Comment expliquer cette multiplication des signalements à la suite d'un attentat ? Et est-il judicieux de mettre ça, avant tout, sur le compte de "l'émotion" ?

On va essayer d'apporter des éléments de réponse. https://twitter.com/rachidowsky13/status/1324771040053104641
Il y a un an j'écrivais ça suite à un discours de Macron dans lequel il appelait de ses vœux une "société de la vigilance". https://twitter.com/sociodeter/status/1183432156925890560?s=19
Malheureusement, ce constat s'est vérifié tout au long de la semaine avec la multiplication des articles de presse rapportant le signalement d'élèves par des enseignants ou des personnels de direction en raison du comportement de ces élèves lors de l'hommage à S. Paty.
Alors est-ce l'émotion ou les injonctions politiques au signalement et le discours médiatique islamophobe et sécuritaire ayant précédés la rentrée qui sont responsables de ce "pic" de signalements ?
D'abord, il faut dire que ce "pic" de signalement s'inscrit dans un contexte long remontant, au moins, aux attentats de Charlie Hebdo. Extrait d'un entretien avec une référente radicalisation d'une académie de l'IDF :
Pour certains personnels de l'educ nat, la défense de la sécurité nationale (qui passe, dans leurs cas, par le signalement) devient une priorité et fait passer au second plan des considérations éthiques et politiques contre la délation.
Or, c'est précisément ce discours "les professeurs sont le premier rempart contre la radicalisation, les défenseurs de la sécurité nationale" que nous ont servi les médias et J-M Blanquer pendant toute la durée des vacances pour préparer le rentrée et l'hommage à S. Paty.
Ensuite, il y a évidemment un facteur conjoncturel, qu'on pourrait appeler "l'effet attentat". On se rapproche un peu d'un effet "émotion".

Extrait d'entretien avec un autre "référent radicalisation" :
Pour autant, dans mon mémoire, je montrais que cet "effet attentat" restait très largement sans effet (justement) sur le nombre de signalements lorsqu'il ne s'accompagne pas d'une "stimulation de la vigilance" (c'est à dire d'une injonction à signaler) par la hiérarchie.
Pour objectiver cela, j'avais comparé le nombre de signalements entre différentes académies en fonction des consignes transmises aux personnels par les rectorats et les référents radicalisation (consignes pouvant justement être très différentes d'une académie à l'autre).
Ce serait donc avant tout "la stimulation de la vigilance" qui serait responsable des "pics" de signalements. Or, comme l'écrivent Chateauraynaud et Torny, la figure limite de la vigilance est "l'inquiétude maladive" ou "la névrose obsessionnelle".
Celle qui peut "porter à voir des dangers dans chaque situation".

Une vigilance finalement assez proche de cette "organisation concertée de toutes les petites peurs, de toutes les petites angoisses qui font de nous des micro-fascistes", dont parlait Deleuze.
On retombe finalement sur cette question de l'émotion. Sauf qu'il ne s'agit pas de la colère (déresponsabilisante) dont parlait Rachid mais d'une peur fondamentalement raciste (seuls les élèves racisés sont soumis à cette vigilance) et organisée par le ministère et les médias.
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