Petite #histoire de la « fourragère » rouge portée, depuis la Libération de @Paris, par les policiers de la Préfecture de police de Paris. #thread.

Avant de parler de cette « fourragère » particulière, revenons ensemble sur quelques définitions. Car sinon, ça va être compliqué à suivre.

Pourquoi ? Car suivant les interlocuteurs, cette « fourragère » n'a pas le même nom. Certains parlent de cordelière, de ficelle, ...

Si le parallèle m'est permis, on a en effet ici un espèce d'effet " #chocolatine" pourrait-on dire.

Car les policiers disent plutôt "fourragère". Et les militaires "cordelière".

Bref, définissons tout ça !

/ Depuis 1916, une fourragère est un insigne honorifique aux couleurs d’une décoration , qu'une unité (ou une personne !) obtient en fonction du nombre de citations obtenues à l'ordre de l'armée.

Rappel de mon fil sur le sujet : https://twitter.com/TFressin/status/1333002955188998144

Par exemple, encore aujourd'hui, la fourragère rouge, aux couleurs de la Légion d'honneur, est portée par les militaires des unités citées entre 6 à 8 occasions à l’ordre de l’armée.

Il faut donc un paquet de faits exceptionnels pour qu'une unité puisse la porter !

/ Une aiguillette est un cordon terminé par des ferrets, qui sert d’ornement sur certains uniformes.

Elles sont portées à droite par les aides-de-camp, chefs de cabinet, attachés de défense et à gauche par, la police et la gendarmerie (dont la garde républicaine).

/ En principe, une cordelière, ou cordon, n'a rien de militaire. C'est plutôt un attribut de vêtement liturgique.

Dans le milieu militaire, le cordon permet aux aumôniers militaires de porter leur croix pectorale autour du cou.

/ Une ficelle, bah, c'est une ficelle.

Pour ceux qui ne connaissent pas, c'est une corde de faible diamètre, fabriquée à partir de fibres végétales ou synthétiques, et utilisée pour attacher des objets, lier des paquets, etc.

Avec ces définitions, on comprend donc que la « fourragère » rouge de la PP ne semble être ni une fourragère, ni une aiguillette, ni une cordelière, ni une ficelle.

Mais que serait-ce donc que cet attribut ?

Continuons, en grattant du côté de l' #histoire.

Posons nous les bonnes questions :

POURQUOI COMMENT DEPUIS QUAND les agents de la PP portent-ils, sur leur uniforme, ce qu'ils appellent aujourd'hui une « fourragère » Et QUI le leur a attribuée ce port

Le POURQUOI de ce port est clairement lié à la Libération de @Paris. Pour quels faits ?

Il faut savoir que 167 policiers parisiens sont morts dans les 7 jours de combat qui ont précédé la Libération de @Paris le 25 août 1944. #honneurAuxMorts #mortsPourLaFrance #respect

En effet, le 14 août 1944, des policiers réagissent à l'ordre de la Gestapo de désarmer et d'interner les policiers parisiens.

Certains policiers décident alors d'une grève générale et diffusent un tract appelant les fonctionnaires de police à cesser le travail.

Le 19 août, à l'aube, des policiers résistants s'emparent de la préfecture et mettront ensuite aux arrêts le préfet Bussière.

Durant les 7 jours de combat qui ont suivi , jusqu'à la libération de la capitale, la préfecture de police a été un centre vital de l'insurrection.

Pour rendre hommage à ces 167 morts, la grande cour d'honneur de la PP, basée dans la caserne de l'île de la Cité, a été baptisée "cour du 19-Août".

Des monuments aux morts y sont présents pour honorer les policiers parisiens morts pour la France et ceux victimes de leur devoir.

La PP est la seule institution civile à porter cet attribut aux couleurs de la Légion d'honneur (LH).

D'autres institutions ont également reçu la LH (sans port de fourragère). Exemple : les cheminots (+2500 morts). Voir les autres institutions civiles : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ordre_national_de_la_L%C3%A9gion_d'honneur#Institutions

COMMENT et DEPUIS QUAND les policiers parisiens portent donc cette "fourragère" ?

On peut ici s'appuyer sur un témoignage de Pierre Messmer.

Pierre Messmer, qui deviendra un grand homme d'état français, s'est engagé dans la 13e DBLE et a combattu en Érythrée, en Syrie, à Bir Hakeim et en Tunisie.

Affecté à Londres à l'état-major du général Kœnig des FFL, il participera à la Libération de Paris et de la France.

Dans un témoignage paru dans "C'était un temps déraisonnable" (Georges-Marc BENAMOU, 2013), Pierre Messmer, en militaire n'ayant pas connu l'occupation de l'intérieur, se montre très critique vis-à-vis des policiers (mais aussi d'autres corps de fonctionnaires).

Ce témoignage permettrait donc de répondre aux questions soulevées :

Les policiers parisiens auraient adopté la fourragère rouge à la Libération de Paris ;
Le généraux Koening et de Gaulle approuvèrent ce port pour le bonne cohésion de la police.

Faut ici contextualiser ce témoignage peu flatteur. Il tient notamment au fait que la police parisienne était connue pour ne pas avoir été exemplaire durant l'occupation.

Sur ce sujet, on peut renvoyer à un article de l'historien Jean-Marc Berlière : https://journals.openedition.org/chs/940 

Notons enfin que, sur cet exemple de la fourragère, Messmer, avec du recul, plusieurs années après, "accepte très bien cela aujourd'hui, mais, sur le moment, j'ai demandé ma mutation immédiate."

Donc, on peut dire que le militaire a avalé la pilule de la fourragère.

CONCLUSION du thread : sur cet "effet #chocolatine", je laisse chacun choisir son camp.

Ne comptez pas sur moi pour dire s'il s'agit d'une "fourragère" ou d'une "cordelière".

Enfin, en historien, je lance ici un appel : je suis à la recherche de sources contradictoires pour creuser ces questions (je n'en ai pas trouvé). Si @slhistopol ou d'autres en ont, je suis fort preneur et prêt à faire un nouveau thread pour revoir tout ça sous un autre angle.