Je viens de finir "Le maintien de l'ordre en france au XXème siècle" de Georges Carrot, qui nous a fait un travail remarquable dans cet ouvrage.
Il est très riche, mais je vous en tire les éléments marquants pour moi.
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Anecdote d'entrée de jeu : j'y ai appris que la première utilisation des gaz lacrymogènes en France a eu lieu le 1er Mai 1920, à une époque où les manifestations battaient leur plein, une tentative de révolution qui divsera la CGT ayant eu lieu à cette époque.
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Un an auparavant, dans un contexte tendu, le 1er Mai 1919, les renforts demandés avaient reçu l'ordre de rester discrets pour "éviter toute apparence de provocation", ce qui s'est avéré très efficace, manifestations calmes...
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sauf à Paris ou Lépine avait à l'inverse choisi une tactique offensive avec des forces visibles.
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Des chants intéressants suite à la guerre de 14-18 ont rendu la proximité entre soldats et manifestants particulière :
"Salut Salut à vous
Braves soldats du dix septième
A votre geste magnifique
Vous auriez en tirant sur nous
Assassiné la République"

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La mise en place d'une gendarmerie mobile s'est fait presque clandestinement dès 1921. Elle prendra de plus en plus d'importance et évoluera en Garde Républicaine Mobile en 1926.
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La police a quant à elle évolué d'une police très peu centralisée vers un fonctionnement chapeautée par le ministère de l'intérieur dans les années 1920/30, avec une nette augmentation du renseignement et la création de la Direction Générale de la Sûreté Nationale
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Les polices municipales ont pris de l'importance en effectifs, basculant d'une gestion par l'officier général gouverneur de Paris (militaire) à une gestion passant par le préfet et rattachée au ministère de l'intérieur, tout en s'occupant de plus en plus du maintien de l'ordre
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Les années 1927-32 ont vu une montée des manifestations communistes avec le fameux jeudi 1er août 1929, où le préfet Chiappe a mobilisé des milliers d'hommes et de soldats pour mater la révolte.
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En février 1934, ce sont les nationalistes regroupant l'Action Française, les Croix-de-Feu, la Ligue des Contribuables, et d'autres associations d'anciens combattants qui vont, suite à l'affaire de corruption Stavisky...
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déclencher des émeutes avec 37 morts, 100 blessés graves avec séquelles et 2000 blessés contre 1 mort et 1664 blessés côté services d'ordre.
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Suite à ces événements violents, le gouvernement modifiera la législation sur les rassemblements avec des possibilités d'interdiction par les circulaires Paganon et dissoudre les ligues et milices armées en 1936, qui se refondront dans le Parti Social Français d'extrême droite
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Léon Blum et le front populaire chercheront à réduire la force de la répression, il fallait "sans porter atteinte à la vie et à la santé des manifestants, opposer à une fouler énervée non plus des poitrines d'hommes, auxquelles l'uniforme ne peut enlever toute émotivité,
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mais un dispositif contre lequel son élan se briserait sans effusion de sang"
C'est le début de la militarisation du maintien de l'ordre, mais surtout l'introduction du gaz lacrymogène par Léon Blum !
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Après une vision de la démocratie "s'appuyant sur le consentement mutuel et non la peur du gendarme" sous le Front Populaire, c'est Daladier qui va appliquer des tactiques que je trouve extrêmement intéressantes à étudier :
"une désinformation systématique par la radio d'Etat minimisait le nombre de grévistes, limitant la contagion et incitant même à des reprises précipitées du travail" selon l'historien Guy Bourdé qui voyait la radio comme un "instrument remarquable pour maintenir l'ordre".
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La seconde guerre mondiale va accélérer un processus déjà en cours, la centralisation encore accrue du maintien de l'ordre, réorganisée par Vichy. C'est en 1940 que sera créée la police nationale, s'appuyant sur les exemples déjà expérimentés en 1937 en Seine-et-Oise.
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6931 hommes feront partie de Groupes Mobiles de Réserve ( G.M.R.), accompagnés d'une Garde (forme de Garde Républicaine Mobile sans son lien avec la gendarmerie), d'une gendarmerie en zone libre, et d'une garde des communications.
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Ils feront appliquer une loi quelque peu aménagée, avec tir sans sommation et tribunaux d'exception.
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Une force officielle sous contrôle allemand en zone nord, avec une intervention de la police allemande en zone sud pour assurer la sécurité de ses troupes, était complété par une Milice française s'opposant aux résistants et autres maquisards.
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Darnand subira malgré ces forces un cuisant échec sur le plateau des Glières, les Allemands durent intervenir. Il ne pourra se targuer que d'avoir causé la mort de Morel... A la libération, il sera également contraint de proposer un accord aux Alliés et à De Gaulle.
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Les nombreux mouvements résistants étaient unifiés au sein du Conseil National de la Résistance C.N.R. installant des Comités départementaux de Libération C.D.L. permettant à la libération de maintenir une indépendance sans nécessiter une gestion de l'ordre par les Alliés
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Le gouvernement provisoire d'Alger avec Parodi et Chaban-Delmas souhaitait temporiser la libération, qu'elle soit américaine principalement, alors que les communistes voulaient pousser à une libération rapide pour prendre le pouvoir, notamment grâce à la personne de Rol-Tanguy
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15 août 1944: grève de la police parisienne.
18 août : déclenchement de l'insurrection, se déroulant le 19 août, avec une trêve le 20 et une reprise le 22, jusqu'à l'arrivée des américains le 25.

