Vu la situation, thread sur un livre important: Vaincre Macron. Bernard Friot y propose des pistes fortes & des alternatives tangibles pour ne plus être dans une position uniquement défensive face à la violence du capital & du pouvoir. Un livre qui donne espoir
@DisputeEditions

Pour comprendre le macronisme il faut remonter à bien loin: le moment 1945-1946, quand ont été instaurées des institutions non capitalistes, en particulier le régime général de la Sécurité sociale échappant à l'État et au capital: une forme populaire auto-organisée de citoyenneté

Trois piliers font tenir ces formes non capitalistes:
• la propriété non lucrative, c'est-à-dire la propriété d'usage (on n'en tire pas de profit)
• la souveraineté des productrices et producteurs sur la production
• la gestion populaire et collective de ces institutions.

La Sécurité sociale & le statut de certaines professions (Fonction publique, services publics…) nés de ce moment 1945-1946 apparaissaient comme une révolution sociale tant elles rompaient avec la logique capitaliste de la domination, échappant aux employeurs et aux actionnaires.

Les gouvernements successifs n'ont eu de cesse d'attaquer ces acquis insupportables pour la domination du capital, avec une accélération des attaques à partir des années 1980. Le macronisme est l'aboutissement (provisoire) de ces attaques, leur apogée décomplexé.

"La 'réforme' conduite par la classe dirigeante depuis les années 1980 est une tentative de restauration du pouvoir du capital sur la production: c'est une contre-révolution" Friot parle de réformateurs: rien à voir avec le réformisme historique visant des avancées émancipatrices

Ces "réformateurs" ont tous été sanctionnés électoralement; d'autres réformateurs ont succédé aux réformateurs battus pour réaliser les mêmes "réformes", signe d'un considérable appauvrissement de la démocratie. Friot propose au contraire un "enrichissement de la citoyenneté".

Les contre-réformes, et singulièrement celles de Macron contre le code du travail, l'assurance-chômage, la Sécurité sociale & les retraites, attaquent tout ce qui peut apparaître comme
• un droit de chaque personne au salaire
• une protection collective.

Contrats de projet, de chantier ou de mission non seulement instaurent de la précarité mais individualisent radicalement les rémunérations en s'attaquant à toute forme de protection collective. Car pour le capital, l'auto-organisation collective est insupportable.

Face à la prédation capitaliste devenue folle tant elle est destructrice, déconnectée de la valeur d'usage au nom de l'impératif de profit, Friot insiste sur la nécessité de "restaurer un appareil productif faisant sens d'un point de vue anthropologique, territorial & écologique"

"Vaincre Macron, c'est promouvoir avec efficacité et détermination un appareil productif alternatif à celui que la mondialisation capitaliste nous laisse." Et d'abord donner un nouvel horizon au travail en étendant la part de la production de valeur non marchande.

Friot avance on le sait la perspective d'un salaire à vie (≠ du "revenu universel"): l'extension à bien d'autres sphères de la production & des services de ce qui est "déjà-là" notamment dans la Fonction publique: le droit rattaché à la PERSONNE d'une rémunération juste & digne.

Il y a un enjeu anthropologique majeur dans ces propositions:
•avec le salaire à vie, la personne est reconnue comme productrice de valeur
•la propriété d'usage de l'outil de travail rompt avec son appropriation par des profiteurs qui n'ont de logique que, justement, le profit.

Friot écrit "C'est une tâche considérable mais à notre portée puisque plus du tiers des + de 18 ans sont aujourd'hui peu ou prou en salaire à vie & qu'une partie de l'appareil productif (surtout éducation et santé) est en propriété d'usage" (à l'opposé de la propriété lucrative).

Il n'est évidemment pas étonnant que cette propriété d'usage, collective et déconnectée de l'impératif lucratif (dans l'éducation et la santé notamment) fasse l'objet d'attaques incessantes pour la faire entrer dans la logique du profit et de la rentabilité.

"Inclure les droits économiques [droit au salaire à vie & droits de celles-ceux qui produisent sur la production] dans la liberté & l'égalité en droits des personnes redouble l'audace & la portée anthropologique de l'article 1er de la Déclaration de 1789 & lui donne tout son sens

Friot décrit "l'épuisement anthropologique dû à l'absence de souveraineté des personnes sur la valeur". C'est pourquoi "démocratie et travail ont partie liée. Ils sont dans la même souffrance du fait de l'absence de la maîtrise de la production dans les droits de la personne".

"Le salut de la démocratie est dans l'enrichissement de la citoyenneté par la responsabilité des personnes sur la production par ces trois droits:
• salaire à vie
• propriété d'usage de l'outil de travail
• participation aux instances de coordination de l'activité économique."

Avec une autre conception de la laïcité: "Quand on considère combien les croyances capitalistes sont soutenues par une dogmatique religieuse, c'est bien d'un nouveau combat laïque qu'il s'agit", avec séparation du MEDEF & de l'État (laïcité qui, elle, ne sera pas récupérée…)

"Il est temps d'arrêter des productions inutiles, dangereuses, antidémocratiques, d'étendre le champ du travail à des activités utiles non valorisées par le capital, de déplacer la valeur vers des travaux qui aient du sens, tant du point de vue anthropologique qu'écologique".

Cette perspective, B. Friot la nomme "communiste". Il s'explique sur l'autocensure qu'il s'est longtemps appliquée quant à ce mot dévasté par le stalinisme et des régimes monstrueux et meurtriers. Mais sans rapport aucun avec le communisme du commun. Il revient…
@JudithBernarADA

Ce thread c'est juste pour donner envie de lire ou relire Bernard Friot, de mesurer combien ses propositions sont non seulement convaincantes mais tangibles, réalistes, pratiques, et font renouer avec la pleine démocratie, la démocratie vraie qui doit aussi s'étendre à l'économie