Cour d'assises. J'occupe la fonction d'avocat général. Marcel s'est bien habillé pour l'occasion, ses cheveux rares sont bien peignés, il a mis une chemise, & il a l'air d'un vieillard inoffensif. Pourtant, pendant 3 jours, la Cour va juger Marcel pour viol en récidive.
Marcel reconnaît les faits, d'une petite voix contrite. Il est presque excessivement poli, et finit toutes ses phrases par "Monsieur le Président", "Madame le Procureur", "Maître" selon à qui il s'adresse. Cette extrême correction ne parvient pas à faire oublier ce mot, récidive.
Ce mot doit impressionner le jury, Marcel encourt la réclusion criminelle à perpétuité ; ce mot ne peut qu'épouvanter car savoir que l'accusé a déjà vécu un tel procès, a déjà purgé une peine et a, pour autant, de nouveau commis un viol aggravé... Ce n'est pas chose courante.
Marcel a été condamné à 20 ans de réclusion criminelle, il y a fort, fort longtemps. Il avait alors écopé de la peine maximale qui pouvait être prononcée...Dans le dossier qui nous occupe aujourd'hui, le juge d'instruction s'est fait communiquer l'arrêt de la 1ère Cour d'Assises,
un vieil arrêt, pas motivé. Le juge a également versé l'ordonnance par laquelle Marcel avait été mis en accusation devant cette 1ère Cour d'Assises.A sa lecture on comprend le prononcé de ces 20 ans. Pendant des années, Marcel a abusé de ses 4 filles, et ce depuis très jeunes.
Il faisait régner un climat de terreur dans son foyer, envers son épouse et les 4 victimes qui, pendant des années, ont vécu le pire, l'innommable. Un jour l'une des petites s'est effondrée à l'école, faisant s'écrouler la forteresse du secret que Marcel avait bâti.
Sa femme a été condamnée également, pour non dénonciation de crimes. Elle a écopé d'une peine symbolique tant je crois la Cour avait compris que Marcel régentait, dominait, écrasait tout et tout le monde, avec si peu de moyens de lui échapper. Il a pour sa part reconnu les faits.
Il a expliqué boire beaucoup, et avoir perdu tout sens commun, mais au vu de la peine prononcée, il n'a pas su faire oublier à la cour ces années de sévices, de pression, de violences, et ces 4 fillettes brisées... 20 ans, que Marcel a presque entièrement exécuté en détention.
Vers la fin de sa peine, il a bénéficié d'une libération conditionnelle. Il est venu habiter sur mon ressort, où il n'avait pas d'attaches, mais ici ou ailleurs, quelle importance?.. Il n'avait plus de lien avec ses filles, ses parents étaient morts, pas de frères et sœurs...
Il avait environ 60 ans, & toute 1 vie à reconstruire. Il a suivi les soins que le JAP avait imposés pour le laisser sortir de prison... & à la fin de la libération conditionnelle, il les a arrêtés. Il a commencé a faire du bénévolat, rendre des services au voisinage...
Marcel a rencontré des gens, s'est fait des amis, des amis de son âge, des amis plus jeunes aussi, les soirées dans le voisinage, les barbecues... La vie quoi. Il n'a rien dit à personne sur son passé bien sûr, il est resté évasif sur ce qu'il avait vécu avant.
Il a parlé d'un divorce houleux, d'enfants à l'autre bout de la France qu'il avait de loin en loin au téléphone... Et il s'est un peu inventé une vie Marcel, pour combler les trous dans son histoire. Ca a bien marché, il était gentil, serviable, calme... Un homme sans histoires.
Dans le voisinage il a rencontré Katia et Jeremy, petite quarantaine, un couple éprouvé par la vie. 2 filles, Morgane, 11 ans, et Inès, 9 ans, qui souffre d'un handicap. Katia n'a pas de famille, celle de Jeremy est loin, les 2 travaillent, le quotidien n'est pas facile...
Les choses se sont faites doucement mais peu à peu Marcel s'est rapproché de la famille...Au fil des mois, il a su rendre des services, faciliter la vie, être là tout simplement... 2 ans après leur rencontre, c'est presque le père qu'elle n'a pas eu que Katia voit en Marcel.
Elle se confie à lui, va le voir en cas de coup de blues... Il répond toujours présent quand une galère se présente, pour récupérer Morgane à l'école, emmener Inès pour qu'elle reçoive ses soins... Heureusement qu'il est là. Bien entendu Marcel ne s'est, lui, pas confié sur tout.
Quand Morgane annonce 1 jour à sa mère qu'elle ne veut plus aller chez Marcel parce qu'elle est assez grande pour se doucher toute seule, elle pense d'abord avoir mal compris.Elle lui demande de répéter : sa fille explique que Marcel veut toujours qu'ils se douchent...
puis lui raconte ce qui s'est passé, avec trop de détails pour que Katia puisse trouver le sommeil avant bien longtemps... Une fois le récit de Morgane terminé, elle lui dit d'aller se préparer car elles doivent aller quelque part, de lui laisser juste une petite demi heure...
Katia pleure alors de chagrin, de colère, de rancune, mais quand elle pousse la porte du commissariat une heure après, ses yeux sont secs. Ce que Morgane va raconter d'une voix gênée aux policiers, ce sont des viols et des agressions sexuelles, qui durent depuis quelques mois.
Inès a été victime d'attouchements et du fait de son handicap n'en parlera que très peu. Placé en garde-à-vue, Marcel va d'abord nier, puis devant un certain nombre de preuves exposées par les enquêteurs, venir aux aveux... Viols sur mineures de 15 ans, en récidive...
Marcel est incarcéré. Le juge d'instruction s'attache a connaître la personnalité du mis en examen, son passé... Ses filles sont entendues, et pour elles c'est clair, c'est le cauchemar qui revient, un cauchemar qu'elles ont tout fait pour enfouir dans leur mémoire, à jamais.
Le juge d'instruction auditionne Morgane, & Inès, laborieusement. Il interroge Marcel, qui reconnaît, tout en minimisant les gestes décrits avec force détails par l'aînée de ses victimes... Il parle de sa solitude, de pulsions irrépressibles, nie avoir prémédité quoi que ce soit.
Et nous voilà à l'audience...2 jours d'assises durs, que l'apparence inoffensive de Marcel et ses excuses ne parviennent pas à rendre plus respirables... Katia a la haine, se sent trahie comme elle ne le pensait même pas possible, elle est livide à la barre et tremble de rage.
Katia & Jeremy ont appris le passé de Marcel en cours de procédure, ça a été le 2ème coup de massue. Il savait ce qu'il faisait, depuis le début. Oh Marcel s'en défend, bien maladroitement, mais rien à faire, les jurés ne peuvent que penser à 1 prédateur attendant ses proies.
Mes réquisitions sont évidemment très dures, Marcel savait, il savait comme céder à ce qu'il appelle "pulsions" peut détruire des vies, car il l'a déjà vécu. Cette solennité des Assises, ces victimes en pleurs, son avenir en jeu, rien de nouveau pour lui. Et sachant tout cela,
il a arrêté ces soins, accueilli ces enfants chez lui...Il savait. Marcel est dangereux, & a démontré que 20 ans & une libération conditionnelle n'ont rien changé à cela : je requiers une peine de 25 années de réclusion.
Tard dans la soirée, Marcel est condamné à 22 ans.
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