Pour occuper ces prochaines semaines sans dépasser les 10km réglementaires, je pars sur les traces des châteaux disparus (ou pas) du sud-est parisien (+ ou - le Val-de-Marne).

Mon outil principal pour les repérer sera la carte de Cassini de 1756 ( https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53095162g/)

Je commence par le point central de ce rayon : Choisy-le-Roi, construit en 1686 pour la Grande Mademoiselle, acheté par Louis XV en 1739 (d'où le nom de la ville) car proche de la forêt de Sénart où il allait chasser. Il fait réaliser de nombreux travaux par Jacques-Ange Gabriel.

Le château est démantelé apr la Révolution (le chemin de fer d'Orléans portant le coup de grâce en 1839). Les communs sont occupés par la faïencerie Boulenger jusqu'en 1936, avant de laisser place à la dalle de Choisy dans les années 60. Ne subsistent que les 2 pavillons d'entrée

Pour mettre en valeur ce patrimoine invisible mais essentiel pour l'identité de la commune, la @villedechoisy a mené de 2012 à 2017 un projet de collecte et de numérisation d'archives, permettant de proposer une reconstitution 3D du château à son apogée : https://www.choisyleroi.fr/visite-virtuelle.php

Le château d'Orly est construit dans les années 1710 pour Pierre-François Ogier, Grand Audiencier de France, peut-être par Robert de Cotte (du moins les plans et élévations du château sont conservés dans son fonds à la @laBnF). Innovation : le couloir central au 1er étage.

Il est détruit par un incendie avant 1810. Le château des Tourelles est construit à la place fin XIXe. En 1911-1922 le parc est loti par la société Bicoques-Jardins, qui voulait y créer un village coopératif sans immeuble, le château (détruit vers 1950) servant de partie commune.

Le principal vestige du château est la forme de son parc, qui correspond aux limites du lotissement, aujourd'hui coincé entre l'aéroport à l'ouest et les voies du RER à l'est. Un jardin a pris la place du château des Tourelles au cœur de la parcelle.

Tout près d'Orly, le château de Villeneuve-le-Roi est reconstruit en 1704 pour Claude Le Peletier. Il est acheté en 1758 par Louis XV (d'où, comme à Choisy, le nom de la ville), qui en démolit une partie et utilise les pierres pour clore le parc agrandi et aménagé en faisanderie.

Rien ne bouge jusqu'en 1898 : le propriétaire, aussi maire de la commune, décide de vendre le domaine de 104 hectares à la société foncière Ablon-Villeneuve-le-Roi qui y crée un lotissement, fait faillite et est rachetée en 1905 par la Société nouvelle du Parc de la Faisanderie.

L'aile restante du château est finalement détruite en 1908. La même année une église est construite au cœur du parc, qui en quelques années est devenu un nouveau village avec tous ses équipements. En 1910 le parc est noyé par la Seine, et en 1914 il est presque complètement loti.

Dernier vestige du domaine : plusieurs pans de la clôture du parc (faute de belles allées forestières) du côté du vieux bourg.

Bonus : le "Pavillon de bains de Mme de Pompadour", souvent photographié début XXe devant le lotissement en marche, et qui disparaît qlq années + tard.

Le château de @mairieivry est construit en 1690 par Claude Bosc, peu avant sa nomination comme prévôt des marchands de Paris. Marie-Adélaïde de Bourbon, mère de Louis-Philippe Ier, y meurt en 1821. Il est détruit avant 1840, mais subsistent l'orangerie et une partie des communs.

C'est à l'emplacement de son parc qu'est construit l'hospice des Incurables (actuel hôpital Charles Foix) par Théodore Labrouste entre 1865 et 1869.

Détail intéressant de la vue satellite : les fouilles de 2019, sous le château, dont on ne trouve aucune autre trace en ligne

À noter que le château d'Ivry n'a pas été construit dans le centre, près de l'église (qui dépendait du chapitre de ND), mais dans le faubourg St-Frambourg, + au sud, près de la grotte dans laquelle l'ermite éponyme se serait retiré au VIe siècle (d'où les fouilles archéologiques)

Le château de @BagnoletFR est construit et réaménagé pendant tout le XVIIe siècle. De 1719 à 1749 il appartient à Françoise-Marie de Bourbon, fille de Louis XIV et de Mme de Montespan, épouse du Régent. Elle ajoute notamment un péristyle côté cour et fait redessiner les jardins.

Vers 1720 elle fait construire le pavillon de l'Ermitage à l'extrémité ouest du parc, à la limite du bourg de Charonne. Il était à l'origine couvert d'un toit plat avec balustrade. C'est le dernier vestige du domaine, actuellement visible dans le jardin de l'Hospice-Debrousse.

