Non. Les récits complotistes ne posent pas de bonnes questions. Même lorsqu'il y aurait de bonnes questions à poser, ces récits ne font que, dans le meilleur des cas, jeter de la confusion.
Illustration avec "Ceci n'est pas un complot" et un fait divers tragique.

1/n
Une petite séquence dans le film.
24 juillet 2020. Conférence de presse du centre de crise belge. Un porte parole, Boudewijn Catry, annonce la mort d'un enfant de 3 ans consécutive au Covid.
Regardez. Ça dure 2 grosses minutes.
2/n
Essayez de résumer cette séquence. Qu'est-ce que vous avez vu et entendu ?

Je vous fais mon résumé.

24 juillet 2020. Calme plat au niveau épidémie. Une conférence de presse. Une annonce dramatique. La mort d'une fillette de 3 ans liée au Covid...

3/n
...Mais on se garde bien d'informer le public que cette fillette souffrait de comorbidités graves et que le Covid n'aura fait, au pire, que de l'achever. Et les médias reprennent sans nuance la version officielle, sans mentionner les comorbidités...

4/n
...Le réalisateur de "Ceci n'est pas un Complot" fait son travail de journaliste, il enquête, rencontre le père et révèle ainsi ce que ni les médias ni les organismes officiels n'ont voulu dire au public...

5/n
...Tout ceci ressemble donc à une manipulation de l'information destinée à faire peur à la population.

Ai-je bien résumé ?

J'insiste : AI-JE BIEN RÉSUMÉ ?

Est-ce ce que vous avez compris de la petite séquence ?

6/n
Jetez un œil directement sur la vidéo, si vous le souhaitez.


7/n
Cette séquence semble avoir eu beaucoup de succès. J'ai vu beaucoup de commentaires à son sujet dans des blogs ou sur les réseaux sociaux, comme si elle était l'illustration parfaite des thèses du film.

8/n
Le réalisateur nous dit "J'ai de plus en plus l'impression
que toute cette communication a pour objectif de maintenir la peur" et visiblement il y a de quoi.

Mais allons un peu plus loin que les impressions et procédons à quelques simples vérifications.
9/n
Vous voyez ces 4 screens ? Lisez donc.
Ils proviennent tous les 4 de publications mises en ligne dans les 24 heures ayant suivi la conférence de presse.

...

10/n
Vous trouvez que ça ne cadre pas très bien avec ce que vous aviez cru comprendre jusqu'ici ? Moi aussi.
Visiblement, le réalisateur a "fait des petits arrangements qui allaient dans le sens de sa narration"

Essayons de mesurer l'ampleur de ces petits arrangements.

11/n
Je rappelle qu'on parle de la mort d'une gamine de 3 ans.
Et je suis tout-à-fait persuadé qu'il y a des choses à redire sur la communication autour de cette affaire.

Mais ça ne justifie pas de raconter n'importe quoi.

Continuons.

12/n
L'article de la RTBF est confus.
On parle bien de "comorbidités sévères" dans l'article.

Mais on mélange deux déclarations différentes tenues ce même jour.
C'est embrouillé, je sais, mais je vous l'explique après.
15/n
2 porte-paroles différents se sont exprimés ce jour-là :
- Boudewijn Catry, que l'on voit lors de la conférence de presse (et il n'évoque pas les comorbidités)
- Yves van Laethem, qui était en quarantaine et n'était donc pas physiquement présent (qui lui en a parlé)
16/n
Si vous le souhaitez, vous pouvez consulter l'intégralité de cette conférence de presse ici :

Remarque : c'est en 2 langues et je ne sais pas si la partie en néerlandais contient les mêmes infos que la partie en français (si qqn veut s'y coller...)
17/n
Le décès de la petite fille de 3 ans était survenu donc 10 jours après le décès d'une jeune fille de 18 ans. Et les experts belges ont rappelé que les décès de personnes jeunes étaient RARES.
Par contre, pas un mot sur les comorbidités dans cette conférence de presse.
18/n
Passons maintenant à La Meuse.
Dans le film, nous voyons ce gros titre-ci : "Coronavirus en Belgique: un enfant de 3 ans est décédé"

...

19/n
Mais ça, nous ne l'avons pas vu :

"Une fillette de 3 ans décède du coronavirus à Bruxelles: son papa témoigne"

Article daté du 25 juillet (remarque : La Meuse fait partie d'une ensemble de journaux régionaux, comme SudInfo).

20/n
La question ici n'est pas de savoir si vous, ou moi, partageons la vision de cet homme au-sujet du Covid.
Par contre, nous constatons, vous et moi, que ces propos ont été diffusés par un des plus gros médias francophones de Belgique, rapidement après la conférence de presse.
22/n
Et là, ça ne cadre plus DU TOUT avec ce que vous avez pu retenir de la séquence du film, n'est-ce pas ? Un grand média belge a interviewé le père juste après le décès de l'enfant et a publié sa version des faits. Et ça a été repris par d'autres médias.
25/n
Vous aviez cru comprendre que c'était le réalisateur qui l'avait sortie cette info, que c'était lui qui avait eu l'idée d'aller chercher la version du père !
🤔
https://twitter.com/Grompf3/status/1385687557371990016
26/n
Et bien vous avez mal compris.

Vous avez interprété.

À AUCUN MOMENT le réalisateur n'affirme explicitement qu'il aurait été le premier à sortir cette info, ni que La Meuse (ou d'autres médias) auraient passé sous silence l'existence de comorbidités chez cette fillette.

27/n
Si, si. Regardez à nouveau la séquence.

C'est vous avez interprété. Il n'y peut rien le réalisateur si VOUS interprétez ses propos... N'est-ce pas ?

...

28/n
NON !
STOP !
On arrête avec ça.

Ce n'est pas vous qui interprétez mal ses propos. Ça été conçu, pensé et mis en boîte pour que vous ne puissiez pas en tirer d'autres conclusions.

...

On continue.

29/n
Regardez cette image. LCI, chaîne d'info française.
Vous entendez dans le film : "Les gros titres sont sans nuance."
30/n
"Les gros titres".
Il dit bien "Les gros titres"
En revanche, il ne dit rien au sujet des sous-titres.

Je vous laisse lire.
(admirez au passage l'art de découper une image juste comme il faut).
...

31/n
Et remarquez au passage qu'en ce moment-même je suis le méchant de service qui prend le parti des grands médias mainstream, Groupe TF1, Bouygues, tout ça, aux dépends d'un brave journaliste "alternatif." Vous voyez ce que je veux dire ?
33/n
Et la Tribune de Genève ? Nous voyons ce gros titre.
Tiens.
Là, pour le coup, il n'a pas coupé le sous-titre.
Lisons donc l'article lui-même.
34/n
Même remarque que plus haut. Là, je suis le méchant qui prend le parti d'un journal de Tamedia, plus grand groupe de presse suisse, aux dépends d'un brave journaliste "alternatif".

37/n
Et pour continuer à me faire étiqueter comme suppôt des grands médias mainstream, je vais parler de RTL Group et de sa filiale belge.
38/n
On entrevoit dans la salle un journaliste avec le logo de RTL Belgique. Mais on ne voit pas de screens de chez eux.
Pourtant, ils ont traité cette info...

39/n
Repensez à la phrase dans le documentaire, lorsqu'on fait défiler à l'écran les sceens des différents médias sélectionnés par le réalisateur...

"Les gros titres sont sans nuance"

40/n
Est-ce que ça cadre avec le récit livré dans "Ceci n'est pas un Complot" ?

Je ne prétends pas avoir été exhaustif, mais la très grande majorité des médias que j'ai consultés ont bel et bien informé leurs lecteurs de la présence de comorbidités graves chez cet enfant.

43/n
J'ai repéré 3 journaux belges francophones appartenant au même groupe et qui n'ont fait aucune mention de ces comorbidités : Le Soir, L'Écho et Métro (peut-être trouverez-vous d'autres exemples).
44/n
Je n'ouvre pas ici le débat sur les effets du Covid sur les enfants.
Je me centre sur le traitement médiatique de ce décès : est-ce que ça cadre avec ce que vous avez vu et entendu dans le film ?

46/n
En dehors de Belgique on lit des phrases du genre : "Une fillette de trois ans est morte des suites du Covid-19 il y a quelques jours en Belgique, ont annoncé vendredi les autorités sanitaires belges, précisant que l'enfant présentait plusieurs pathologies associées."
47/n
On voit d'entrée de jeu qu'il y a matière à critiquer. Lors de la conférence de presse elle-même, on n'évoque pas la question des comorbidités, alors que l'enfant avait de très gros problèmes de santé AVANT le Covid.

48/n
Et on peut se demander si on n'en rajoute pas dans la manière d'annoncer ce décès et, surtout, s'il n'aurait pas fallu se préoccuper de la famille. Celle-ci aurait pu souhaiter plus de discrétion quant à la mort de cet enfant.
49/n
On mentionne par contre que les décès chez les jeunes restent très rares (ce que le film ne relève pas : les propos du porte-parole sont coupés juste au moment où il mentionne cela).

50/n
Plus loin dans le film, le réalisateur revient sur cette affaire, mais UNIQUEMENT en regardant le contenu de l'article du Soir.
Aucune allusion à tous les médias qui eux, avaient abordé le sujet, parfois dans leur gros titre et parfois en publiant le témoignage du père.

52/n
Là encore, on peut apprécier tout l'art du sous-entendu déployé dans ce film.

Le réalisateur nous laisse croire qu'on a caché la vérité au public sur l'état de santé de l'enfant.

53/n
Quant à la mise en contexte...
Le réalisateur dit qu'il n'y a quasiment plus de décès à ce moment-là. Mais les experts eux semblent inquiets. Le réalisateur accrédite la thèse de la manipulation par la peur...

54/n
Mais les experts auraient-ils eu de bonnes raisons d'être inquiets à cette époque, en prédisant une 2ème vague ?
Avec le recul, que peut-on en dire ?
En cet été 2020, les experts belges avaient-ils raison de la redouter cette 2ème vague que certains niaient ?
55/n
Je rappelle ici que le réalisateur ne croyait pas à cette deuxième vague et qu'il s'était exprimé publiquement dans ce sens à plus d'une reprise.

Et même au plus fort de cette 2ème vague, en novembre 2020, il continuait à entretenir le doute.

56/n
Aucune référence non plus à la crainte exprimée par les experts mis en cause par le documentaire : le risque de contamination chez des personnes jeunes, mais fragiles en raison de comorbidités.

57/n
Et le contexte plus large ? Est-ce que la communication de la part des autorités belges étaient habituellement maîtrisée ou est-ce que c'était le bordel ?

58/n
Les experts ont été au centre de passablement de querelles politiques. Le Comité de Crise avait 2 porte-paroles, chacun issu d'une des 2 grandes communautés linguistiques. Un de ces 2 porte-paroles était, on l'a vu, en quarantaine à ce moment.
60/n
Et puis les gros clichés sur les institutions belges perpétuellement en crise à cause des querelles linguistiques, je ne sais pas jusqu'à quel point ça a aidé. Le réalisateur n'en parle pas.
Alors, dans ce contexte, si on se refait le fil des événements...
61/n
...On a une conférence de presse vers 11h, pendant laquelle on annonce ce décès sans dire que son état de santé préalable était déjà grave.

Et à midi on a des annonces de ce même organe qui mentionnent ces comorbidités.

62/n
Qu'est-ce qui pousse à croire à une "communication qui a pour objectif de maintenir la peur" plutôt qu'à un gros cafouillage (sur un sujet sensible, certes) ?

63/n
L'interview du père publiée le 25 juillet : est-ce que c'est lui qui a cherché à prendre contact avec des journalistes, pour rectifier les déclarations qu'il aurait lues ou entendues et qui passaient sous silence la gravité de l'état de santé de l'enfant avant le covid ?
67/n
Ou est-ce que les journalistes ont cherché à l'interviewer ? La question mérite d'être posée. Mais le réalisateur ne pouvait pas la traiter dans son film sans montrer au spectateur l'existence de cette interview.
68/n
Remarquons que dans l'interview du père que l'on voit dans le film, on n'entend pas les questions posées. En fait on ne sait pas exactement de quoi on parle. Est-ce que le père a évoqué l'interview publiée le 25 juillet ?
69/n
Et le pédiatre, le Pr Stéphane Moniotte, qui insistait pour dire que cette fillette était décédée AVEC le Covid et non pas DU Covid ? A-t-il pris l'initiative de contacter les médias pour corriger ce qu'il estimait être une erreur ?

70/n
Ou est-ce que RTL-Info et La Libre sont allés le chercher dans un souci de vérification ? Si on veut parler de la manière dont les médias ont abordé le décès de cette fillette, il faudrait la poser cette question...

71/n
Mais là encore, le réalisateur ne pouvait pas en parler sans dévoiler au spectateur l'existence de ces interviews, qui ne cadraient pas du tout avec sa narration.

72/n
Et j'évoquais plus haut l'appartenance de ce Pr à un collectif ("Task Force Pédiatrique") qui demandait une ouverture des écoles. Il y avait un débat (et il y a toujours). Ce débat a-t-il influencé la manière dont les uns et les autres ont parlé de la mort de cette enfant ?
73/n
Mais là encore, aborder ce sujet l'aurait obligé à donner au spectateur des informations contredisant sa narration.
74/n
Pourquoi est-ce que Le Soir n'a fait aucune mention des pathologies graves préexistantes chez l'enfant ? Pourquoi ce journal-là n'a amené aucun correctif ni aucune information complémentaire au premier article publié ?
75/n
Le réalisateur aurait pu leur poser la question. Sauf que ça aurait impliqué d'informer le spectateur sur le fait que Le Soir était à ce niveau plutôt une exception.

76/n
...Ce qui aurait mis à mal la thèse de la conspiration du silence (parce qu'une info passée sous silence par 1 seul média, ce n'est pas très impressionnant comme conspiration du silence, admettons le).

77/n
Et la communication des autorités ?
On a vu 2 porte-paroles (Yves van Laethem et Boudewijn Catry) communiquer de manière différente. Pourquoi ?

78/n
Et les dépêches des agences de presse, datées de ce même 24 juillet, citant les autorités sanitaires et expliquant "que l’enfant présentait plusieurs pathologies associées" ; pourquoi en parler dans les communiqués aux médias et pas dans la conférence de presse ?
79/n
Ce sont des bonnes questions, non ? Mais comment les poser tout en faisant passer la thèse de la conspiration du silence sur cette affaire ?
(Remarque : j'utilise le mot "conspiration", même si le réalisateur ne l'emploie pas, car ce qu'il décrit, c'est une conspiration)
80/n
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