(THREAD) ou comment un coup de fil entre 6 activistes pour le climat s’est transformé par un rappel à l’ordre du président de l’Assemblée Nationale au préfet de police Didier Lallement.
Nous vivons un moment politique historique, le dernier avant 2022 où de vraies mesures écologiques peuvent être implémentées, alors nous avons voulu y prendre part. Et demander aux députés courageux, de tout bord, de relever l’ambition de cette loi.
Et ainsi respecter le « sans filtre » promis aux citoyens de la Convention Citoyenne par E. Macron. Dimanche 28 mars. Paris. 55 000 personnes dans les rues pour réclamer une vraie loi climat. 110 000 partout en France. Le mouvement climat était de retour.
Le lendemain, avec cinq amis activistes, Lou, Julie, Hugo, Stacy, Mathis et Agathe on s’appelle. « Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? On ne va pas les laisser décider de cette loi loin de nous, les gens, cloîtrés dans leur hémicycle gangréné par les lobbies industriel ...
...et advienne que pourra ! » On avait envie de faire plus que de croiser les doigts. Alors on a décidé de sortir des écrans. Et de camper là. Tous les jours. En bas de chez eux, jusqu’à la fin des débats. On voulait attirer leur attention, à « eux », ceux qui nous représentent.
Leur montrer qu’on les regardait, qu’on les surveillait, et qu’ils se devaient d’être à la hauteur de l’urgence écologique et sociale. Qu’ils n’oublient pas que derrière les courbes, les amendements, les articles, il y des gens.
Des gens qui paient aujourd’hui les conséquences du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité. Des gens et des espèces qu’on embarque au passage dans notre chute inexorable.
Une, deux, trois, dix personnes sont venues nous rejoindre. Des retraités isolées, des étudiants déprimés à coup de zoom, des informaticiens, des gens, intrigués, qui n’avaient pour certains jamais participé à une mobilisation pour le climat,
qui ne trouvaient plus beaucoup de sens à leur boulot, des artistes en manque de scène. Au fil des jours, nous étions de plus en plus nombreux à vouloir redonner un souffle de vie à cette démocratie fatiguée. Des députés sont venus nous voir.
Au début des soutiens, puis le rapport de force s’est inversé. Presque tous ceux que nous interpellions sur Twitter descendaient nous voir. Les débats sont devenus de plus en plus intenses. Intéressants. Et parfois, fructueux.
Mardi soir, le téléphone sonne. Hugo répond. La préfecture de Paris. Nous n’avons plus le droit de continuer le lendemain. Sans explications. On nous dit que ça concerne toutes les manifestations sur le territoire. Sur le papier on lit « plus assez d’effectif pour encadrer ».
Encadrer qui ? Quelques citoyens qui discutent avec leurs élus ? Est-ce que ça s’ « encadre » la démocratie ? Atterrés par cette interdiction politique, des juristes de Notre Affaire à Tous nous aident à déposer un recours en justice. Un référé liberté qui sera rejeté au motif de
…Rien.
Alors on a été résiliants, comme cette nature qu’on détruit. Et comme il va nous falloir être face à l’ampleur des changements climatique et biologique que l’Anthropocène a entrainés. Que nous avons entrainés.
Pour dénoncer l’absurdité de cette interdiction, nous avons choisi l’humour. Nous n’avons pas le droit de manifester ? Très bien. Nous avons le droit de promener nos chiens, faire nos courses, pratiquer une activité physique.
Le lendemain, nous étions là, en basket et jogging, place Herriot, sans nos pancartes ni nos slogans, pour continuer le dialogue avec nos députés. Six d’entres eux avaient répondu à notre appel : un de la France Insoumise, deux du PS, et trois d’ «Agir Ensemble».
Nous commencions, dans le respect des distanciations sociales, un débat intense sur les engrais azotés quand la police a décidé de nous interpeller.
J’explique au chef de l’opération que face à l’interdiction de la préfecture, nous avons laissé nos pancartes chez nous, mais qu’ils ne peuvent pas nous empêcher de faire du sport et de discuter avec nos représentants.
Tant que nous respectons les gestes barrières et les distanciations sociales, ça s’appelle la démocratie. -« mais vous pensez bien quelque-chose là, vous avez des idées ! »
-« oui, comme chaque citoyen à vrai dire, j’ai des idées sur le monde quand je prend le bus, quand je fais mes courses, quand je cours, quand je marche… Vous ne pouvez pas contrôler ça ! »
135 euros.
On a donc vécu cette scène absurde où des policiers ont verbalisé des citoyens et leurs députés échangeant à deux pas de l’Assemblée Nationale. Des représentants des forces de l’ordre censurant la démocratie.
Le lendemain, jeudi, le président de l’Assemblée Nationale a demandé au préfet Didier Lallement des « éclairages » après que « de nombreux parlementaires ont manifesté leur émotion et (lui) ont demandé des explications ».
Cette affaire arrivent jusque dans les oreilles des sénateurs. Ils nous appellent. Dans quelques jours, la loi climat arrive chez eux. Ils veulent qu’on vienne les voir. On enfile nos baskets. Pour déjouer les règles. Encore. On échauffe la navette parlementaire.
Vendredi, le titre « se déplacer » arrive sur la table des négociations. On enfourche nos vélos. On pédale, inlassablement, autour de l’Assemblée. Des dizaines de gens nous rejoignent. Les policiers grognent, impuissants. On s’organise, clandestinement.
Des députés reviennent. On a redoublé d’effort pour maintenir cet exercice démocratique, pour que nos voix continuent à peser sur cette loi qui pèse sur nos vies. L’impacter comme elle nous impactera.

En rentrant le soir, exténués, on n’arrive pas a y croire:
on vient de recevoir le sésame. Notre déclaration pour la semaine à venir vient d’être acceptée par la préfecture de police. On a gagné.
On sera donc de retour demain. Place Herriot. Avec nos pancartes et nos idées. Avec vous aussi. Chers députés, on vous attend.
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