1. Trois fois que j'ai voulu faire ce thread sur l'affaire Halimi. J'ai entendu tellement d'énormités juridiques qui vaudraient des zéros à des étudiants de droit pénal. Plus que jamais il serait utile de vulgariser quelques notions de base.
3. Avant tout que les choses soient claires, l'antisĂ©mitisme, le racisme, doivent ĂȘtre combattus et rĂ©primĂ©s, quelles qu'en soient leurs formes. AdossĂ©s Ă  un crime ils en constituent nous le savons une circonstance aggravante. L'horreur du crime ne peut ĂȘtre dĂ©niĂ©e ou minimisĂ©e.
4. Le débat se situe ailleurs. Il est psychiatrique et juridique. Un rappel historique. Le droit romain qui est le socle de notre systÚme juridique écartait toute responsabilité pénale pour les fous (furiosi). Source 1 : J-Cl. Pén. Art. 122-1 et 122-2 Fasc. 20. Prof. Rassat
6. On voit que l'Ancien Droit (entre le droit romain et le droit issu de la Révolution) maintenait une responsabilité pour une question religieuse : les fous étaient possédés par le démon
7. L'art. 64 a laissé place, en 1994, à l'art. 122-2 : "N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrÎle de ses actes"
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000029370748
8. En vulgarisant : celui dont la conscience est déconnectée (abolie), l'homme sans cerveau, est irresponsable pénalement. Si sa conscience est seulement altérée et non abolie la juridiction "en tient compte" : réduction du tiers ; 30 ans au lieu de perpétuité
9. Est-ce-normal ? Oui car juger quelqu'un privé de sa conscience reviendrait pour notre société à régresser. Pourquoi alors ne pas juger les animaux comme au Moyen-Age ?
10. Pour une victime le premier problÚme dans la poursuite de la répression est là. Et le débat est avant tout médical, psychiatrique. Si au final les experts tendent à retenir une abolition du discernement les juges seront contraints de retenir une irresponsabilité
11. Et le dĂ©bat juridique s'arrĂȘte lĂ . Car le texte (depuis toujours) n'a jamais prĂ©vu de rechercher si la cause de la folie Ă©tait illicite ou immorale. Par exemple la prise de produits stupĂ©fiants ou d'alcool.
12. C'est lĂ  le sens de l'arrĂȘt de la Cour de cassation avec une motivation trĂšs courte :
"En effet, les dispositions de l’article 122-1, alinĂ©a 1er, du code pĂ©nal, ne distinguent pas selon l’origine du trouble psychique ayant conduit Ă  l’abolition de ce discernement"
13. "Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus" : lĂ  oĂč la loi ne distingue pas, nous ne devons non plus distinguer.
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_criminelle_578/404_14_46872.html
16. Souvent dans ces bouffĂ©es dĂ©lirantes, l'auteur croit entendre des voix, ou voir le diable... VoilĂ  peut-ĂȘtre pourquoi dans l'Ancien Droit bĂąti aussi sur des notions religieuses on jugeait l'auteur habitĂ© par le malin et donc coupable.
17. Devons-nous changer la loi ? Juger qu'est responsable celui dont le discernement a été aboli à raison d'une conduite addictive ? Au risque d'ouvrir de nouveaux débats d'expertises psychiatriques encore plus délicats ?
18. Et quelles conduites addictives ? Les stupéfiants ? Mais alors aussi et nécessairement l'alcool ? L'alcool dont on sait qu'il est parfois le refuge d'ùmes perdues ? Avec au final cette question peut-on juger quelqu'un qui en toute hypothÚse n'avait plus de conscience ?
19. En droit comparĂ© la solution est Ă©galement admise. Voici un article assez complet oĂč l'on apprend que l'irresponsabilitĂ© Ă©tait dĂ©jĂ  prĂ©vue par le code d'Hammourabi (1755–1750 avant JC)
https://en.wikipedia.org/wiki/Insanity_defense#:~:text=The%20insanity%20defense%2C%20also%20known,time%20of%20the%20criminal%20act.
20. J'ajoute cette remarque pertinente de @palais_au qui rappelle que pour que les victimes puissent avoir droit à un procÚs une procédure spécifique a été instituée à l'occasion du débat sur l'irresponsabilité : https://twitter.com/palais_au/status/1386386199355478018?s=20
21. "Spécifique" car elle est propre à l'irresponsabilité pour trouble mental. Il existe d'autres causes d'irresponsabilité : la contrainte, l'erreur de droit invincible, le commandement de l'autorité légitime, la légitime défense...
22. Pour terminer j'ajouterai que la question de la folie est peut-ĂȘtre bien la plus difficile Ă  gĂ©rer pour l'avocat d'une victime dont la douleur doit rester sacrĂ©e. Elle fait appel Ă  des notions de psychiatrie pour lesquelles notre formation est nĂ©cessairement incomplĂšte
23. Quand Ă  Ă©carter le fou d'un prĂ©toire il y a lĂ  un dĂ©bat qui nous renvoie inĂ©luctablement Ă  notre humanitĂ©. C'est lĂ  oĂč les philosophes pourraient utilement s'exprimer d'ailleurs
24. Il faut aussi regarder ce film de Tavernier ( @NetflixFR). Je mets cet extrait de l’analyse remarquable de ce film par le magistrat Christian GuĂ©ry chez @Dalloz qui avait Ă©ditĂ© un DVD l’extrait concerne la folie de l’accusĂ© qui fut guillotinĂ© (histoire vraie)
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