[Petit histoire du syndicalisme enseignant 1⃣]
La Fédération de l'Education Nationale (FEN) : de 1945 au congrès de Clermont-Ferrand (1991).
La FEN syndiqua au plus fort 550 000 adhérents dans 48 syndicats : qu'est-ce qui la conduisit à la dislocation ?

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1/Pour comprendre ce qui a amené la FEN au déclin, il faut remonter dans le temps...
La FEN, constituée en 1946, sur les bases de la FGE (fédération générale de l'enseignement) appartient à la CGT réunifiée (CGT + CGTU).
2/En 1947, un premier coin est enfoncé dans le syndicalisme français unifié, une scission a lieu à la CGT : la CGT-FO (Force Ouvrière) est créée en réaction à la trop grande proximité de la CGT avec le PCF (parti communiste français).
3/La FEN, qui était à la CGT, après consultation de ses adhérents dans la plupart de ses syndicats, décide de ne pas choisir entre la CGT et la CGT-FO. Elle fait le choix de l'autonomie en attendant la réunification syndicale (spoiler: la réunification n'est toujours pas en vue).
4/Cette manoeuvre pour maintenir l'unité de la FEN fonctionne plutôt bien.
Sur 30 syndicats :
- 2 (enseignants des centres d'apprentissage + personnels ouvriers et techniques) choisissent de rester à la CGT
- 1 (celui de la formation professionnelle accélérée) choisit la CGT-FO
5/Autonome, la FEN se développe avec la création de nouveaux syndicats, du baby-boom des années 1950 et de la multiplication des écoles, collèges, lycées et enseignement supérieur. En 1978, elle est au faîte de son histoire : 48 syndicats, 550k adhérents, 50% de syndic.
6/L' « Empire FEN », c'est aussi :
- 1er syndicat de la Fonction publique d'Etat (2e de la FP)
- oeuvres mutualistes (MAIF, MGEN, créée par le SNI-FEN, 1ère mutuelle de France), associations, ...
- reconnaissance en 1976 comme syndicat représentatif de l'ensemble des salariés
7/Mais la FEN est un colosse aux pieds d'argile:
- Le SNI (syndicat national des instituteurs) est hégémonique (80% de la FEN dans les années 1950)
- Le SNI impose ses décisions aux syndicats de la FEN du second degré et du supérieur, ceux-ci votent contre les rapports d'activité
8/1966
Georges Lauré, secrétaire général de la FEN depuis 10 ans, et ancien secrétaire général du SNET (2nd degré technique) démissionne, dénonçant le poids du SNI.
En réaction, plutôt que ↗️ la démocratie, le SNI décide que seul un militant de son syndicat pourra diriger la FEN.
9/Multiplication des tensions entre le SNI et d'autres syndicats de la FEN.
Augmentation du nombre d'élèves dans le 2nd degré qui relativise peu à peu le poids du 1er degré et donc du SNI.
Originalité de la FEN: dans la plupart de ses syndicats cohabitent des 𝒕𝒆𝒏𝒅𝒂𝒏𝒄𝒆𝒔.
10/Les trois 𝒕𝒆𝒏𝒅𝒂𝒏𝒄𝒆𝒔 principales en résumé :
- «autonomes» + «amis de FO» ➡️ « Unité, Indépendance, Démocratie» (UID) en 1969, tendance majoritaire, proche du PS
- «cégétistes» ➡️ «Unité et action» en 1969, proche PCF
- l'École Émancipée, proche extrême-gauche
11/Les tendances minoritaires de la FEN sont représentées dans les instances délibératives de la FEN mais ne peuvent pas faire partie de l'exécutif.
Jusqu'à présent, UID était majoritaire dans tous les syndicats de la FEN, il n'y avait donc pas de problème avec cette règle.
12/Fin des années 60, boom.
