Je n'ai pas vu passer d'analyses sur pourquoi les vieux logiciels des partis de gauche de gestion des militants des causes progressistes n'étaient plus adaptés à l'époque actuelle. Du coup je me lance. Va y avoir des raccourcis mais j'espère faire passer l'idée générale.
Récap historique :
Depuis Mitterrand s'est mise en place sous la férule du PS/PC (puis du PS tout court) une organisation-coordination des "forces de gauche" : en gros syndicats, media, assos progressistes etc. Chacun faisait son petit business dans son coin grâce aux subventions
... de Tonton et lorsque la situation l'exigeait (élections), le politique regardait lesquels avaient fait leur trou puis allait dealer son ralliement officiel et médiatique en échange d'un maroquin ou d'une promesse dans le programme.
(oui c'est en très gros, oh ça va hein).
Un truc a radicalement changé entre cette époque et celle qu'on vit actuellement : le fonctionnement et la prise de leadership au sein des structures militantes. (On va là aussi aller très vite). Avant, les leaders des assos, pour devenir leader, ...
... développaient peu ou prou les mêmes techniques que les politiques : un mélange d'habileté, d'intelligence, d'efficacité, d'ambition, d'alliances, d'opportunismes au sein de structures opaques dont seuls les membres percevaient les dynamiques, supercheries, etc.
Bref, les personnalités qui émergeaient étaient tout à fait solubles dans la politique classique. Or, depuis les "trahisons" du PS et l'avènement des réseaux sociaux, ce n'est plus du tout ce qui se produit.
Déjà les assos ont arrêté la course à la taille (nécessitant nuance & compromis) et se satisfont d'être organisées en myriades de petites chapelles qui savent très bien se coordonner pour des actions ponctuelles. (lire"Community Organising" de Saul Alinsky pour mieux comprendre)
Bon courage au politique pour "choisir" parmi ce fourmillement lesquels il doit essayer de choper. Exemple : Aides (anti sida) était soluble dans l'électorat, ActUp beaucoup moins. Mais c'était lisible. On se tient à distance raisonnable de la provoc d'ActUp, et on chope Aides.
Depuis, la culture a changé (pour plein de raisons dont les réseaux sociaux) mais aujourd'hui, les personnalités qui émergent du monde militant sont les plus radicales (dans les prises de position).
Pour avoir les honneurs des media, faut d'abord être reconnu sur Twitter, pour être reconnu sur Twitter faut être radical et aller au clash. Et pour peser dans le game, mieux vaut avoir plein de followers. Vous voyez la mécanique.
Emergent donc des profils booooooocoup moins solubles dans la sphère politique et qui, même s'ils le voulaient, verraient ressortir toutes les outrances auxquelles ils ont eu recours pour "percer" (entre ici Mehdi Meklat / Internet n'oublie rien / Mais t'étais Charlie ou pas ?).
En outre, leur puissance, c'est leurs followers, qui eux ne pardonneraient pas une perte de radicalité, raison n°1 de leur soutien. Donc à peine sont-ils récupérés, soit ils restent radicaux et c'est ingérable, soit ils mettent de l'eau dans leur vin et perdent toute influence.
L'exemple connu c'est Alice Coffin. Quand tu devais intégrer Gisèle Halimi, c'était quand même plus simple. Mais Alice, c'est pas la même limonade. Parce que si dans le militantisme féministe c'est devenu plutôt banal de dire qu'on veut en finir avec les hommes ...
... dire ça quand t'es élue, c'est embêtant au sein de l'électorat. Là, on est dans le cas spécial de la Mairie de Paris, mais vous voyez l'idée. Quand t'es élue (et pas en tant que féministe mais sur une liste écolo) , tu peux pas insulter les hommes ...
... ou dire peinard "les hommes violent". Les #notallmen ne sont plus des trolls de twitter, ce sont tes électeurs, tes administrés, tes concitoyens sur lesquels en plus tu as une position de pouvoir et à qui tu dois rendre des comptes.
Comme ce schéma se reproduit partout, les figures militantes qui émergent médiatiquement de l'antiracisme, du féminisme ou des luttes LGBT sont donc par construction toutes des personnalités aux prises de positions hyper-clivantes, radicales et outrancières.
Alors quand un parti de gauche récupère et regroupe des gens qui ont écrit vouloir gazer les blancs (unef), tondre les cisgenres jusqu'au dernier (lgbt), en finir avec les hommes ... tu perds beaucoup plus d'électeurs potentiels que tu en gagnes.
Parce que si Twitter compte les followers, il ne te montre pas le nombre de haters. Et avant l'avènement de la convergence des followers la veille d'un Grand Soir, tu vas avoir la convergence des haters. Et ça c'est pas bon.
Et dernier soucis hérité du mitterrandisme, toute action d'une asso avec une étiquette "gauche / progressiste" rejaillit un peu sur les partis de gauche. Ils sont en tout cas invités par les media à se positionner très régulièrement sur telle ou telle action ou parole militante.
A droite, hors FN, vous n'entendrez jamais une question journalistique sur une action de l'UNI, de la Cocarde ou sur les assos pro-vie. C'est pas que les journalistes sont de droite, c'est que jamais la droite n'a joué cette carte là (publiquement), modulo La Manif pour Tous.
Bref, dans le nouveau logiciel que la gauche de partis va devoir développer, il faudra inclure les limites que les militants ne fixent pas. Si tu me ramènes 30'000 followers, ça ne peut pas être au prix de 300'000 haters.
Il va aussi falloir casser ce lien historique "naturel" entre militants progressistes et "la gauche". Tu ne peux pas être à la merci de chaque outrance "woke", qui aujourd'hui t'impacte, malgré toi.
En plus ces tendances changent d'une semaine à l'autre et ce qui était woke hier devient oppressif et xxxphobe le lendemain.

C'est ingérable en plus d'être un cadeau politique pour "la droite". Car cette forme de militantisme expulse les "modérés", qui sont 1. les plus nombreux
et 2.ont une autre offre politique dispo (Macron par exemple).
Quand t'expulses le NPA, tu perds 12 personnes qui ne peuvent voter nulle par ailleurs.
Quand t'expulses les socdem, ça fait un gros trous dans les urnes.
En résumé et en plus rigolo : https://twitter.com/billmaher/status/1187965133370167296?s=20
You can follow @cohaerentiaT.
Tip: mention @twtextapp on a Twitter thread with the keyword “unroll” to get a link to it.

Latest Threads Unrolled: