J'ouvre ce #Thread-journal pour raconter, jour après jour, comment le #COVIDー19 a touché ma famille et va certainement modifier toute ma vie. Comment mes proches ont été contaminés, non pas dans un lieu public, mais entre eux, en se croyant protégé-es par les liens familiaux.👇
Tout a commencé le mardi 20 octobre, que je considérerai comme le jour J. Mon père commence à avoir de la fièvre. Il pense à un rhume.
J+1 : tjrs fiévreux (38°) et enrhumé. A distance (mes parents sont à Nice, pas moi), j'insiste pour qu'il passe le test.
J+3 : test à domicile
Mon père a 79 ans. Il est en bonne forme. Pour ma mère, ce serait + dramatique : elle a des pbs cardiaques, une valve aortique artificielle...
J+4 : le verdict tombe : POSITIF. Ma 1re réaction est de colère : combien de fois leur ai-je dit de porter le masque même en famille...
La colère cède vite le pas à l'inquiétude: ma mère commence à se sentir mal elle aussi ce soir... Elle appelle l'infirmier de mon père. RV demain matin.
J+5 : ma mère passe le test à son tour. Elle a peu de fièvre. Mon père continue d'être fiévreux. Il pense qu'il sera vite remis
Je l'alerte sur la possibilité d'une aggravation entre le 7e et le 10e jour à partir du début des symptômes, les enjoint à rester prudent-es.
J+6 : verdict pour ma mère : POSITIVE. Tout ce que je redoutais est en train d'arriver.
Le reste de la famille se fait tester :
ma tante, ma gd-mère, la jeune fille au pair... Toutes positives. On commence à comprendre : 4 jours avant les symptômes de mon père, la jeune fille qui loge chez ma gd-mère a appelé mon père plusieurs x en pleine nuit: ma gd-mère délirait, se levait pour aller aux wc, tombait...
Mon père et ma tante y sont allé-es. Sans masque. Mais personne n'a de symptômes... Je lirai + tard q pour les pers. âgées, des symptômes peuvent ê: "altération brutale de l'état gral ou des capacités mentales, confusion, chutes répétées". Pourquoi n'est-ce pas dit clairement?
Au final, la source de contamination est sûrement là : la jeune fille au pair, étudiante, a été contaminée à l'extérieur. Elle entrait chez ma gd-mère sans masque, sans se laver les mains. Asymptomatique, elle l'a contaminée, et on n'a pas su interpréter ses symptômes.
J+7 : la fièvre de mon père augmente. Il reste toute la journée au lit. Je sais que ça peut empirer à partir de maintenant, je suis inquiète. Je prends un billet de train pour Nice, fais ma réserve de masques FFP2. Ma mère ressent une grosse fatigue, mais pas de fièvre.
J+8 : mon père a 40°. Ma mère toujours pas de fièvre. Il continue de parler normalement au tél, ne tousse pas plus que d'habitude. Mes parents appellent SOS Médecin, leur docteure est en vacances. Ils ne se déplacent pas, ne font pas de visio : consultation au téléphone. RAS.
J+9 : mon père a toujours 40°. J'arrive à Nice dans l'après-midi. Je loge dans un petit appartement accolé au leur, une porte me sépare de la chambre de mon père. Je trouve qu'il tousse bcp. Je l'aperçois par la fenêtre, prostré sur le lit. Il assure qu'il respire normalement.
Dans la nuit, je l'entends tousser comme un dingue. Je sens qu'il a du mal à retrouver sa respiration. Je garde mon masque au lit, j'ai peur que le virus passe sous la porte. Je lui demande si je dois appeler le 15. "Non, je respire normalement !" Je ne le crois pas.
J+10 : 8h du matin, mon père tousse toujours bcp, je sens qu'il me ment, qu'il minimise son état, qu'il panique. J'appelle le 15. On me passe un docteur assez vite : "Est-ce qu'il est en train de haleter ?"
"Non, mais il ne respire clairement pas bien. Ca s'est vraiment aggravé"
Et là, réponse du docteur : "On ne vient pas pour ça, ce n'est pas une urgence".
"Mais il est à J+10 et je vous dis qu'il y a vraiment un problème".
"Vous n'avez qu'à appeler SOS médecin".
J'hallucine. Mon père a rv avec sa docteure, mais à son cabinet. Il y va en se traînant.
Elle prend sa saturation : 84% ! Une valeur de 90% et moins indique une hypoxémie. C'est donc une urgence absolue. Elle appelle le 15 à son tour. Réponse : "on a déjà eu un appel pour ce patient, il va très bien." Ils la mettent sur attente pendant 1/4 d'h !
Le médecin du 15 lui dit la même chose: ce patient va très bien. Elle explose: "Je suis son médecin et je vous demande d'envoyer une ambulance! Il doit aller tout de suite en réanimation!" Les ambulanciers arrivent, ne le mettent pas en fauteuil, il marche jusqu'à l'ambulance...
Ils ne l'emmènent pas en réanimation à l'hôpital L'Archet, mais aux urgences à l'hôpital Pasteur. Il reste 12 h sur un fauteuil... avant d'être transféré en réanimation à L'Archet !

