Toutes les musiques que vous écoutez sont commerciales. Toutes, en intégralité. Je pourrais même aller plus loin, nous ne sommes, pour la plupart, plus capables de faire ou d’écouter une musique qu’il ne l’est pas. 1/26
L’effet du capitalisme a eu un effet physiologique sur nous. Nos oreilles ne supportent plus ce qui sort du cadre au point ou la commercialité d’une musique est devenu la seule caractéristique qui nous permette de l’apprécier. 2/26
L’avènement d’un monde précapitaliste est passé par une standardisation de la marchandise. Pour vendre beaucoup, il faut pouvoir produire beaucoup. Mais, pour s’assurer d’écouler la marchandise, il faut des acheteurs. 3/26
Il a fallu faire adhérer des consommateurs à une production de basse qualité, car elle était plus simple à produire. Avant, on vendait selon la demande, il fallait prévoir les attentes et essayer d’y répondre le plus vite possible. 4/26
Néanmoins, cela posait de nombreux soucis, il a donc fallu trouver une astuce pour être encore plus réactif aux demandes. Pour permettre aux producteurs d’être en avance sur les demandes, il faut créer la publicité. 5/26
La pub a été le moyen de transformer le citoyen en consommateur. En créant la demande artificiellement, il a été permis au producteur d’avoir un coup d’avance : il a pu schématiser la production, en faire un moule pour être encore plus rapide, la standardiser. 6/26
Le standard s’est peu à peu intégré à nos habitudes. La société de consommation a poussé toutes les structures à devenir rentable. Toutes ont donc adapté leurs économicités sur un mode capitaliste standardisé. 7/26
La radio est un parfait exemple de ce qu’a produit le capitalisme. Étant payé en grande partie par les publicitaires, il fallait pouvoir faire jouer des musiques qui ne durait pas trop longtemps. De plus, il fallait que la musique plaise. 8/26
La musique sophistiquée n’est pas nécessairement une musique belle. Si bien que le plaisant peut être considéré comme l’un des plus grands standards de la musique moderne. 9/26
Pour ne pas faire décrocher les auditeurs et s’assurer une rentre pécuniaires, les radios ont donc dû faire jouer des musiques qui plaisait et qui répondaient aux standards. 10/26
Les artistes, pour pouvoir passer en radio, faire connaître leurs musiques et gagner de l’argent, ont dû s’adapter à ses besoins. Ils ont commencé à produire ce qu’il fallait produire.11/26
Si bien que la durée moyenne d’une musique est passé de 4 min 30 en 1995, à 3 min 42 aujourd’hui. Il n’est plus rare de voir un hit faire dans les alentours de 2 minutes, Lean On est un exemple parmi tant d’autres. 12/26
C’est ainsi que naquis des mouvements et des genres calibrés pour vendre. Je pense notamment au jazz, au rock, à la pop et au rap. 13/26
Toute musique qui appartient à ce genre est nécessairement commerciale, car son esthétique, sa substance, a été composées à partir des besoins capitalistes. 14/26
En fait, aujourd’hui, le mode de consommation d’une musique est si standardisé qu’on pourrait dire que les musiques classiques que nous sommes encore capables d’écouter répondent à ces besoins. 15/26
Je pense évidemment au premier mouvement de la cinquième symphonie de Beethoven, à sa lettre à Élise, ou à la plupart des musiques de Chopin, de Mozart ou de Satie. Ces musiques représentent tout ce que le consommateur aime. 16/26
Elles sont courtes, mélodieuses, intelligibles pour une oreille fainéante et surtout, elles rayonnent par leurs auras luxueuses. Quand on écoute du classique, on se sent bourgeois. En fait, le classique est la musique que le prolo adore faire semblant d’écouter. 17/26
La standardisation est si efficace qu’on ne peut plus sortir du cadre. Une musique doit faire entre 2 et 3 minutes, avoir des refrains et un plan bien définit et distinct, une couleur particulière et une harmonie bien docile. 18/26
Une musique doit posséder des accords, peu d’accords et une mélodie de 8 mesure composée d’un motif de 4 mesure doublée. Hors de ce cadre, la musique nous est étrangère et chacun se rend compte des possibilités inimaginé et inimaginable de ce que peut être la musique. 19/26
Rare sont ceux qui sont capables d’écouter et de se contenter d’autre chose que de la musique commerciale. Ces personnes-là sont presque nécessairement issues d’un milieu bourgeois, ont été au conservatoire, ont une culture, etc. En bref, ils ont eu une éducation musicale. 20/26
Faites le test, est-ce que vous êtes capable d’écouter en entier et d’apprécier le Drei Klavierstücke de Schonberg ? Cette musique a été pensée en réaction à la standardisation, elle se compose de tout ce qu’on a refusé à la musique (atonalité, peu rythmée, plan flou, etc.) 21/26
Pour finir, les intérêts économiques nés au début du XXe siècle ont chamboulé la manière dont on créer et écoute de la musique. On écoute plus de la musique, on écoute du son. On ne fait plus de la musique, on dit qu’on en produit. 22/26
Les mouvements marxistes ont fait accepté à la foule que la standardisation n’était jamais bonne. À présent, une musique non-commerciale rayonnerait par son originalité. Le système capitaliste est si bien rodé que la « non-commercialité » est devenu une valeur ajoutée. 23/26
Je vois beaucoup d’artistes se revendiquer d’une musique pure, non-commerciale. Je vois beaucoup de consommateurs prétendre à la même pureté dans leur écoute. 24/26
Mais il n’en est rien. Ce sont justes des idiots utiles, des toutous bien conformistes qui brouillent les pistes de la standardisation généralisée de la musique. Cela bloque les prises de conscience et empêche la rééducation auditive. 25/26
Ce thread est une réponse à tous ces sbires du capitalisme. J’aurais pu parler du fétichisme du chiffre, mais je me réserve ce sujet pour une prochaine fois, ou pas. Je n'ai pas besoin de fidéliser mon audience moi. 26/26
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