A l’approche du 25 avril, je fais enfin le 9e thread sur l’histoire de l’immigration portugaise en France : il est consacré à l’exil entre 1945 et 1974.
Pour ces exilés, le 25 avril permet un retour au pays, quitté il y a des années voire des décennies 1/...
Le 4e thread avait déjà évoqué la question de l’exil, mais entre 1927 et 1939.
Parmi les exilés de cette époque, certains sont revenus au Portugal en 1940 (la prison voire le camp d’internement du Tarrafal les attend) 2/ https://twitter.com/VictorPereir1/status/1251148242709934080
Certains restent en France et participent à la Résistance (Là je renvoie au 6e thread). Parmi eux, Alexandrino dos Santos, ancien combattant de la Grande Guerre et de la guerre d’Espagne qui participe notamment à la libération de Toulouse en 1944 3/
Dès 1944-1945, plusieurs Portugais en France espèrent qu’après la chute de Mussolini et d’Hitler, tant Franco que Salazar devront quitter le pouvoir. On connaît la tentative ratée du Val d’Aran menée par des républicains espagnols en octobre 1944 4/
La Fédération des émigrés portugais en France, interdite par les autorités françaises en septembre 1939 car considérée liée au PCF et à la IIIe internationale, reprend ses activités, d’abord illégalement puis légalement 5/
Elle rassemble plusieurs centaines de Portugais. L’ancien Premier ministre portugais José Domingues dos Santos est une de ses principales figures ainsi qu’Emídio Guerreiro en France depuis les années 1930 6/
Plusieurs sections de l’associations se forment et regroupe une partie des 20 000 portugais qui habitent dans l’hexagone, parmi eux d’anciens résistants. Ici la section d’Aubervilliers 7/
Cependant, ni Franco ni Salazar ne tombent. Ils répriment la contestation et tirent parti du début de la guerre froide. Pour les USA, il vaut mieux des dictatures stables que des régimes communistes dans la péninsule ibérique 8/
Salazar a un atout majeur : les Açores. Cet archipel au milieu de l’Atlantique est considéré comme un élément indispensable pour les militaires US, afin de contrôler l’Atlantique nord et d’intervenir en Europe en cas d’attaque soviétique 9/
Le Portugal de Salazar – à la différence de l’Espagne – bénéficie du Plan Marshall et est membre fondateur de l’OTAN ! (on ne lésine pas sur la propagande pour ce bel allié : 10/
La guerre change la physionomie de l’exil : des milliers de jeunes insoumis, réfractaires et déserteurs quittent le Portugal et se rendent en Suède, au Pays Bas, en Angleterre, en Belgique mais surtout en France 26/
Pourquoi la France ? Car on peut facilement y rentrer ! A la même époque, des milliers de Portugais viennent travailler en France et les besoins de main-d’œuvre sont tels (le gvt préfère une immigration blanche et catholique) qu’on peut rentrer sans papiers et être régularisé
Donc de nombreux jeunes gens préfèrent aller travailler en France plutôt qu’endurer un service militaire de 2 ans (4 ans à partir de 1968).
Beaucoup considèrent que cette guerre n’est pas la leur 28/
Sur ces insoumis, déserteurs, réfractaires, ce très bel ouvrage est sorti il y a peu 29/ https://twitter.com/VictorPereir1/status/1380827119064875008
La recrudescence de l’opposition entre 1958 et 1962 amène cependant une répression accrue. Beaucoup de Portugais doivent s’exiler pour fuir la police. C’est par exemple le cas d’Alvaro Cunhal, secrétaire général du PCP, emprisonné pendant 11 ans et qui s’échappe de en 1960 30/
Pour ceux qui doivent quitter le Portugal, plusieurs options s’ouvrent à eux. L’Algérie après 1962 qui soutient les mouvements anticoloniaux ; l’Italie, la Suisse, la Belgique. Mais c’est surtout la France qui attire les Portugais 31/
En France, on peut trouver du travail, on peut continuer ses études (les élites portugaises sont encore francophones), on est relativement proche du Portugal (on peut recevoir des visites de proches, d’amis) 32/
Par contre, il ne faut pas croire que le gouvernement français ouvre les bras à ces opposants. Bien au contraire. La diplomatie française appuie Salazar dans sa lutte contre l’indépendance et ne prend pas au sérieux l’opposition 33/
Delgado par exemple n’est pas le bienvenue en France et à l’époque l’OFPRA ne reconnaît pas les Portugais comme de potentiels réfugiés.