J+11 : sous cortisone, oxygène à haut débit. Il nous parle normalement, il n'a plus de fièvre
Je vais à l'hôpital lui laisser le chargeur de son portable. Un interne m'explique longuement la gravité de son état: pronostic vital engagé. Les mots me frappent de plein fouet. L'interne prend le tps de répondre à mes questions, je sens 1 immense gratitude et 1 immense désarroi
Je décide de cacher cette information à ma mère pour l'instant. A J+8, son état à elle peut s'aggraver. Mais la docteure l'ausculte : tout va bien.

J+12 et 13 : j'appelle la réa 2x par jour. Mon père aussi nous appelle. Sa voix est claire. Mais il passe de 70% d'oxygène à 80%.
Je préviens ma mère qu'une intubation est possible, que la situation est critique. Elle se sent défaillir.

J+14 : pas de coup de fil de mon père ce matin, alors qu'il appelait tous les matins. Je n'arrive pas à avoir la réa. Je crains le pire. A midi, je comprends: on l'a intubé
L'interne dit: "ça ne veut pas dire que c'est la fin" et je n'entends que "c'est la fin"
Le soir, il est mis sur le ventre. Il restera 16h ainsi. Il faut attendre. Ce sera la phrase revenant en boucle: attendre. Etre patiente. Se réjouir, mais pas trop. Désespérer, mais pas trop.
J+15 : mon père a été remis sur le dos, la dose d'oxygène diminuée. On le sort du coma pour voir s'il répond à des ordres simples: tirer la langue, lever un doigt. Il y arrive.
1re sortie dans le quartier avec ma mère (à J+12)

J+16 : mon père a été extubé ! Oxygène au maximum.
On ne peut s'empêcher de souffler. Mais tout peut arriver : infection, dégradation... Ne jamais se réjouir tout à fait... Attendre encore...
2e balade avec ma mère, plus longue.

J+17 : mon père appelle ! On n'arrive pas à y croire. Il dit : "j'ai le covid, je suis à l'hôpital !"
Il est totalement désorienté, ne se souvient de rien, ne comprend pas ce qu'il fait là. La réa me dit que c'est normal. Toujours sous oxygène à haut débit. Mais on ne peut pas se réjouir : risques d'infection, de dégradation. Il faut attendre... Pronostic vital toujours engagé...
J+18 : mon père veut que je passe récupérer son porte-feuille. J'y vais et... on me fait entrer dans sa chambre! Il est considéré comme négatif. Je ne fais que répéter: "papa, ça me fait tellement plaisir!" Il est épuisé. L'interne: "il n'y a que du bon depuis qu'il a été intubé"
Comment ne pas se réjouir? Ne pas se dire: le pire est derrière nous? Je le prends en photo, il sourit, j’envoie la photo à la famille, on pousse un ouf de soulagement. Mais les paroles de l’interne résonnent : "tant qu’il est en réanimation, il n’est pas tiré d’affaire".
Ainsi, je comprends que c’est cela, le point de basculement : le jour où il sortira de réanimation. Pour l’instant, on en est loin. Se réjouir, mais pas trop… Encore attendre…
Mon père m’a dit: "Je suis comme 1 roi ici, il n’y a que moi, et tout le monde ne s’occupe que de moi"
Il ne réalise pas que c’est juste parce qu’il est seul dans une grande chambre. Mais que le service est plein de malades du covid comme lui. Le personnel médical se démène pour le sauver, comme il se démène pour en sauver d'autres. Bcp d'autres. Des intubations tous les jours...
J+ 19 et 20 : l’infirmier n’arrive pas à faire baisser la dose d’oxygène. Mon père supporte, les signes cliniques sont bons, la saturation est à 93%, mais ils jouent au yo-yo. Peut-il être réintubé ? "On n’hésitera pas à le faire s’il le faut". Se réjouir, mais pas trop...
Ma mère écrit à mon père -qui lit ses mails, répond au téléphone- et lui explique ce par quoi il est passé depuis 20 jours. Mon père répond: "je vous aime". Puis: "tu te trompes, je n'ai pas été intubé". Il ne sait plus si c'est la nuit ou le matin. C'est normal. Encore attendre.
Tous ces jours, je suis allée voir ma grand-mère (102 ans) presque tous les jours. Faire ses courses, la rassurer. Elle est désorientée : tous ceux qui viennent la voir d'habitude en sont empêchés : mon père, ma tante. Elle reste au lit, gémit. "Aidez-moi..." On s'organise avec
ma sœur, venue très vite en renfort, et mon oncle (complotiste), qui accepte enfin de se faire tester (négatif). Elle reprend pied peu à peu. Comprend qu'elle a eu "le virus". Que mon père aussi. Puis qu'elle est guérie. Analyses parfaites. Elle nous enterrera tous...
Ma tante (75 ans) est restée seule pendant 2 semaines. Asymptomatique mais très fatiguée. Je l'ai appelée ts les jours. A J+14 pour elle, j'ai fait comme avec ma mère: un petit tour du quartier. Elle a marché presque 800 m. Soulagement. Aujourd'hui elle va voir ma grand-mère.
J+21. Mon père n'a pas appelé ce matin. Depuis hier soir j'ai cet horrible pressentiment que son état s'est aggravé et qu'il a été réintubé. À la réa on m'a toujours conseillé d'appeler après 10h pour avoir des nouvelles. Une demi-heure à attendre. Encore attendre...
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