On perçoit souvent la conservation de la #biodiversité de manière binaire: environnements occupés et dégradés par l'humanité vs. territoires sauvages et intacts à préserver de toute influence.

Cette analyse sortie récemment dans PNAS remet en question ce paradigme ⤵️⤵️
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Les auteurs ont analysé l'occupation et la transformation des écosystèmes à l'échelle de la planète depuis le début de la dernière période interglaciaire et fait le parallèle avec la diversité biologique.

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Ils rappellent que la dégradation de la biosphère est souvent vue comme un phénomène récent, datant de la période industrielle. Cependant, l'occupation des écosystème avant cela est souvent négligée.

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La modification des écosystèmes par les humains n'est pas forcément néfaste. Elle peut même créer des biotopes absents ou rares auparavant (ex. milieux ouverts), en plus des services que l'humanité rend (dispersion des graines, modifications bénéfiques des sols, etc).

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Pendant longtemps, une bonne partie de la surface terrestre était exploitée de manière peu intensive, ce qui permettait de fournir des externalités positives tout en comblant les besoins des sociétés humaines.

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Cela contraste évidemment avec l'homogénéisation des pratiques et espèces cultivées, les pratiques destructrices (du sol p. ex.) qu'on observe largement aujourd'hui. Bref, des milieux écologiquement bien moins complexes.

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Les auteurs ont utilisé la classification "anthrome" pour classer l'occupation des sols au cours du temps. Elle classe les surfaces selon l'occupation humaine et le niveau d'intensification des pratiques.

Aujourd'hui, ça donne ceci :
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3 grandes catégories :
- Zones sauvages, sans aucune exploitation
- <20% de la surface exploité de manière intensive
- >20% de la surface exploité de manière intensive
Puis il y a encore des subdivisions dans chaque catégorie.

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Leurs résultats montrent qu'aujourd'hui, 80% de la surface des terres est modifiée par l'humanité (à droite du graphe). La moitié en >20% intensif, un tiers en <20% intensif et 1/5 de zones sauvages vierges.

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Il y a 12000 ans (gauche du graphe), on était déjà à moins d'un tiers de zones totalement sauvages ! Différence notable, le reste est uniquement du <20% intensif ! En plus, le modèle utilité sous-estime probablement la part d'occupation par l'humanité.

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Ainsi, la 1e conclusion principale est que la dégradation des écosystèmes n'est que très peu la conséquence de la conversion de terres intactes, mais plutôt l'intensification des pratiques destructrices dans des zones déjà occupées et transformées depuis longtemps !

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Pourquoi cette soudaine conversion vers l'intensif à l'échelle mondiale ?
- Hausse de la population
- La colonisation pour soutenir cette hausse de population dans les pays riches

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On voit cependant un ralentissement à partir du milieu du XXe siècle, qui s'explique facilement par les progrès de la Révolution Verte.

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On observe des différences importantes d'un contient à l'autre, expliquées par leur histoire respective.

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Regardez par exemple l'expansion des empires pré-colombiens en Amérique du Sud & Caraïbes, brusquement stoppée au milieu du 2e millénaire par la colonisation, puis la transition vers des pratiques plus intensives jusqu'à aujourd'hui.

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Aujourd'hui, 84.2% des prairies & savannes, 72.7% des fruticées et 65.3% des forêts tempérées ont été converties vers une utilisation intensive.

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La 2e partie de leur analyse consiste à faire le lien avec la biodiversité actuelle. Ils observent que la majorité des zones très riches en biodiversité aujourd'hui (protégées ou non) correspondent à des zones occupées -mais de manière peu intensive!- depuis bien longtemps.
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Ils concluent de cette analyse que l'occupation par l'humanité à long terme n'est pas incompatible avec une excellent conservation de la biodiversité -elle peut même y contribuer positivement !-.

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La conclusion globale de tout ça est que la crise de biodiversité actuelle est largement plus le résultat de l'intensification de terres *déjà* exploitées historiquement par l'humanité, bien plus que par la conversion actuelle de terres réellement vierges.

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Ils en déduisent aussi qu'expulser les populations indigènes -ayant justement un mode de vie peu intensif- des terres pour assurer leur conservation est tout sauf une bonne idée.

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"Depicting human use of nature largely as a recent and negative disturbance of an otherwise human-free natural world is not only incorrect but has profound implications for both science and policy"

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Bref, pas de projets de conservation de la biodiversité efficaces sans tenir compte des profondes interactions qui lient humanité et écosystèmes depuis des millénaires.
Merci pour la lecture !

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poke @Taigasangare . C'est un élément intéressant au débat land-sparing/land sharing et conservation de la biodiversité. Qui va plutôt dans votre sens sur le coup.
@Prof_D_sciences et @WilliamKrampsB seront sûrement intéressés
You can follow @Hcomosa.
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