21 novembre- 1er décembre 1831
Il y a 189 ans, les tisseurs de soie de la région lyonnaise se soulèvent. Une révolte restée dans le mémoire sous le nom de la révolte des canuts !

1)Bon je commence par une chanson, que vous connaissez peut-être, qui est postérieure à la révolte de 1831. Le chant des canuts, d’Aristide Bruant
(que mon papa me chantait enfant)

2)Qui sont donc ces « canuts » qui se soulèvent en 1831 ? et pourquoi. Bon déjà, si Bruant les appelle canuts, ils ne se désignaient pas eux-même ainsi en 1831 car Le terme était dépréciatif, il pointait la misère des ouvriers soyeux. Aussi, nous les appellerons «tisseurs».

3)Les tisseurs de soie à Lyon et sa région travaillaient à la pièce pour des négociants qui fixaient le prix de la pièce.
Ces négociants (on disait fabricants à l’époque, alors qu’ils ne fabriquaient rien, ou les « soyeux ») étaient des capitalistes marchands

4)Les pièces de soie étaient tissées dans des 100n de petits ateliers de canuts, récupérées et ensuite vendues (avec une groooosse marge) par les fabricants

5)Cette atomisation de la production industrielle dans une kyrielle de petits ateliers s’appelle la « proto-industrialisation » et c’était la norme en Fr à l’époque car c’était tout bénef pour les marchands-fabricants (à Lyon mais partout en Fr pour d’autres productions)

6)L’avantage pour les capitalistes-marchands : zéro investissement en terme de locaux et d’outillage (possédé par les chefs d’ateliers)
Une plus grande adaptation à la conjoncture : si elle baissait, ils n’achetaient plus les pièces de soie…

7)Et l’espoir que les résistances ouvrières seraient moindres du fait de la dispersion des travailleurs…. Sauf que…. Loupé les gars !!!!

8)Vous aurez noté que ce système de la « fabrique » ressemble de nos jours à l’ubérisation. Lors du mouvement de 2017 des délivroo, ils avaient eux même assumés la comparaison avec les canuts lyonnais

9)Les tisseurs de la Croix-Rousse, possédaient donc leurs ateliers, leurs outils et faisaient travailler femmes, enfants et qq salariés
15 à 18h par jours. car le seul moyen de gagner suffisamment pour vivre, c’était de produire bcp vu que le salaire était à la pièce

10)Vivant sur leur lieu de travail les canuts respiraient jour et nuit la poussière du tissu filé, d’où des maladies pulmonaires
Ils étaient surtout regroupés dans la commune de la Croix Rousse (non rattachée à Lyon alors) que Michelet appelle la colline qui travaille

11)Les conditions des canuts n’étaient pas faciles et soumises à la conjoncture. Et en 1831, la crise économique s’enlisait et la misère menaçait

12)Les canuts étaient un peu organisés, avec des mutuelles pour essayer de s’en sortir qd la demande était trop basse,
et un journal, l’Echo de la Fabrique

13)En octobre 1831, ils avaient élus des commissaires pour entamer des négociations avec les fabricants et le préfet et avaient obtenu que le préfet fixe le 1er novembre un tarif minimum du prix de la pièce.

14)Sauf que qq jours plus tard, les fabricants refusent d’appliquer le tarif et font pression sur le préfet…

15)Le 21 les ouvriers cessent donc le travail et descendent dans la rue. Une manifestation qui se veut pacifique, pour le respect des engagements

16)Mais les forces de l’ordre tirent.
D’autres fraternisent aussi, notamment la garde nationale de la Croix Rousse, composées pour bcp de tisseurs!

Reste que la répression enclenche la révolte

17)Les tisseurs alertent la population en criant : « Aux armes, on assassine nos frères. » On s’arme de piques, pioches, pelles et bâtons. Les ouvriers et ouvrières dévalent la Croix Rousse

18)Des barricades sont dressées et les ouvriers marchent sur Lyon, drapeau noir en tête
Un drapeau sur lequel est marqué la devise

La devise « Vivre libre en travaillant ou mourir en combattant ».

19)C’est l’une des 1ère apparitions du drapeau noir. Pourquoi ont-il choisi le noir? difficile de savoir

20)Le noir était la couleur du deuil (on venait de tirer sur les tisseurs). Il pouvait aussi évoquer la misère. Mais c’est aussi celui des pirates, de l’attaque. On n’a pas je crois de trace d’une décision d’adopter le noir

21)On a surtout des interprétations postérieures, mais qui ne donnent donc pas les motivations de ceux qui ont brandi les premiers drapeaux

22)Reste donc que c’est un drapeau noir, un slogan « vivre en travaillant ou mourir en combattant, désormais attachés à cette révolte
le drapeau noir deviendra celui de l'anarchiste plus tard, à la fin du 19e, not sous l'influence de Louise Michel qui le préféra au rouge

23)Revenons à Lyon en 1831
Les affrontements se multiplient, les victimes sont nombreuses. Une colonne militaire avec le préfet à sa tête tente d’investir la croix rousse

24)Face à cela, une seule réponse : Le travail ou la mort.

25)Le préfet est fait prisonnier par les tisseurs mais ils ne s’en prennent pas à sa vie, il sera relâché ainsi qu’un général (échangé lui contre un ouvrier arrêté par les autorités)

26)Le 21 novembre donc, seuls les tisseurs se révoltent. Mais le 22 les choses changent !!

27)Le 22 novembre, les tisseurs sont rejoints par des ouvriers d’autres métiers et quartiers : des centaines d’ouvriers de la Guillotière et des Brotteaux montent prêter main-forte à ceux de la Croix-Rousse

28)C’est pq on date de la révolte des canuts la naissance du Mouv ouv en F Parce que justement, une révolte au départ corporatiste a dépassé les frontières du corps de métiers et mobilisé toute la classe ouvrière
Bon anniversaire le mouvement ouvrier!

29)Les combats continuent toute la journée, les ouvriers parvenant à faire tomber l’un après l’autre les barrages des forces de l’ordre. L’octroi brûle, les casernes tombent
Femmes, enfants, tout le monde participe aux combats

30)Le 23 novembre, au terme de rudes combats (500 morts), les ouvrier-es se rendent maitres de la ville. Le préfet appelle en vain à la négociation. une affiche (rédigée la veille) est placardée dans la ville

31)Mais refus des tisseurs qui réclament une magistrature populaire émanant de comices et d’assemblées primaires.
le drapeau noir des canuts flotte sur l'Hotel de ville

32)on connaît moins la dimension politique de cette révolte. Elle pense aussi la démocratie directe
les ouvrier-es se luttaient contre un système économique mais également contre un système politique, contre la double exclusion politique et sociale qu’ils subissaient.