THREAD : les représentations de Dieu le Père dans l'iconographie

Quels sont les principes théologiques qui nous empêchent de représenter le Père dans l'iconographie, et de quelles manières particulières peut-il être représenté, ou pas du tout représenté ?

L’Église Orthodoxe enseigne que la représentation de Dieu est possible seulement grâce à l’Incarnation. Les icônes représentant le Père ne sont pas conformes aux enseignements de l’Église et des 7 Conciles Œcuméniques, puisque le Père ne S’est pas manifesté sous une forme visible

La plupart des chrétiens orthodoxes sont conscients de l'interdiction par l'Église de toute représentation de Dieu le Père. Le Synode de Moscou de 1667 a interdit canoniquement la représentation de Dieu le Père, bien que cette décision canonique n'ait pas toujours été respectée.

Le Christ s'est incarné et peut être représenté. Dans les icônes traditionnelles de la Transfiguration ou du Baptême du Seigneur, l’Esprit Saint S’est fait voir sous la forme d’une colombe et peut aussi être représenté.

La présence du Père nous est suggérée par la lumière qui entoure le Christ, par le ciel ouvert et, parfois, par une main descendue du Ciel et les mots qui ont résonné du Ciel à ces occasions, mais il n’y a pas d’image anthropomorphe du Père.

Néanmoins, le Christ est né d’un Père indescriptible et qui ne peut être représenté.

"Qui peut faire la reproduction du Dieu, invisible, incorporel, incernable, sans figure ? C'est le dernier degré de la démence et de l'impiété que figurer le divin." - Saint Jean Damascène

Cependant, nous représentons en permanence des êtres spirituels invisibles tels que le anges. L'hymnographie orthodoxe s'adresse régulièrement aux anges comme des "pouvoirs incorporels", attestant du fait qu'ils sont pur esprit. Néanmoins, nous les représentons sous forme humaine

Ainsi donc, l'interdiction de représenter le Père ne découle pas simplement de sa nature invisible. Au contraire, la raison est beaucoup plus théologiquement significative que la simple visibilité ou l'invisibilité.

Pour comprendre cela, il faut introduire le concept d'iconicité, qui est la capacité d'une chose à être imagée. La personne humaine par exemple a une iconicité. Tout au long de l'histoire, la forme humaine idéale a été peinte et sculptée de différentes manières.

Alors, quand nous parlons de Dieu ou spécifiquement de l'hypostase du Père, de quelle manière a-t-Il une iconicité? La théologie orthodoxe enseigne que l'iconicité du Père est réalisée par le Fils. La seule image du Père qui soit possible est l'hypostase même du Fils.

Pour le dire autrement, le Fils est l'image naturelle du Père, comme Jésus lui-même l'a dit à Philippe:

"Jésus lui dit: Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne m’as pas connu, Philippe!  Celui qui m’a vu a vu le Père; comment dis-tu: Montre-nous le Père ?" Jean 14:9

On peut dire alors que c'est la propriété du Père d'être iconisé seulement par son Fils et c'est la propriété du Fils d'iconiser le Père. L'iconicité du Père est entièrement et complètement réalisée par le Fils. Aucune autre image du Père ne peut exister à côté et en plus du Fils

Le Fils épuise entièrement et complètement en lui l'iconicité du Père. Ainsi donc, voir le Fils, c'est voir la seule icône possible du Père, et c'est pour cette raison qu'aucune icône artistique de l'hypostase du Père n'est possible, car cette icône est le Fils de Dieu lui-même.

Cependant, l'icône peut aussi revêtir un sens symbolique et pas seulement hypostatique. Par exemple, le Saint Esprit est symbolisé par une colombe (Luc 3:22). Le Saint-Esprit n'étant pas une colombe, ce n'est donc pas une icône hypostatique mais plutôt une icône symbolique.

Nous avons alors distingué deux types d'icônes: hypostatique/symbolique. La représentation angélique du Père dans l'icône de la Sainte Trinité de Rublev est de ce second type. Ce n'est pas une icône de l'hypostase du Père mais de l'idée du Père en utilisant l'ange comme symbole.

La représentation du Père comme vieillard n'est donc pas appropriée si elle est comprise comme une icône hypostatique, c'est-à-dire une image de l'hypostase du Père car l'hypostase du Père n'est représentée que par son Fils. L'idée du Père est représentée via le symbole de l'ange

L'idée du Père peut-elle être représentée comme un vieil homme? Le risque de confusion étant trop élevé (compréhension de cette icône comme hypostatique), de telles représentations sont réglementées comme non canoniques et interdites par le Synode de 1667 de Moscou.

La Bible elle-même, cependant, utilise l'image d'un vieil homme, comme dans la vision de Daniel.

Dans ce contexte, cependant, cette image ne renvoie pas à l'hypostase du Père, mais à un une idée, un symbole qui est celui de l'éternité de Dieu.

Par ailleurs, le synode de Moscou décrit cette vision comme étant celle du Fils et non du Père et proclame que les représentations du Père comme Ancien des Jours sont interdites (pour eviter ces confusions, qu'elles soient considérées comme image du Père.)

Il est donc possible de comprendre ces icônes du «vieil homme» comme étant des icônes de «l'Ancien des jours». L'autre titre que prennent les icônes du «vieil homme» est «Seigneur des armées», qui fait référence à la vision d'Ésaïe au chapitre 6.

Encore une fois, cette image dépeint l'idée de Dieu dans sa simplicité unifiée, pas dans sa pluralité hypostatique. L'essence unique de Dieu ne peut pas être représentée de manière directe, mais l'idée de celle-ci peut être dépeinte symboliquement.

Pour finir, les icônes qui représentent Dieu le Père en ne respectent pas ces canons sont apparues notamment sous l’influence de l’imagerie religieuse occidentale catholique, comme la représentation de la Sainte Trinité de Masaccio au début du XVe (il y en a des + anciennes.)

Une autre représentation de la Trinité s’inspire, notamment dans le placement des personnages, d’un autre type de représentation de la Trinité provenant de l’iconographie catholique, souvent associée au Couronnement de la Vierge.

Ainsi il existe certaines dérives qui ont infiltré l'iconographie orthodoxe mais elles puisent leur source dans le catholicisme. L'orthodoxie, contrairement au catholicisme s'est prononcé contre ces représentations en les interdisant ; interdiction pas toujours respectée...