Il est singulier que je sois la cible de tant d’attaques groupées (ds Causeur, ds 1 tribune du Monde, sur twitter depuis près d’1 mois, et aussi sur le site Egalité et réconciliation) au nom de la protection des victimes, au moment même où le mouvement historique #metooinceste
fait voler en éclat déni, loi du silence et culture du viol, provoque une prise de conscience inédite de l’ampleur de la pédocriminalité, de la gravité de ses conséquences et de sa scandaleuse impunité,
et fait espérer une transformation radicale de la société, tout ce pourquoi je me bats avec acharnement depuis tant d’années.
Pourquoi alors que ns étions si peu nombreux à nous battre, la plupart des auteurs de ces attaques n’ont-ils pas défendu
haut et fort les droits des victimes avec ns, dénoncé les injustices qu'elles subissaient, l’absence de protection, l’insuffisance de prise en charge et de soins, l’impunité des agresseurs ?
Pourquoi n’ont-ils pas été plus choqués par les chiffres effarants des violences sexuelles faites aux enfants, pourquoi n’ont-ils pas relayé les connaissances scientifiques sur la gravité des conséquences sur la santé des violences ( connues et étudiées depuis les années 80-90,
(cf les travaux Putnam et Trickett, 1986 puis de Felitti et Anda 1998, 2010, Hillis, 2016), pourquoi n’ont-ils pas pris en compte bien plus tôt les psychotraumatismes, pourquoi ne se sont-ils pas insurgés contre l’absence de formation des professionnels
et la rareté de l’offre de soins ? Pourquoi ont-ils toléré que tant de stéréotypes sexistes, de fausses représentation et de discriminations nuisent aux victimes, pourquoi sont-ils restés aveugles devant tant de préjudices en terme de santé, de vie personnelle, sociale et pro. ?
Paradoxalement, alors que l'exécutif commence à reconnaître l’échec de l’État et de ses institutions dans la protection des victimes et la lutte contre la pédocriminalité, que nous obtenons la promesse d’avancées législatives
(sur lesquelles il faut se concentrer pour qu’elles soient réellement protectrices pour les enfants) et de réformes ainsi que la création d’une commission inceste et violences sexuelles dans l’enfance dont je suis membre,
que les droits des victimes commencent un peu plus à être à l’ordre du jour, il leur semble urgent d'écrire que ce sont mes travaux, ma lutte contre l’impunité, mon combat pour la reconnaissance des psychotraumatismes, mes plaidoyers et leur médiatisation qui sont dangereux.
Plus que les procédures judiciaires maltraitantes, les discours mensongers des agresseurs, ce sont mes interventions et mes brochures qui seraient traumatisantes pour les victimes, risquant de leur faire perdre espoir ou de les inciter à relier des symptômes à des violences,
le plus important pour certains semblant être le risque de fausses allégations, de syndrome d’aliénation parentale ou de faux-souvenirs (théories utilisées contre les victimes et les mères protectrices).
La réalité des violences sexuelles et de leurs conséquences psychotraumatiques, bien étudiée par ttes les enquêtes de victimologie et les recherches internationales depuis + de 20 ans, ne peut être niée. Je n’ai rien inventé,
il ne s’agit pas de concepts nés de mon imagination fertile. Il s’agit pour la médecine d’une réalité clinique et neuro-biologique malheureusement trop longtemps ignorée. Je suis loin d'être la seule à étudier avec mes patients
les réminiscences visuelles, auditives, sensorielles de violences après une période d’amnésie (décrites depuis plus d’un siècle par Pierre Janet et d'autres), pour les relier éventuellement à des violences subies dans le passé.
Le travail d'un soignant n'est pas de qualifier ces symptômes de faux-souvenirs, de ne pas croire les mères et les enfants qui dénoncent des violences sexuelles ; les faux-souvenirs et le syndrome d'aliénation parentale sont des théories anti-victimaires
nées aux Etats Unis ds les années 90, dénoncées depuis longtemps là-bas, théories dt la démonstration n’est pas applicable au psychotraumatisme, qui ont été écartées par l'Association américaine de psychiatrie, mais qui persistent encore en Europe, (cf les travaux de M. Salter).