En 1769 son petit-fils vend le domaine en le morcelant par lots pour s'acheter celui du Raincy. L'acheteur du château le fait détruire. En 1844 le parc est traversé par l'enceinte de Thiers, remplacée par des HBM dans les années 1930 et l'échangeur de la porte de Bagnolet en 1969

Icône disparue de l'histoire de l'architecture moderne : Le château de @VilleSaintMaur est commandé en 1541 au jeune Philibert Delorme par le cardinal du Bellay, ambassadeur du roi à Rome. De ce Palais du Té à la française, qu'il grave achevé, seule l'aile centrale est construite

En 1563, son cousin Eustache du Bellay l'échange à Catherine de Médicis. Elle charge Delorme de reprendre les travaux. À sa mort en 1570 il est remplacé par Jean Bullant. Le @britishmuseum conserve des dessins d'Androuet du Cerceau montrant un projet non réalisé avec 4 pavillons.

Le projet effectivement réalisé, bcp + grand, est celui que Du Cerceau grave en 1579 dans son second volume des Plus excellents bastiments de France. Charles IX y signe en 1568 l'Edit de Saint-Maur, interdisant le culte protestant. Il est inachevé à la mort de la reine en 1589.

Charlotte-Catherine de La Trémoille, princesse de Condé, l'achète en 1598 et le donne à son fils Henri II de Bourbon. Son fils, le Grand Condé, qui préfère Chantilly, accorde l'usufruit de St-Maur à son intendant Jean Hérault de Gourville en 1680, avec la condition de l'achever.

En 1697, Gourville restitue l'usufruit du château achevé à Louis III de Bourbon. L'aile commencée par Catherine de Médicis est détruite et remplacée par une terrasse, avec son symétrique de l'autre côté de la cour, et les pavillons sont effectivement bien terminés.

Si le château est attribué sans grande conviction à Daniel Gittard, architecte habituel des Condés, les jardins sont quant à eux dessinés par Le Nôtre et réalisés par son petit-neveu Claude Desgots (qui exécute également ceux de Bagnolet). Le XVIIIe est l'apogée du domaine.

À la Révolution, les Condés émigrent et le château leur est confisqué. Il est acquis en 1796 par l'entrepreneur Marx Berr, qui en revend tous les matériaux en un an avant de faire faillite. Le parc est rendu aux Condés à la Restauration, mais le duc d'Aumale s'en sépare en 1831.

En 1853 le parc est acheté par la Compagnie des chemins de fer de l'Est, qui relie la commune à la capitale à partir de 1859. Jusqu'au début du XXe siècle, tout le territoire communal va être loti. Enfin, en 1970, un transformateur EDF est construit à l'emplacement du château.

Outre le parc, en fait la quasi totalité de la boucle de la Marne appartenait aux Condés. Anticipant l'arrivée du chemin de fer, des entrepreneurs achètent les parcelles et créent des quartiers reprenant le nom des fermes ou leur propre nom (Adamville par Jacques-François Adam)

La terrasse (accueillant désormais le transfo EDF) et une galerie de l'important système d'adduction des fontaines (qui donnait également accès aux carrières de l'abbaye), derniers vestiges du château, sont visibles au fond du jardin de l'abbaye.

En 1701 avait été incorporé au domaine l'hôtel du Petit-Bourbon, construit à la fin du XVIIe pour le financier Renouard de La Touanne (qui commence le château de Champs-sur-Marne). Détruit en 1966 mais il reste les écuries et des éléments sculptés remontés sur une façade du bourg

Je termine pour Saint-Maur avec les restitutions 3D du château vers 1700 par Franck Devedjian et Hervé Grégoire.

L'article de Monique Kitaeff pour compléter sur l'architecture du château : https://www.persee.fr/doc/piot_1148-6023_1996_num_75_1_1358

Le château de Valenton est construit entre 1725 et 1740 pour Eusèbe-Jacques Chaspoux de Verneuil, introducteur des ambassadeurs. Quelques années plus tard, vers 1750-1760, un pavillon est élevé à l'extrémité du parc, peut-être d'après les plans de Pierre Contant d'Ivry.

En 1839 le parc est divisé en deux. Le château, qui se trouvait dans la partie haute, est en ruine. Il est reconstruit dans la 2e moitié du XIXe siècle. Les deux grosses tours en brique sont ajoutées vers 1925. Le château de la Tourelle est construit en 1885 dans la partie basse.

Ce n'est que dans les années 1950 que commence le lotissement du parc, la commune étant restée principalement rurale jusqu'à la 2e Guerre mondiale. De petits pavillons sont construits, en même temps que les tours de l'office HLM de l'autre côté du mur (à Villeneuve-St-Georges).

En 1982, la commune achète la partie non encore lotie du parc, et, trois ans plus tard, le château. En 2016 elle engage un grand projet (toujours en cours) de mise en valeur. Pour "ouvrir le parc sur la ville" elle fait détruire les communs, datant en partie du XVIIIe siècle.