aux tabous de société autour de (l'homo/bi)sexualité, l'expression de genre et/ou la transition, la honte qu'on se traîne parfois depuis très longtemps,
et la notion de fierté qui a une place très particulière (et parfois contradictoire et paradoxale) dans les milieux LGBT.
On approche les milieux LGBT avec l'espoir que ça va régler toutes ces émotions compliquées, ça va apporter la réponse parfaitement calibrée à nos difficultés, on va être compris tout de suite après avoir été seuls si longtemps/si douloureusement.
Et quelque part, oui, à la longue on trouve des réponses à (certaines de) nos difficultés, de la compréhension, on se sent moins seule mais c'est pas miraculeux, ça implique des efforts (qu'il peut être dur de fournir)
et c'est pas simplement qu'on est aidé par d'autres gens, c'est qu'on change au contact d'autres gens.
Quand on décortique ce qu'il y a derrière cette "peur de l'illégitimité" y a des trucs qui ressortent comme la question de pas avoir "les codes du milieu" ou de pas "savoir comment aborder une fille". J'ai deux réponses à ça :
1) alors t'en fais pas, chaton, ça fait 10 ans que je patauge dans "le milieu" et les codes c'est merveilleux ça change d'un endroit à l'autre, c'est jamais formalisé, ce qui te permet de constamment te sentir à la ramasse (mais à la longue t'apprends à vivre avec)
et moi non plus je sais pas aborder qui que ce soit mais apparemment j'ai quand même réussi à me retrouver en couple à certains moments de ma vie (!!!) donc relaxe ça va aller
2) Ce sentiment d'inadéquation est basé sur un truc réel : le ressenti d’un décalage entre soi et des meufs qui sont out depuis (relativement plus) longtemps, couplé à une vulnérabilité qui fait qu'on va être extrêmement sensible à la critique (voire l'anticiper/l'imaginer).
Mais c'est normal de ne pas avoir l'assurance, le vocabulaire, les références, les idées politiques, les stratégies de lutte contre l'homophobie etc. quand on débarque.
Ca sert à rien d'avoir peur de "devoir" changer puisque de toute façon on ne peut pas passer du temps en milieu lesbien sans finir par changer (et généralement pour le meilleur).
Un dernier truc et peut-être je m'arrêterais là : le lesbianisme, ça peut être beaucoup plus que sortir avec des meufs. Quand je parle de "choisir le lesbianisme" c'est aussi choisir tout ce qui peut aller autour.
Ca fait 5 ans que je suis célibataire et je suis pas une sainte, ça me pèse parfois, mais le truc miraculeux c'est que quand 95% de tes potes sont LGBT, ils t'abandonnent (généralement) pas quand ils sont en couple
(Pas que les meufs hétéros submergées par le boulot, les tâches ménagères et les enfants soient "en faute" de délaisser leurs amis. Ca se comprend très bien.)
Je me souviens que je vivais le célibat beaucoup beaucoup plus mal quand j'étais hétéro, c'était limite une faute personnelle, la preuve que j'étais pas assez/que quelque chose allait pas chez moi. Le couple c'était un élément essentiel pour "être accomplie" dans la vie.
Sans dire que j'ai complétement dépassé ça, j'ai l'impression qu'il y a une certaine normalisation du célibat en contexte lesbien. Tes potes te font pas te sentir comme si t'étais une ratée si tu te retrouves célib sur le long terme.
Si on me donne le choix entre continuer comme ça pendant 5 ans ou sortir avec un mec, je pense que je prends la première option.
Le seul intérêt à sortir avec un mec (cis) ce serait la possibilité de fonder une famille relativement facilement. Mais si ça implique d'élever cet (ces) enfant(s) avec lui... 😴
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