"Non spécifique, à confronter à la clinique"
Sous ce titre provocateur: thread pour comprendre pourquoi la radiologie ce n'est pas de la "photographie", et pourquoi ça vous impacte en tant que soignant/patients. Ça réside dans une nuance: "lecture" versus "interprétation" (1/x)
Pour beaucoup (grand public et confrères), quand un radiologue regarde un examen, le diagnostic apparaît immédiatement comme si c'était carrément écrit sur l'image :
Le radiologue n'est donc qu'un lecteur dont le métier est de dire aux autres ce qui est écrit. C'est facile (2/x)
C'est là où ça se corse. Vous arrivez à lire ce texte ? A priori tout le monde y arrive. Mais d'où vient ce *boom*? C'est là que commence l'interprétation. Si vous n'avez pas de contexte c'est impossibilité ou presque. Mais vous pouvez faire des hypothèses. Chercher des indices.
Comme pour ce saignement intracrânien. Tout le monde le voit ! Mais qui se mouillera sur la cause (MAV) ? Et cette fracture fémorale évidente : pour un spécialiste comme moi elle est sûrement liée à une prise de bisphosphonates, non? Mais ce ne sera jamais écrit sur l'image (4/x)
Alors comment on cherche les indices?
Sur l'image dont on dispose. Sur d'anciens examens (si on en a). En interrogeant le patient (si possible). En faisant d'autres examens d'imagerie (écho, IRM, scanner, radio, biopsie) qu'on fera nous même ou par un radiologue spécialisé (5/x)
Et parfois on sait pas et il est physiquement impossible de savoir. Alors on propose des hypothèses, correctes ou incorrectes, et/ou on demande de faire des imageries de contrôle pour voir comment ça évolue. C'est ça le "non spécifique" (6/x)
La difficulté, c'est quand les informations dont on dispose changent. Ça m'est déjà arrivé avec un patient inconnu et inconscient (AVP). Lecture facile. Interprétation difficile. Les hypothèses le lendemain matin sont forcément différentes quand on récupère 10 ans de suivi (7/x)
Pour parler statistiques, vous connaissez la classification ACR pour les lésions mammaires. Une lésion qui après lecture et interprétation sur des critères donnés (mamo + écho) sera classée ACR3 aura statistiquement seulement 1 à 2% de chance d'être maligne (8/x)
Le radiologue proposera donc un suivi protocolé pendant 2 ans. Mais ça veut dire que sur 100 patientes ACR3 il y aura statistiquement 1 cancer au bout de 2 ans.Ce qui sera vu comme un défaut d'interprétation (bouh le radiologue), mais qui reflète en fait les limites du test (9/x)
Le but de notre travail: partir d'une hypothèse (pré-test), réaliser un examen qui a des performances données pour cette hypothèse, l'interpréter et avoir une probabilité post-test et donc une proposition diagnostique. On doit donc connaître les performances de nos examens (10/x)
Si l'examen qui est fait est inadapté (ex: radio du bassin pour une suspicion de spondylarthrite débutante), il aura beau être normal il n'éliminera rien du tout. "Examen normal" ne signifie pas "patient sain" si la probabilité pré test est forte ou que l'examen est naze (11/x)
C'est ça le "à confronter à la clinique" car beaucoup de confrères demandent des examens pour se rassurer ou rassurer le patient, mais une échographie abdominale *normale* peut tout à fait cacher une petite tumeur du pancréas si c'était ça l'hypothèse.. Donc scanner, IRM.. (12/x)
"À confronter à la clinique" c'est aussi valable pour des choses comme ça: vu les anomalies que je vois (lecture) j'aurais tendance à proposer le diagnostic de SAPHO (interprétation) mais ça implique également des critères cliniques (pustulose) qui restent donc à confirmer (13/x)
Donc maintenant avec un peu de chance vous ne demanderez plus une *relecture* mais une *réinterprétation compte tenu de (nouveaux éléments)*.
Et je réserve la question de la radiologie interventionnelle et de l'intelligence artificielle pour des prochains threads !
FIN😘 (14/14)
Et l'image d'IRM du SAPHO qui était pas passée dans le 13/x bande de curieux 😉
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