Hier à la #marchelesbienne j’avais pris ma caméra et une question s’est posée : tension entre le besoin de créer les archives des luttes et de respecter la consigne des organisatrices : ne pas filmer les visages / les flouter [thread]
ça pose des questions intéressantes de rapport à l’image / au consentement à être filmé-e / prise en photo, c’est une réflexion que posent les féministes à la caméra depuis longtemps mais qui devrait intéresser tout le monde
parce que la prise de photo, ou de vidéo, s’est souvent construite comme une prédation (« safari » photo) et que beaucoup de photographes portent leurs appareils comme des colliers de virilité. C’est particulièrement marquant dans les manifestations féministes où j’ai déjà
assisté plein de fois à la scène où une meuf torse nu lève le poing et là tout à coup t’as un essaim de mecs en train de photographier, c’est hyper violent (et franchement ridicule). Ils sont là : TETOOOONS 

qu’on soit un 8 mars, la notion de mon corps mon choix osef



Donc j’ai pas envie de faire ça, mais en même temps plus je travaille sur les sujets feministes, plus je vois à quel point les archives nous manquent (et images de luttes lesbiennes encore plus !). Y’a qu’à voir les jours avant la marche de dimanche, on disait « première marche
lesbienne en France ! », ah non euh la deuxième, ah la troisième ! On a tellement peu d’archives. Je me suis dit je filme la marche, je garde une trace. La veille j’ai envoyé un petit message à @CollagesLesb pour savoir s’il y avait des consignes mais je comprends bien qu’elles
avaient sûrement déjà beaucoup à faire et n’ont pas pu répondre ! En arrivant je commence à filmer et j’entends la consigne au mégaphone : on ne filme pas les visages, ou alors floutés. Honnêtement, filmer une marche sans les visages, c’est pas simple. J’ai filmé les pancartes
mais on perd l’ambiance, la foule, le fait d’être nombreuses et une immense majorité de meufs cis / trans. Je suis là à imaginer le sens de ces images dans 30 ou 40 ans, comment les archives des époques passées me donnent de la force aussi. Et je me retourne et je vois
évidemment un tas d’appareils photos et caméras, tenues souvent par des hommes, qui s’en fichent un peu de la consigne. Je me dis que c’est pas juste que ça soit leurs images qui restent et pas celles faites dans un souci féministe justement. Et puis je vois plein de mecs
filmer depuis les trottoirs aussi. Est-ce qu’on peut empêcher les gens de filmer dans la rue ? Je discute avec les organisatrices qui me disent que c’est la décision prise en AG après des heures de débat. Et bien sûr c’est normal de vouloir préserver les participantes de la
marche. On imagine bien pourquoi toutes ne peuvent pas se permettre d’être identifiées à un événement comme celui-là. A la marche en mixité choisie à Bure en septembre 2020, les memes débats avaient eu lieu, j’ai pu filmer, la consigne était d’être masquée si on ne
voulait pas être identifiable (c’était plus facile au sein d’une marche déguisée), ou alors de faire signe qu’on ne voulait pas être filmée si on se voyait dans le champ de la caméra. J’ai des images incroyables de Bure. J’espère qu’un jour dans des années des militantes
pourront y accéder et voir ce qui s’est passé ce jour là. Au final en discutant avec d’autres organisatrices elles m’ont dit que c’était surtout la diffusion en ligne qui posait question, et que si c’était pour des archives c’était ok. Je partage ça ici parce que
je crois qu’on pourrait réfléchir collectivement à comment on veut que les événements publics soient filmés, plutôt que poser la question comme un pour ou contre. Comme les lesbiennes féministes qui dans les années 1970 en Oregon on essayé de repenser la photographie
hors du patriarcat, sont arrivées à la conclusion qu’il n’y avait pas une essence féminine de la photo mais qu’on pouvait construire un rapport féministe de confiance entre les personnes devant et derrière la caméra, et ainsi amorcer un mouvement nouveau, où l’image n’est pas
capturée mais co-construite. Dans un monde qui nous dépossède de nos images ou les utilise a des fins commerciales, cette réflexion nécessaire. Et 




à la marche d’hier.





