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« Ha ouais ? T’es véto pour les vaches ? Tu mets ton bras dans leur cul ? HAHAHA ! »

Voila. 9 ans d’études pour en être réduit à ça. Jusqu’ici j’ai tenu bon mais là, je crois que j’ai plus le choix. Faut qu’on en parle...

Alala. Ca vous fait toujours marrer d’envisager un type qui fout des BRAS ENTIERS dans le cul des vaches. Parfois même, ça vous choque.

Sauf que sans ça, ba… on serait bien dans la merde… (Et allez ! un point « mauvais jeu de mot »…)

Ouais parce qu'un bovin, c’est un gros machin de 600kg. Faire une palpation abdominale comme on le fait avec vos chats, c’est pas que c’est compliqué, c’est que c’est juste impossible. Alors pour ça, les anciens ont eu l’idée de passer par le cucul. Et c’est une idée de génie.

La palpation transrectale (ou « fouille ») est donc devenu un acte particulièrement banal qui fait partie d’un examen clinique complet. Une vache en apparente bonne santé peut se révéler être dans un état préoccupant après une fouille.

Voyons ensemble pourquoi :

Quand on rentre son bras, la première chose qu’on peut apprécier c’est la merde. On le ressort vite fait, on regarde la consistance, la couleur, l’odeur. Rien qu’avec ça déjà on sait tout de suite si la vache est malade ou non. Là par exemple, c’est mal parti…

Ensuite on y retourne. Sur la gauche on tombe assez vite sur le rumen, cet immense ballon de 150L. Le palper c’est s’assurer de l’appétit et de l’état de forme de la vache : est ce qu’il est plein ou vide, dur ou souple, dilaté, est ce qu’il se contracte… ?

Si on va un peu plus loin, on tourne la main, la paume vers le haut et on peut toucher le rein gauche, reconnaissable à sa forme en grappe de raisin, repoussé vers l’arrière par ce fameux rumen.
(Bon, sur la photo c’est un cheval, mais vous avez l’idée.)

On reste dans cette position et on recule de 10cm. Vous sentez le pouls ? C’est l’aorte, qui bifurque en plusieurs branches à cet endroit. On remet la main à plat, légèrement vers la droite. C’est là où se trouve une partie des intestins.

C’est pas très intéressant d’aller vers là. Les intestins c’est un gros bordel où on distingue rien. Sauf… quand y’a un problème. Distension intestinale, dilatation de caecum, péritonite… Du coup, c’est très important d’y jeter un coup d’œil.

Enfin, avant de ressortir, on met la paume vers le bas et ici, à 20-30 cm de la sortie, on y trouve l’appareil reproducteur. S’il est rempli d’un veau, on ne peut pas le rater. Ou enfin si, vers 6-7 mois, il plonge, l’absence d’utérus devient un signe de gestation.

Mais s’il est vide, il est tout petit et tient dans la main. L’utérus a une forme particulière, que nous autres poètes de vétos avons appelé « les fesses de bébé ». Les 2 cornes utérines sont quasi soudées, enroulées comme un guidon de vélo de course.

On peut pousser un peu en allant chercher les ovaires. Ça c’est un peu plus technique, ça demande beaucoup d’entrainement parce que parfois, les machins sont aussi gros qu’un grain de riz. Et puis si la vessie est pleine, elle nous fait bien chier…

Voila. On a à peu près fait le tour. On a pu regarder l’état de 6 ou 7 organes différents en l’espace de 10 secondes et ce avec beaucoup plus de précision que ton toubib. Quand même bien pratique, voire essentiel d’y mettre la main…

Ha ouais, pardon, j’ai dit « regarder ». Parce que les vétos ont tous cette représentation dans l’espace et un sens du touché tellement poussé qu’on dit qu’ils ont « des yeux au bouts des doigts » ou « qu’ils regardent avec leur mains »…

Alors bon c’est bien gentil tout ça, mais la vache alors ? Est-ce qu’elle douille pendant ce temps-là ? parce que bon MOI J’AIMERAIS PAS QU’ON ME FOUTE UN BRAS ENTIER DANS LE CUL !

Calme-toi, on y vient mais pour ça, il va falloir anthropomorphiser puis désanthropomorphiser…

1 : Mise à l’échelle.

Une vache, ça fait 600-700kg. D’accord ? Et toi ? tu fais combien ? Allez, on simplifie, 60kg. Soit 10% de la taille d’un bovin adulte. Donc en gros, quand moi je mets le bras dans la vache, c’est comme si ton médecin te faisait un examen de la prostate.

Et encore, j’exagère, parce que pour respecter les proportions il faudrait que ton médecin y mette le petit doigt. Or, on est d’accord, il y va franco avec son gros index… Enfin je crois, j’y ai pas encore eu le droit…

2 : Savoir qu’une vache n’est pas foutu comme un humain.

Et ouais. Le cucul d’une vavache, ça ressemble pas du tout, mais alors pas du tout au tiens. Et tout tient dans une seule phrase : une vache, ça passe son temps à chier…

Environ 10-15 fois par jour pour un total de 30-40kg de bouse. Autant te dire que le sphincter d’une vache, c'est très, très, très, très relâché… De plus, une bouse c’est rempli de flotte, genre 80%. Quand tu rentres dedans, c’est déjà tout lubrifié…

Bref, non, la palpation transrectale n’est pas douloureuse pour une vache. La plupart, après avoir eu un petit mouvement de flippe parce qu’elles ont senti le frottement de ma blouse derrière elles, continuent de bouffer ou de ruminer, pépouse.

Alors je sais bien, ça vous fait marrer. Ou ça vous perturbe. Mais c’est un acte plus que primordial et non douloureux pour la vache.

Et vous en faites pas, on fait pas vraiment ça par gaité de cœur. Surtout quand elles ont la chiasse…

La bise au chien !

Crédits photos :

- @Vetofocus_news
- Faculté de médecine vétérinaire, Université de Montréal
http://www.medvet.umontreal.ca/video/mediatheque/francais/ferme/reproducteur.htm