Je trouve étonnant que les psychiatres universitaires qui m'attaquent recommandent la lecture du livre de Bessel van der Kolk, Le corps n'oublie rien. Le cerveau, l’esprit et le corps dans la guérison du traumatisme, alors qu’il parle de « l’épidémie cachée »
des traumatismes infantiles, et comme moi, avec de nbreux autres auteurs (on peut citer l'ouvrage de la pédopsy Marie-Rose Moro en Fr., La parole est aux enfants), étudie et décrit la mémoire et l’amnésie traumatique en vulgarisant intentionnellement ces notions
pr qu’elles soient accessibles à tous !…
Pour le bien des victimes, il faut donc que je me taise, que je leur fasse croire que tout n’est pas si catastrophique, qu’elles seront protégées, choyées par la justice, bien accompagnées et prises en charge,
qu’elles n’iront pas si mal, que le traumatisme ne sera pas si lourd même si elles n'obtiennent pas de prise en charge médicale, qu’elles doivent faire preuve de résilience. Je ne devrais pas leur dire que leurs symptômes et leurs souffrances sont liées aux violences
qu’elles ont subies, je devrais leur dire que leurs flashbacks, leurs réminiscences sensorielles de violences ne sont peut-être que des faux-souvenirs puisque l’amnésie traumatique et la mémoire traumatique ne font parait-il pas consensus ds le monde scientifique,
pourtant il suffit d’ouvrir les manuels de diagnostic les plus reconnues et utilisés au niveau international et en France pour voir qu’elles font partie des définitions cliniques de l’état de stress post-traumatique, notamment le DSM de l’Association de psychiatrie américaine
depuis sa troisième édition (1980) jusqu’à la cinquième actuellement en cours, et celui de l’Organisation mondiale de la santé, la CIM 10 et bientôt 11.
Tout cela serait donc très grave de ma part… alors que de façon sourcée par des enquêtes de victimologie
70% au moins des victimes de viol disent en avoir d'importantes séquelles sur leur santé mentale (CVS Insee ONDRP, 2017, IVSEA, 2015, MTV/Ipsos, 2019), que 40% au moins décrivent des périodes d’amnésie traumatique (Williams, 1994, IVSEA, 2015, MTS/Ipsos, 2019),
que les victimes de violences sexuelles dans l’enfance rapportent que près de 80% des professionnels de la santé n’ont pas fait de lien entre leurs symptômes et les violences qu’elles avaient subies (MTV/Ipsos, 2019).
Ces attaques multiples surviennent à un moment où toute notre énergie doit être au service de la cause des victimes. D’autres avant moi en ont subi de violentes, comme Catherine Bonnet, Pierre Sabourin, Bernard Lempert…
Je ne suis pas une fondamentaliste scientifique, je suis une clinicienne qui a commencé par s'apercevoir dans les années 1980 qu'un grand nombre des patients vus à l'hôpital pendant mon internat puis dans mon cabinet de psychiatrie générale avaient subi de graves violences.
Ce constat m'a conduit à m'intéresser à cette partie de la pathologie psychiatrique, à étudier la vaste littérature scientifique sur le sujet pour essayer d'en faire une synthèse destinée à expliciter des liens entre la neurobiologie et la clinique,
et à m’engager pour que les traumatismes des victimes soient reconnus et pris en charge, ce qui à mon avis n'empêche personne de travailler dans la direction qu'il souhaite.
pour lire le texte complet sur mon blog :
#metooinceste : À ceux qui n'ont pas besoin de sauver leur vie ⤵️
https://stopauxviolences.blogspot.com/2021/04/metooinceste-ceux-qui-nont-pas-besoin.html
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