Pour les exilés, il faut donc faire profil bas et apparaître comme de bons travailleurs qui ne font pas de politique 35/
Un des enjeux pour les exilés est d’ailleurs de politiser leurs compatriotes qui, à l’époque, arrivent par dizaines de milliers en France.
A partir de 1963, la CGT, avec l’aide de militants du PCP, publie O Trabalhador 36/
Les autorités françaises interdisent d’ailleurs plusieurs titres de journaux, craignant le noyautage communiste.
La seule fois que Salazar parle de l’émigration en France, il évoque aussi le noyautage communiste 37/
Des militants du PCP sont ainsi surveillés et parfois assignés à résidence hors de Paris pour réduire leur activité politique.
C’est le cas d’un ancien interné au Tarrafal, Tomas Ferreira Rato, un des principaux militants du PCP en France 38/
Les exilés tentent aussi de déconstruire la propagande salazariste en France : un pays tranquille dirigé par un moine dictateur. Certains tentent d’alerter les journalistes français, les tiennent au courant des événements portugais 39/
Cette action passe notamment par la musique. Luis Cilia qui arrive en 1964 en France sort un disque qui évoque les crimes commis par l’armée portugaise en Afrique (têtes coupées transformées en ballon de football) 40/
La musique permet aussi de politiser les travailleurs portugais en France lors de fêtes populaires !
Plusieurs associations portugaises sont fondées comme la ligue populaire de l’enseignement et de la culture ou l’Association des originaires du Portugal 41/
un des musiciens portugais les plus connu à l’époque est… Luis Rego.
Membre des Problèmes, il est arrêté au Portugal en 1966 alors que son groupe était en tournée 42/
Les Problèmes (futurs Charlots), de retour en France, le soutiennent avec cette chanson : « Ballade pour Luis Rego prisonnier politique »
Rego finit par être libéré et revient en France 43/
Les exilés essaient de montrer les crimes commis par la dictature, en métropole et dans les colonies. Ils font pression pour que la France - et les autres pays occidentaux – cesse d’appuyer l’armée portugaise et lui vende des armes (tâche difficile…) 44/
Au cours des années 1960, un processus de radicalisation touche l’opposition portugaise : de plus en plus de militants défendent la lutte armée.
Cela découle d’une part des guerres coloniales et du soutien aux mouvements anticoloniaux qui luttent depuis Alger, Conakry, etc 45/
Cela découle d’autre part de l’évolution du mouvement communiste international et du conflit sino-soviétique.
Au Portugal, le PCP survit dans la clandestinité et ses militants veillent à se protéger et à protéger l’appareil du parti 46/
Exilés en France, des militants du PCP peuvent lire des revues impossibles à trouver au Portugal, à s’informer sur Cuba, la Chine, etc.
Certains commencent à critiquer le PCP et son manque d’audace 47/
A Paris, en 1963, Francisco Martins Rodrigues un dirigeant du PCP forme le premier mouvement maoïste portugais. Il critique l’attentisme du PCP et défend la lutte armée pour mettre à bas la dictature. Il publie notamment Revolução Popular en 1964 48/
Dans les années qui suivent, surtout après l’arrestation de Martins Rodrigues, plusieurs mouvements maoïstes se créent, souvent opposés les uns aux autres. Les maos tentent également de politiser les Portugais, notamment dans les bidonvilles et les usines 49/
En France, des groupes inspirés du guévarisme se forment aussi. Ils défendent l’action directe et moins de discussions théoriques (ce que font de nombreux mouvements maoïstes à travers leurs journaux) 50/
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