Unité et Action (UA) devient majoritaire dans 5 syndicats dont le SNES, 1er syndicat du 2nd degré et 2e plus gros syndicat de la FEN.
Situation ubuesque : ce sont les minoritaires UID de ces 5 syndicats qui siègent à l'exécutif de la FEN selon la règle
13/Pour contrer l'influence grandissante d'Unité et Action et la massification du 2nd degré qui minore la place prépondérante du 1er degré jusqu'alors, la FEN serre la vis au congrès de 1973 : tout syndicat qui ne suivra pas les décisions fédérales sera exclu de la FEN.
14/1981
Mitterrand devient président de la république et entrent aux gouvernement plusieurs membres de la FEN, tendance UID (proche du PS) : Pierre Mauroy (ancien secrétaire SNETAA-FEN), André Henry (secrétaire général de la FEN), Robert Chéramy, ...
C'est l'euphorie.
15/Après des premières mesures encourageantes, c'est la rigueur et la gauche ne tient pas ses promesses :
- désindexation des salaires des fonctionnaires
- abandon du service public unifié et laïque de l'EN
= chute de syndicalisation à la FEN mais surtout au SNI (-88k)
16/ UID prend peur :
- Chevènement vise 80% de bacheliers en 2000, ce qui augmente le poids du second degré (tendance UA)
- FO s'est présenté pour la 1ère fois aux élections pro du 1er degré en 1984 et a obtenu 12,5% au détriment du SNI
- le PS perd les législatives de 86
17/ UID se rapproche en catimini de la CFDT et réfléchit à construire une fédération syndicale social-démocrate de fonctionnaires au-delà de l'enseignement. En parallèle, elle souhaite créer un syndicat enseignant de la maternelle au lycée pour mettre en difficulté UA.
18/Congrès de la Rochelle, 1988.
Yannick Simbron, secrétaire de la FEN, en pose les bases :
- un seul corps d'enseignant de la maternelle au lycée
- CFDTisation de la FEN : la com' plutôt que la grève
- "école de l'an 2000" à l'encontre des syndicats du 2nd degré
19/1988 : réélection de Mitterrand.
Le gouvernement Rocard veut mettre en place les mandats du congrès de La Rochelle (augmentation salariale contre augmentation du temps de travail).
Le SNES et le SNEP mobilisent par la grève et gagnent la revalo' sans les contreparties.
20/De même, les ATOSS de l'EN mobilisent par la grève, contre la FEN. Et gagnent. Même le SNI négocie la revalo' du 1er degré, malgré la FEN. Sans les contreparties acceptées à La Rochelle.
La FEN ressort discrédité par ses syndicats nationaux.
21/Dans la FEN, l'hégémonie du SNI est de plus en plus fragilisée :
- Elections pro de 1990 : le SNI perd 8,4%
- Le SNI n'a plus que 162k adhérents en 1991 (moins qu'en 1956)
- Le SNES, SNEP et SNETAA progressent aux élections pro et en effectifs
Plus que 339k adhérents à la FEN
22/ UID souhaite garder la main sur la FEN par le création d'un syndicat unique, elle se crispe :
- sanctions contre des militants SNI
- remplacement des militants SNES dans les délégations FEN au CES et au CSFP par des minoritaires UID
- campagne contre UA qualifié d' «anti-FEN»
23/ 1991, congrès de Clermont-Ferrand.
La FEN, affaiblie, a verrouillé les votes par des modifications statutaires. Mais n'obtient que 54% sur le rapport d'activité. Ce congrès prépare, à demi-mots, la réforme pour créer un syndicat enseignant unique de la maternelle au lycée.
24/ La préparation de ce congrès permet aux forces opposées (UA, ÉÉ, Autrement [SNETAA]) à la scission de se rencontrer.
A la réforme des statuts, 11 syndicats nationaux, 30 sections acad., 4 courants de pensée opposent une «charte» pour l'unité de la FEN : ce texte obtient 46,1%
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