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Elle n'a vu qu'une opposition allemande faible, car von choltitz souhaitait avant tout maintenir la liberté de passage pour l'effort de guerre...
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De 40 000 en Septembre, on passe à 137 000 F.F.I.(résistants) en Novembre, qui seront démobilisées par De Gaulle... les communistes attendaient une prise de pouvoir qui ne se réalisé pas, (accords confidentiels avec Staline, préparant le partage de l'Europe à Yalta ?)
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La Force Française de l'Intérieur F.F.I. sera rattachée à la Force Républicaine de Sureté (F.R.S.). En décembre 1944, les Compagnies Républicaines de Sécurité, C.R.S., sont créées et regroupent G.M.R. de Vichy et F.R.S. résistants et agissant à l'échelle régionale.
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Après-guerre, le maintien de l'ordre va évoluer avec une modification du cadre légal. Des régimes d'exception comme l'état d'urgence, intermédiaire avant un "état de siège" plus grave, pouvaient être décidés par le conseil des ministres à partir de 1960.
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Le putsch d'Alger va contribuer à un renforcement de certaines dispositions, notamment pour les assignements à résidence. La législation concernant les attroupements sera modernisée, avec deux sommations obligatoires avant usage de la force.
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La loi anti-casseurs du 8 Juin 1970 augmente fortement la responsabilité pénale du manifestant.

