Selon @EricFassin, « arabe de service » est « une injure politique, mais pas raciale », contrairement à « sale nègre ». Car « sale nègre » désigne tous les noirs par définition. Alors que « #arabedeservice » (ou « #negredemaison ») ne désigne que des brebis galeuses.

Fassin n’a pas tort de considérer que reprocher à qq’un ce qu’il est (« sale nègre ») est raciste, alors que reprocher à quelqu’un ce qu’il fait (« nègre de maison ») relève uniquement de l’« injure politique » qui fustige une (présumée) soumission volontaire…

Pour parler l’Aristote, le prédicat « noir » est substantiel, alors que le prédicat « de maison » ou « de service » est accidentel. Reprocher le 1er n’a donc aucun sens. Faire grief du 2nd se comprend davantage. CQFD

Par exemple, si, quand vous regardez Django Unchained, le personnage du majordome Stephen vous est antipathique, ce n’est pas pcq il est noir mais pcq c’est un tortionnaire dévoué. Nul racisme chez le spectateur indigné par le zèle du « nègre de maison ».

Mais la distinction d’Eric Fassin entre « sale nègre » et « arabe de service » serait pertinente… si « arabe de service » (ou « nègre de maison ») n’étaient pas (aujourd’hui) devenus des métaphores !

Le sophisme d’ @EricFassin consiste à prendre « nègre de maison » ou « arabe de service » au 1er degré, alors que les deux expressions sont employées aujourd’hui pour désigner des situations qui n’ont rien à voir avec celle de l’affreux Stephen.

Une chose (bien compréhensible) est de détester le majordome tortionnaire qui, pour échapper au malheur de naître noir en Amérique au XIX, devient « nègre de maison » et augmente la peine de ses pairs.

Tout autre est d’en voir d’équivalent dans la personne de policiers « arabes » ou noirs, ou bien dans la figure d’une intellectuelle qui s’aventure à défendre l’idée d’universel et de refuser qu’on la « racise »… #RachelKhan

Il n’est pas tout à fait pareil de se mettre au service de l’ignoble Calvin qui donne ses « nègres » à manger aux chiens et leur ouvre le crâne, à l’occasion, pour vérifier une théorie, et d’endosser en République la carrière de policier, ou d’universaliste militant sur LCI.

Ce qui est raciste, ce n’est pas de dire que l’affreux Stephen est un « nègre de maison », c’est de mettre son cas de figure (si j’ose dire) sur le même plan que celui d’un policier noir en République.

Le racisme est ici de raciser le « Noir » au point de voir un esclave volontaire chez celui qui fait carrière en République. Car alors on déduit de sa couleur le destin qu’il devrait refuser. La racisation (qui indexe une morale sur une apparence) est un racisme comme les autres.

Prenez par exemple ce tweet d’Hélène Sy (qui est un chef d’œuvre de haine qui se prend pour de l’amour). En défendant la Police (et la république) Abdoulaye Kant est, aux yeux de la Dame Patronesse, le « porte-parole noir de la police », i.e l’alibi de ses maîtres.

Autrement dit, @AbdoulayeK3 n’a pas le choix.
Soit il se conduit comme le noir rêvé de la blanche, l’indomptable « nègre » insoumis qui rejette fièrement les chaînes du racisme systémique. Soit il endosse la condition d’esclave, c’est-à-dire de policier républicain.

Il y a nettement moins de différence entre le suprémacisme de l'affreux Calvin et le maternalisme d’Hélène Sy (ou le paternalisme d’ @EricFassin) qu’entre le comportement de Stephen le majordome et le destin d’Abdoulaye Kante.

Stephen est une crapule née sous la ségrégation, qui trouve salut (et prospérité) dans la collaboration active avec les maîtres. @AbdoulayeK3 est un citoyen comme les autres qui choisit de protéger la loi à laquelle lui-même, comme chacun, doit d’être libre.

Calvin a des noirs pour propriété en raison de leur couleur. Hélène Sy assigne les noirs à résidence en leur intimant d’adopter un comportement conforme à l’idée qu’elle se fait de leur couleur.
Le 1er leur veut du mal. La 2nde leur veut du bien.
Les 2 se conduisent en maîtres

On ne libère pas les gens en les enfermant dans l’idée flatteuse qu’on s’en fait.
On se les approprie. Ce n’est pas de l’esclavage. C’est un héritage de l’esclavage qui se vit comme son désaveu. On appelle ça « condescendance ».
#assignation

Bref, l’immonde Calvin et la République française, ce n’est pas exactement blanc bonnet et bonnet blanc. Voilà la nuance que le pr. #EricFassin (dont le salaire versé par un « Etat systémiquement raciste » n’a pas de couleur) omet d’injecter ds son raisonnement.
C’est dommage !

D’autant qu’il est vaguement contradictoire de s’indigner de la sous-représentation de la « diversité » dans les grands corps de l’Etat tout en voyant un(e) « arabe de service » ou « nègre de maison » chez « l’arabe » ou le « noir » qui fait carrière en République.

Pour en revenir à Fassin, ce n’est pas parce qu'« arabe de service » désigne une « propriété accidentelle » que l’injure n’est pas raciale. Car ce qui motive l’injure, c’est le décalage entre un choix de vie et une certaine idée de « l’essence » de "l’arabe" ou du "noir".

Bref, comme la « négresse », "l’arabe de service" vous emmerde (et vous donne rdv au tribunal) !