Le thread annuel sur la Révolution des Œillets est là, en version enrichie !
Evocation non seulement du 25 avril 1974 qui met fin à 48 ans de dictature, mais aussi du 25 avril 1975 et du 25 avril 1976 !
Excellent 25 avril à tous ! 1/
Pour comprendre la révolution des Œillets qui met fin à 48 ans de dictature, il faut revenir un peu arrière. La raison immédiate du 25 avril : les guerres en Afrique. Le conflit commence en 1961 en Angola et s’étend en Guinée-Bissau en 1963 et au Mozambique en 1964 2/
Pour conserver les colonies, Salazar envoie l’armée et, à partir de 1968, le service militaire dure 4 ans 40% du budget passe dans la guerre (la mobilisation est plus importante que celle des USA au Vietnam). Une bonne partie de l'armement est achetée à la France et à la RFA 3/
Officiellement, Salazar prétend qu'il n'y a pas de guerre. Ce sont des actes de terrorisme menés par des agents de Moscou et de Pékin. La dictature prétend conquérir les « cœurs et les esprits » et améliorer les conditions de vie d'une population africaine durement exploitée 4/
Eusébio, la star du football du Benfica et de la Sélection nationale née au Mozambique, est approprié par la propagande comme le symbole de ces Africains qui veulent rester Portugais. On médiatise son service militaire (à la Elvis Presley ou à la Johnny Halliday...) 5/
Mais au-delà de cette propagande, la guerre est ponctuée par des atrocités : l’armée portugaise utilise du Napalm et l’action de l’armée est parsemée d’exactions et de massacres (comme celui de Wiriyamu au Mozambique dénoncé dans les journaux anglais en 1973) 6/
En 1966, Luis Cília, né en Angola et exilé en France, chante "a bola" (le ballon) : la tête coupée d'un africain dans laquelle frappent des soldats portugais (je ne mets pas de photos... je préfère mettre un extrait de la chanson de Cilia) 7/
En France, des militants portugais et français dénoncent les armes fournies au Portugal (on répond avec le prétexte habituel : les emplois que ces usines d’armes génèrent…) 8/
Feu Valéry Giscard d’Estaing, ministre de l’économie et des Finances, se rend d’ailleurs au Portugal avant 1974 pour développer les relations économiques entre les deux pays. Il va également dans les colonies – et profite pour faire un safari au Mozambique… 9/
En 1961, seul le Parti Communiste défend l’indépendance des colonies (les anarchistes aussi sont contre mais ils ne sont plus très nbreux). Le projet colonial est profondément ancré au sein de l’imaginaire national et rares sont ceux qui contestent l'envoi de l'armée en Afrique
Toutefois, la guerre devient de moins en moins populaire : pour preuve, la proportion de réfractaires augmente. Au début des années 1970, 20% des jeunes se dérobent au service militaire. Beaucoup partent en France pour trouver un emploi, continuer leurs études 12/
Des comités de déserteurs et réfractaires se forment en France, en Belgique, en Suède. Ils dénoncent la guerre, les soutiens que le Portugal obtient et appuient les mouvements anti-coloniaux. Certains appellent les soldats à déserter avec leurs armes pour préparer la révolution
Retrouvez une partie de cette activité des insoumis/réfractaires/déserteurs dans ce beau catalogué déjà évoqué ici 14/ https://twitter.com/VictorPereir1/status/1375102475645157384
Le chiffre de 100 000 déserteurs en France en 1974 est souvent avancé. Une partie d’entre eux est aidé par des associations comme la Cimade. Très peu sont reconnus comme réfugiés par l’OFPRA (mais beaucoup ne demandent pas le statut craignant d’être repérés par les polices) 15/
En dépit de la censure qui veille au grain, au début des années 1970, la guerre est de moins en moins populaire. Elle apparaît sans fin car l’armée portugaise semble ne pas pouvoir la perdre mais toute victoire définitive est peu concevable non plus 16/
L'idée que la guerre est sans fin est renforcée par l'action de Marcelo Caetano le successeur de Salazar arrivé au pouvoir en 1968. Lui non plus ne veut pas négocier avec les mouvements anti-coloniaux, notamment avec le PAIGC dirigé par Amilcar Cabral 17/
Or en Guinée, le PAIGC contrôle une partie non négligeable du territoire et en dépit de l’assassinat de Cabral en 1973, le mouvement déclare l’indépendance du pays, indépendance reconnu par des pays communistes 18/
L'impopularité de la guerre provoque donc une hausse du nombre de réfractaires (notamment parmi les étudiants) mais aussi une baisse du nombre de jeunes qui vont à l’académie militaire. Dès lors l'encadrement en sous-officiers devient problématique 19/
En 1973 pour pallier le problème, le ministère de la défense rédige un décret-loi sur la carrière militaire qui provoque la révolte des officiers de métier qui se sentent lésés

C’est le début des réunions du Mouvement des Forces Armées (le MFA) 20/
Mais, très vite, d’une revendication corporatiste, certains militaires du MFA veulent la fin de la guerre et, donc, de la dictature Beaucoup de militaires sont fatigués d’une guerre qu’ils savent ne pas pouvoir gagner et qui peut durer indéfiniment 21/
Ils reprochent aux « politiques » de ne pas avoir le courage d’entamer des négociations. Les militaires suspectent les politiques d’attendre une défaite militaire, comme ce fut le cas à Goa en 1961 et de faire des militaires des boucs-émissaires commodes 22/
Fin 1973, début 1974 des dizaines d’officiers se réunissent et préparent un coup d’état. 2 des généraux les plus prestigieux, Antonio de Spinola, ancien gouverneur de la Guinée-Bissau et Francisco Costa Gomes, ancien chef de l’armée en Angola, sont au courant et laissent faire 23
Spinola - loin d'être un gauchise - contribue d'ailleurs à la décrédibilisation de la politique coloniale en publiant, début 1974, un livre qui avance une solution politique à la guerre. Il propose un commonwealth portugais 24/
Caetano démet Spinola de ses fonctions à l'Etat-major ainsi que Costa Gomes qui a accepté la publication du livre.

Caetano propose même sa démission au président de la République 25/
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