Le "Michel Berthier" qui ment à sa femme et à ses enfants sur la perte de son emploi, je l'ai connu: c'était mon père....pas au point de se retrouver SDF mais il y a quand même perdu sa femme https://twitter.com/Gerard_Jugnot_/status/1325485704378544133

Par excès d'orgueil, d'ambition ou par fierté, ayant d'excellents résultats en tant que commercial, il s'est cru en position de force pour s'opposer à son responsable et était convaincu que les grands chefs allaient trancher en sa faveur... raté.

Il faut dire que c'est un pari risqué quand on est le père de 3 enfants dont le dernier n'a que quelques mois.

Que c'est un pari insensé quand on vient de diagnostiquer un cancer du sein à votre femme....

Ça a pourtant été son pari manqué par péché d'orgueil.

S'en est suivi les mensonges à maman, les faux-semblants.

L'argent qu'il récupère chez ses parents pour subvenir à nos besoins et maintenir les illusions....

Illusions perdues puisqu'à peine revenue de chimio, maman voit débarquer les huissiers.

Il endosse alors son plus beau costume, celui de beau parleur, de bonimenteur, avec des boni, menteur.

Elle y croit ou fait mine d'y croire, parce qu'elle a un autre combat à mener

Mais on sent qu'elle est blessée, amputée de sa confiance en lui, mais aussi amputée de sa confiance en elle depuis qu'on lui a enlevé ce foutu sein .

Elle ne veut pas voir la vérité mutilée en face comme elle ne voulait plus voir son corps mutilé dans les miroirs

Elle a pourtant des raisons de se battre car il y a nous, ma soeur aînée qui est aux premières loges de tout, la confidente et la témoin des larmes maternelles, il y a moi qui refuse de voir tout ça et il y a surtout notre petit frère qui a à peine deux ans

Mais elle s'épuise à mener ces deux combats de front, seule face à ses peurs et un démon du mensonge paternel.

Et petit à petit, elle cède du terrain.

Elle dort de + en + comme si elle ne trouvait la sérénité que dans le sommeil.

On s'habitue à son absence malgré sa présence.

Et ils finissent par devenir complices de mensonge, car ils savaient que la maladie avait gagné mais ils ne nous l'ont jamais dit.

Nous sommes partis en vacances d'été dans la Nièvre et nous y passions de bonnes vacances emplies de l'insouciance des enfants.

Jusqu'au jour où l'ambulance est venue la chercher. Je n'avais pas prêté attention au fait que mes grands parents maternels étaient venus de Normandie nous rejoindre.

Je suis allé la voir à l'hôpital et je n'avais rien remarqué de sa maigreur mais du haut de mes 12 ans

Ce que je n'oublierai jamais, c'est la façon dont elle m'a serré dans ses bras et dont elle m'a embrassé. Elle savait qu'elle me voyait pour la dernière fois. Moi pas. Si j'avais su, j'aurais voulu retenir le temps, graver à jamais en moi son sourire, son regard, son odeur

Et elle est partie. Je n'oublierai jamais ni les larmes ni les cris de mes grands-parents maternels.

Je n'ai jamais voulu aller la voir morte, je crois que je n'aurais pas eu la force de voir mon grand-père se mettre à genoux et la supplier de se réveiller.

Et nous n'avons rien dit à mon petit frère....par lâcheté....par facilité car avec les chimios, il s'était habitué à ses absences.

Ce mensonge nous est revenu en pleine face quand, en rentrant de l'école, du haut de ses trois ans et demi, il nous a dit:

"moi, je sais où elle est maman: elle est morte et on l'a mise dans une boîte"

Putain de claque !!! Qu'est-ce-qu'on a pleuré ....
Et on a redoubler d'amour pour lui.

Les mensonges paternels ont pourtant continués...il fuyait un peu la maison et tout reposait sur les frêles épaules de 14 ans de ma sœur qui subissait aussi la bêtise dont un garçon de 12 ans comme moi peut faire montre.

Il a continué à nous raconter de belles histoires, de l'achat d'une belle voiture de sport rouge qui s'est révélée être en SKODA (en 1987, SKODA est très marquée bloc de l'Est ).

Mais les huissiers ont continué à venir et c'était surtout ma soeur qui gérait.

Peu de temps après le décès de maman, c'est notre chienne qui est partie : elle était tellement malheureuse depuis le départ de maman qu'elle s'est laissée mourir de faim, malgré le temps que j'ai passé, en pleurs, à ses genoux à la supplier de manger.

Il nous a offert un nouveau chien mais ça n'a pas atténué ses mensonges et nous avons grandi avec cette peur des huissiers, ses promesses fantaisistes et les déceptions qui en suivaient.

Il a refait plusieurs fois sa vie, et chacune de ses amies a eu droit à son lot de mensonges

Car, en dépit de beaucoup de qualités, je crois que, par sa faute, il n'a jamais eu une vie à la hauteur de celle qu'il ambitionnait et il a toujours caché ses échecs et "vendu" une réalité augmentée.

Voilà pourquoi le film "Une époque formidable" a une résonance pour moi.

Parce qu'il me rappelle une période pas très facile de ma vie, de nos vies.

Mais surtout, parce que le jeune adulte que j'étais a compris beaucoup de choses en voyant ce film et qu'il m'a permis de grandir.

C'est en voyant cette quête perdue d'avance, de Berthier comme de mon père, à vouloir paraître le meilleur que j'ai compris qu'on ne gagné rien à vouloir être le meilleur, il faut juste essayer, chaque jour, d'être une meilleure personne.

Et n'oubliez jamais d'aimer vos proches et de leur dire comme au premier jour, comme si c'était le dernier

Fin du thread de George Clown-triste ce soir et encore merci à @Gerard_Jugnot_ pour ce merveilleux film et d'en avoir rappelé le souvenir aujourd'hui