https://www.sudouest.fr/2019/01/09/videos-en-1970-la-france-adoptait-une-loi-anti-casseurs-5714640-5022.php?nic
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En Septembre 1950, Jules Moch placera le maintien de l'ordre sur le même plan que la lutte contre les éléments infiltrés ou débarqués, avec coopération entre autorité civile et militaire.
Le maintien de l'ordre se fera par la Police Nationale, la Gendarmerie Mobile et la CRS
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Les mouvements de 1947-48 étaient plutôt de gauche, sociaux. Certaines C.R.S. étaient complices de ces mouvements et furent dissoutes... Tandis que le slogan C.R.S. = S.S. naquit de la bouche des anciens F.T.P.F. résistants communistes.
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Dans les années 50, cet échec communiste sera suivi d'une épuration de la C.R.S., les communistes en étant écartés. Une émeute contre le général Ridgway (qui a utilisé des bombes avec germes de la peste en Corée) a lieu le 28 mai 1952 avec un maintien de l'ordre très dur
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Poujade va rouvrir des perspectives de luttes sociales en 1953, avec un front ouvriériste très actif notamment à Nantes de juin à octobre 1955.
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En Algérie, dès 1952, des troubles apparurent. Une guerre d'indépendance naissait, avec un renforcement progressif de la présence fançaise passant de 57 000 à 100 000 hommes en quelques mois en 1955.
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La chute de la IVème République en 1958 et l'arrivée de De Gaulle connaîtra en 1961 un putsch déjoué des généraux amèneront à la fin de l'Algérie française, avec des éléments marquants comme le métro de Charonne et la rue d'Isly en 1962.
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Autre événement marquant, mai 1968, avec la célèbre phrase du préfet Grimaud : "Frapper un manifestant tombé à terre, c'est se frapper soi-même", tenant à la réputation de la police.
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Marcellin, nommé avant la fin de la crise au ministère de l'intérieur fut beaucoup plus dur : "Toute menace doit être brisée ou réprimée". Les années qui suivirent furent le théâtre de mouvements sociaux forts jusqu'en 1974.
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Sous Giscard-d'Estaing, Robert Pandraud, sera tiraillé entre sécurité et liberté, avec un positionnement familier et décontracté avec des syndicats de police de gauche, réticents envers les missions répressives.
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Prisons, indépendantistes (bretons et corses), commerçants, artisans et paysans firent des actions d'éclat dans la seconde moitié des années 1970.
(guet apens des viticulteurs 4 mars 1976)

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Alain Peyrefitte présentera à la fin de l'année 1980 le projet de loi "Sécurité et Liberté", pour "lutter contre le sentiment d'insécurité" en "adaptant les lois à la répression de certaines formes modernes de violence", avec des peines plancher,
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Quatre mois plus tard, les adversaires de cette loi arrivèrent au pouvoir avec François Mitterrand et Gaston Defferre. Ce dernier va inverser la vapeur, "un meilleur équilibre entre les missions, moins de maintien de l'ordre".
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Mais très vite des manifestations policières se déclenchèrent : "Deferre t'es foutu ! ta police est dans la rue".

(Carrot oublie un détail, la présence d'un certain Jean-Marie https://www.ensemble-fdg.org/content/police-et-extreme-droite-un-melange-explosif )
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En 1984, une protestation rassemblant plus de monde encore qu'en 1968 contre une réforme de l'enseignement privé (surtout catholique) avec 850 000 personnes ne subit aucune violence et se déroula dans le calme le plus absolu.
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Jacques Chirac arrivera en 1986 avec son célèbre "la police doit savoir qu'elle est respectée." "le gouvernement est bien décidé à la couvrir si par malheur un accident arrivait"
La bavure arriva vite, un policier abattit Loic Lefèvre le 5 Juillet 1986 avec un fusil AMD 5,56
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La manifestation de masse du 4 Décembre 1986 vit de forts affrontements. Les gaz lacrymogènes furent dépoloyés sans succès : les agresseurs reculèrent mais ne se dispersèrent pas.
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Des véhicules de la gendarmerie seront enflammés et détruits : 254 blessés chez la police, dont 4 traumatismes crâniens avec perte de connaissance. Dans les hôpitaux, 90 blessés dont 11 avec hospitalisation (un oeil perdu, une main arrachée, une boîte crânienne enfoncée).
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On notera lors de cet événement une polémique au sujet de jeunes extrémistes de droite en "tenue de bagarre" qu'un officier de CRS avait laissé rejoindre la manifestation...
information qualifiée comme erronée selon ce rapport
https://www.senat.fr/rap/r86-270/r86-2701.pdf
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Le 5 Décembre verra le drame de Malek Oussekine et la dissolution du peloton des voltigeurs motocyclistes...
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Le lendemain 6 Décembre, instruction fut donnée de ne pas utiliser de grenades lacrymogènes. Pillages, incendies, et finalement une charge à 23h30 et une seconde à 1h57, sans lacrymogènes. Plus d'affrontements après 10 minutes !
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C'était aussi la fin du projet de loi et de Jacques Chirac en quelque sorte...

Le livre s'achève par une question : "Et demain ? La cité radieuse ou le Soleil vert ?"
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