La place de la théorie dans la lutte
A thread
Bon c’est en regardant un tweet de @gustavealn que j’ai eu l’idee de faire ce thread donc voilà merci parce que j’aime bien parler.
Quelque chose est remarquable dans la lutte, c’est la propension à certains militants (et cest pas un jugement moral, c’est l’histoire même de la gauche et la nature des événements et des circonstances qui veut ça selon moi), à reproduire les
mécanismes de distinction pourtant originellement inhérents à la bourgeoisie dans leur militantisme.
Qu’est-ce que la distinction en gros ? Je vulgarise évidemment on est sur Twitter . C’est un concept de Pierre Bourdieu qui décrit la manière dont les individus se démarquent des autres selon leurs goûts et leurs pratiques. Cette démarcation implique une différence dans la
hiérarchie qui organise les individus. Un exemple, si je cite Sartre ou Proust, je serai plus écouté que si je cite un extrait de « Percy Jackson ».
Il se passe exactement la même chose dans le militantisme. Si je cite Marx, je serai mille fois plus écouté qu’un.e autre militant qui ne l’a pas lu (ou fait semblant de le lire hein, tous les militants qui citent Marx l’ont pas lu, loin de la).
Forcé de constater que ce phénomène de distinction est particulièrement présent chez les marxistes. Notamment sur des luttes qui sont pas la leur (le fameux mec qui va expliquer à la féministe que c’est le capitalisme
le problème principal par exemple, mais ça se décline dans toutes les formes d’oppression). « Tu n’es pas objectif, c’est l’inégalité économique qui est centrale, il faut que tu aies un raisonnement plus SCIONTIFIQUE, MATÉRIALISTE... »
Je pense qu’on a quasiment toustes connu (ou produit parfois) ce genre de discours. Il est évidemment déclinable dans toute les formes d’oppression et dans toutes les écoles théoriques meme si personnellement je le vois plus chez les gens qui se revendiquent de Marx.
C’est un phénomène de présentant de plein de manières différentes. Mais de manière générale je vois beaucoup de gens, souvent des petits bourgeois, qui se prennent pour des prescripteurs envers les gens plus dominés qu’eux.
Alors évidemment que je suis pas contre la théorie (je suis en philosophie hein), par contre je pars pas du principe que la lutte est guidée par la théorie.
La théorie doit alimenter la lutte, elle doit y être soumise totalement. Non pas dans son analyse, (une analyse philosophique, sociologique ou autre doit être absolument libre dans la manière dont elle est produite),
mais dans le cadre de la PRATIQUE : aucun théoricien ne devrait dire à quelqu’un de moins privilégié que lui COMMENT agir.
Et c’est pas tomber dans un fétichisme des classes populaires (une personne plus pauvre que moi, si elle est facho, reste un de mes ennemis objectifs). Mais dans le cadre de la lutte, les gens savent bien
comment agir, les gens connaissent leur secteur tout simplement. De plus, les gens les plus privilégiés ont beaucoup moins de risque à prendre. Genre Geoffroy de Lagasnerie qui dit aux syndicalistes qu’ils doivent agir dans l’illégalité pour être efficaces.
Évidemment j’aurais tendance à être d’accord. Mais les syndicalistes aussi, le savent. La question c’est celle des bénéfices-risques, et je pense qu’un type issu de la petite bourgeoisie et d’une vieille famille noble n’a pas vraiment son mot à dire en la matière.
Et je vais ajouter quelque chose si j’ai des amis futurs théoriciens. Personnellement, je ne sais pas si dans l’absolu je mourrais pour la lutte. J’aimerais dire oui mais c’est des décisions qui se prennent dans l’instant et je ne suis pas assez prétentieux
pour m’en dire capable a priori. En revanche, ce que je peux dire, c’est que même si j’en serai capable, cette possibilité n’est pas incompatible avec le fait de ne pas sacrifier ma vie pour la lutte.
Tous mes axes de recherche futurs seront, je le sais, encrés à gauche. Mais si je n’avais pas la politique, je ferai quand même de la philosophie. Je ne voudrais jamais entrer dans cette rancœur à la Mélenchon : « j’use ma vie à vous défendre ».
Les gens sont capable de se défendre tous seuls. Ils n’ont pas besoin d’un sauveur. Se considérer comme tel sera non seulement mauvais pour la lutte, mais aussi pour vous. Parce qu’en estimant que vous avez la solution grâce à votre énorme savoir théorique turgescent, la
seule chose que vous arriverez à faire, c’est vous enfermer dans le ressentiment et le mépris de classe. Vous deviendrez ce que vous haïrez par la frustration de voir que ni les gens, ni les événements n’agissent et ne se produisent comme vous l’attendez .
Par pitié, restons à notre place en tant que théoriciens (wanna be pr moi) et n’intervenons dans la question de l’action que dans les
oppressions qui nous concernent. Aucun savoir théorique n’est un passe droit pour parler à la place des autres.
De toute façon, que ce soit clair, les individus qui se considèrent comme assez savants pour parler à la place des autres font preuve d’une médiocrité intellectuelle crasse.
J’ajoute quand même que ceux qui sont des donneurs de leçon sont pas les meilleurs théoriciens hein, la maîtrise de Marx pour les exemples auxquels je pense elle était jamais là.
Et c’est aussi des stratégies de pouvoir parfois/souvent. Consciemment ou non les petits gauchosapios retirent souvent des bénéfices plus ou moins crades de l’aura que leur confère leur pseudo-savoir.
You can follow @Pacopercule.
Tip: mention @twtextapp on a Twitter thread with the keyword “unroll” to get a link to it.

Latest Threads Unrolled: