En réalité, je le répète, ce n'est pas simplement la démission d'un ministre indigne que nous voulons. Tout néfaste qu'il soit, M. Blanquer n'est et ne demeurera qu'un épiphénomène absurde et violent.
Ce que nous voulons c'est la refonte profonde, radicale et juste d'un système.
L'Éducation Nationale est exsangue et en bout de course. Le concours devient ridicule sur le plan disciplinaire. Les enseignants ne sont pas formés (s'ils l'ont jamais été). On compte un nombre d'élèves croissant et on ferme des postes. La maison ne tient que parce que les gens
tiennent. Et ces gens partiront : à la retraite, ou de guerre lasse. Il ne restera finalement que les précaires qui ont absolument besoin de ce taf et qui se tairont face aux problèmes (comme aujourd'hui), quelques misérables aux ordres, et ceux pour qui ce n'est qu'un jeu, un
peu d'argent de poche.
L'École est un enjeu extraordinaire car elle est la première redistribution de richesses dans un État social. Bien sûr, assurance maladie, assurance chômage, tout cela forment de splendides moyens d'assurer une sorte d'équité entre les gens, mais l'école va
plus loin en tentant d'assurer une égalité entre les gens. Même aujourd'hui, dans sa parodie, à coup de PAP, de PPRE, et que sais-je encore, avec les structures d'accueil spécialisées, avec les ZEP, les REP, les RAR, les REP + ; même encore aujourd'hui, elle tente de remplir
cette impossible mission.
Il faudrait être bien convaincu d'une chose : chaque denier enlevé à l'École et rendu au budget est un denier volé par l'État à sa population. Et c'est précisément pour cela que le libéralisme économique actuel ne peut supporter l'École publique, dans
les différents sens du verbe. Le libéralisme s'appuie encore aujourd'hui sur des notions de compétitions, de liberté des individus, de force de chacun à triompher de l'adversité. L'École est irréconciliable à ce projet, car elle met, théoriquement, les choses à plat. De la façon,
un héritier se trouvera théoriquement au même point de départ (ahahahah, non) qu'un non-héritier. Ce n'est pas juste, pour le libéralisme économique. Les agents devraient pouvoir se débrouiller eux-mêmes.
Dans un deuxième temps, le capitalisme économique qui accompagne notre
libéralisme actuel est fondé sur l'accaparation des capitaux (entendre tous les capitaux, symbolique, culturel, en sus de monétaire). L'École, qui propose un programme émancipateur d'instruction déroge à cela en tâchant (et c'est le but des classiques) de donner à toutes et tous
le même capital culturel, tout en modelant des individus sur le moule symbolique de la classe dominante du moment (la dissertation est un exercice bourgeois, par exemple, l'École sanctionne une attitude bourgeoise). De là, des efforts d'accaparation supplémentaires : les écoles
privées, allant censément plus vite plus loin et plus rigoureusement. Les mesures de carte scolaire. Les regroupements d'élèves. Tout cela ne sont rien de moins que des rallyes, mais dans un autre champ.
Il faut, alors, pour que la classe dominante dorme en paix, se reproduise sans crainte, abattre l'École. Nous y sommes aujourd'hui.
Voilà pourquoi j'appelle à une refonte totale du système, du primaire au supérieur, qui passerait pas des crédits supplémentaires, immensément de
crédits supplémentaires. Il est impossible d'éduquer et d'affranchir une population complète avec trois francs six sous. C'est un mensonge, un mythe et un moyen de domination.
Et surtout, c'est en cela qu'il faudrait comprendre les discours actuels portant sur l'Éducation : comme
des spoliations d'une juste redistribution de richesse. L'évasion fiscale prive la population d'une éducation correcte. La fraude fiscale prive la population d'une éducation correcte. La collusion du pouvoir avec le capitalisme libéral prive la population d'une éducation correcte
.
N'en déplaise aux tenants de la fable imbécile du colibri, on n'éteint pas un feu de forêt en urinant dessus. L'Éducation Nationale est un gisement de pétrole en feu. Il est encore possible de souffler les flammes.
Je crois.
Tout le fil ci-dessus ne représente que mon opinion, pas plus éclairée que celle d'une autre ou d'un autre. Des gens, meilleurs que moi, le diront mieux, sans doute. Qu'ils le disent. Qu'on les entende. Et qu'on sorte de là.
You can follow @Rapha_Ossian.
Tip: mention @twtextapp on a Twitter thread with the keyword “unroll” to get a link to it.

Latest Threads Unrolled: