Du Vatican à la retentissante chute des empires Cirio et Parmalat : l'influence des banques dans le Calcio des 90's à travers l'exemple de la Lazio | Le Thread du dimanche par Ettachkila

Sur les différents maillots désormais vintage du début des 90's, figureront plusieurs noms de banques (très liées comme on le verra un peu plus loin dans ce Thread)

Rétrogradée en Serie C (puis repêchée en Serie B avec une pénalité de 9pts) en 86 suite au scandale des «Calcioscommesse» (matchs truqués), la Lazio trouvera en le sponsor maillot «Cassa di Risparmio di Roma» un partenaire qui contribuera à la sauver de la faillite

Puis en 1991-92 c'est le Banco Santo Spirito qui prend la place de sponsor maillot pour la dernière saison du Président Gianmarco Calleri avant l'arrivée du magnat de l'agroalimentaire Sergio Cragnotti qui transformera radicalement la «Prima squadra della Capitale»

Fondée en 1605 par décision du Pape Paul V, l'activité de cette banque débute en 1606 dans l'annexe de l'hôpital « Santo Spirito » de Rome. À ses débuts, la banque assure la caisse de dépôts et le financement du Trésor. Elle est donc connue pour être la Banque du Vatican

En 1836, le pape Grégoire XVI ordonne la création de la Cassa di Risparmio di Roma, l'activité épargne de la banque. L'activité épargne permet à la banque de diversifier ses placements et accroître son influence

En 1871, l'Italie est unifiée et Rome en devient la capitale, la Banco di Santo Spirito lance ses activités de crédit. Au début du XXe siècle, la banque contribue aux investissements pour les constructions de chemins de fer, et développe des zones d'habitation à loyer modéré.

Ce n'est qu'en 1923 qu'elle devient «Banco di Santo Spirito S.p.A.», une société anonyme. À la suite de la crise économique de 1929, l'IRI (Institut de reconstruction industrielle) en prend le contrôle en 1935.

En 1989, l'IRI cède la Banco di Santo Spirito à la Cassa di Risparmio di Roma. Le nouvel ensemble fusionnera avec Banco di Roma en 1992 pour donner naissance à la Banca di Roma

Ayant l'habitude d'entrer au capital des groupes européens grâce aux milliards de liquidités issues de la production pétrolière, le régime de Kadhafi va par ailleurs acquérir 5% du nouvel ensemble à travers la Libian Arab Foreign Bank (créée en 1972)

Par ailleurs, Saadi Gaddafi avait ses entrées à la Lazio (ici au milieu de Dino Zoff et de Paul Gascoigne lors d’une séance d’entraînement de la Lazio à Tor di Quinto).

Un homme est derrière ce rapprochement bancaire : Cesare Geronzi

La carrière de ce natif de Marino (près de Roma) commence quand il réussit le concours à la Banca d’Italia en 1960 et rencontre le gouverneur Guido Carli (également ministre du Trésor de 1989 à 1992), avec qui il collabore pendant 15 ans

Geronzi quitte la Banca d’Italia pour suivre le directeur général de l'époque, Rinaldo Ossola au Banco di Napoli pendant une année qui sera marquée par le tremblement de terre en Irpinia et un échec : lui et Ossola sont expulsés de l'Institut suite à des pressions politiques

En 1982, il rebondit en étant nommé directeur général de la.. Cassa di Risparmio di Roma (140 agences) : un endroit d'où il peut tout recommencer comme le lui annonçait le gouverneur de l'époque, un certain Carlo Azeglio Ciampi (Président de la République italienne de 99 à 2006)

Geronzi va travailler sur un rapprochement de banques en crise (Banco di Santo Spirito, Banco di Roma, Banca dell'Agricoltura, Banca Mediterranea, Banco di Sicilia, Mediocredito Centrale, Bipop-Carire) donnant lieu à la naissance d'une seule entité bancaire: Capitalia.

Surnommé « le Roi des banquiers » Geronzi, autrefois très proche du leader démocrate-chrétien Giulio Andreotti, a su nouer des rapports avec le monde politique italien en participant au sauvetage du holding Fininvest (Mediaset, Gruppo Mediolanum) contrôlé par les Berlusconi.

En parallèle de la carrière de Gironzi, un entrepreneur commence à connaître une ascension fulgurante dans le monde des affaires en étant nommé à la tête des activités France du groupe Ferruzzi en 1982 puis en se mettant à son compte en 1991 : Sergio Cragnotti

Grâce notamment aux crédits de la Banca di Roma et du Banco di Napoli, Cragnotti fera l’acquisition (au moyen d’un complexe montage financier) du groupe agroalimentaire Cirio Bertolli De Rica (CBD) et deviendra un Géant de l’agro-alimentaire mondial.

Peu connu en dehors du monde des marchés financiers, encore moins dans le milieu du football, Sergio Cragnotti, reprendra la Lazio en 1992 et portera quelques années plus tard le club aux sommets après 40 ans de disette en signant notamment d'immenses talents

Les acquisitions industrielles et sportives de Cragnotti n’auraient bien sûr pas été possibles sans le concours de son banquier Cesare Geronzi, président de la Banca di Roma (devenue donc Capitalia) dans les années 90.

Malgré les pertes de son groupe, Sergio Cragnotti poursuit son développement, accumulant acquisitions et…dettes. Et Geronzi donnera des garanties bancaires aux sociétés de Cragnotti

Il protègera également la GEA World, une société de conseil et d’intermédiation de joueurs et d’entraîneurs de football créée par Alessandro Moggi (fils de Luciano), Francesca Tanzi (fille de Calisto, Parmalat), Andrea Cragnotti (fils de Sergio) et Chiara Geronzi (sa fille)

En grande difficulté financière, et face au désengagement de plusieurs partenaires bancaires, Sergio Cragnotti doit trouver d’autres financements. C’est ainsi que le groupe Cirio émettra des « bonds » ou obligations à de petits épargnants en vue de réduire ses dettes

La situation préoccupante des entreprises de Cragnotti imposera aussi des choix contestés au sein de la Lazio : c’est ainsi qu’il vend d’abord Pavel Nedved, puis l’idole et emblème du club Alessandro Nesta, s’attirant les foudres des Tifosi