1/ Quelques réflexions – mesurées, je l’espère – sur ce reconfinement à venir.

On pose souvent le débat en termes de bénéfices sanitaires versus contraintes économiques (ou sociales).
2/ Je me place moi-même sur ce terrain quand je dis que les confinements détruisent, de toute évidence, beaucoup plus d’années de vie qu’ils n’en sauvent : cancers non-traités, maladies dues à la sédentarité, petits vieux qui meurent de chagrin, dépressions, suicides ...
3/ ... précarité économique qui réduit drastiquement l’espérance de vie, etc.

Sans compter ce à quoi personne ne pense : la recherche médicale qui prend des années de retard, par exemple, ces traitements qui auraient été découverts et ne le seront pas.
4/ Ce qui est intéressant avec ce faux confinement qui semble s’annoncer, où on pourra s’entasser dans le RER, aller à l’école, etc., c’est qu’il est difficile d’imaginer qu’il pourra avoir le moindre bénéfice en termes de santé publique ...
5/ ... (comme le couvre-feu, absurdité qui fait s’entasser les gens dans des rames encore plus bondées à 20h30). C’est de la gesticulation.

Mais cette gesticulation est gravissime dans ses principes. Pourquoi ?
6/ Parce qu’elle présume que le gouvernement a le droit de vous dicter, jour après jour, ce que vous pouvez ou ne pouvez pas faire en termes d’allers et venues.

Or, ma liberté d'aller et venir ne m’a pas été donnée par l’Etat. Les autorités n’en disposent donc pas à leur guise.
7/ Certes, je conçois que des restrictions, exceptionnelles et très strictement proportionnées, puissent être apportées au nom de l’intérêt général, du bien commun.
8/ On peut, en justice, imposer à un lépreux de rester dans une léproserie. On peut forcer la population à rester calfeutrée chez elle lorsque les avions ennemis rôdent la nuit, prêts à larguer leurs bombes sur toute trace de vie.
9/ Où tracer la ligne est bien sûr une question difficile. Mais il est évident que mettre un peuple entier aux arrêts de rigueur (chose que l’on n’avait jamais faite pendant des guerres mondiales ou des épidémies de peste) parce qu’un virus circule est d’une disproportion inouïe.
10/ La covid tuera à peu près dans les mêmes proportions que la grippe de Hong Kong de 1968, dont vous n’avez jamais entendu parler, ou que la canicule de 2019 : quelques dizaines de milliers de personnes, dans leur immense majorité déjà extrêmement fragilisées.
11/ (Il meurt, on l’oublie, environ 600 000 personnes/an en France. Or elles meurent toutes de quelque chose, et la plupart aurait pu vivre plus longtemps).

L’état d’urgence a été reconduit jusqu’en février. Un an d’exception ça n’est plus l’exception, c’est la (nouvelle) règle.
12/ Le gouvernement considère donc qu’il a le droit, de manière habituelle, de décider si vous pouvez sortir pour aller chez le coiffeur, chez belle-maman, pour promener votre chien, pour acheter des tampons hygiéniques (« première nécessité » ou pas ? Le flic décidera) ...
13/ ... pour aller vous marier ou enterrer vos morts, pour aller méditer ou prier – ou parce que l’envie vous prend. Le degré d’immixtion dans l’intimité des gens est hallucinant, d’essence totalitaire. Ou pire : aucun tyran n'est jamais allé aussi loin dans le contrôle des gens.
14/ En mars, c’était code rouge. Sans grande raison. Ce soir, ce sera sans doute code orange. Sans raison aucune.

Mais le problème est plus pernicieux que ce « sans raison », sur lequel il pourrait y avoir des désaccords entre personnes raisonnables. Il est sur le principe.
15/ En juillet, c’était vert pour aller en vacances. En décembre, ce sera vert car il est politiquement impossible d’encager les gens à Noël : ce serait la révolution.

Donc Jupiter vous donnera le feu vert. Vous pourrez vous déplacer à Noël *parce que Jupiter le veut bien*.
16/ Ce qui est gravissime, c’est le monde vers lequel cela nous fait nous diriger : un monde où, si vous pouvez aller où vous voulez, c’est uniquement parce qu’il y aura un QR code vert sur votre smartphone (code qui pourrait à tout moment virer à l’orange ou au rouge).
17/ D’ailleurs, il ne sera pas complètement vert. Attendez-vous par exemple à ce que les manifestations de gilets jaunes, etc. soient interdites sine die.

Pour votre sécurité, bien sûr : toujours pour votre sécurité.
18/ Chaque personne qui accepte cette situation sans réagir se rend complice de ce basculement de civilisation dont Orwell n’aurait pas rêvé : l’appli du gouvernement sur votre téléphone vous informant en temps réel de si vous avez le droit d’être à 1km, 5km, 100km de chez vous…
19/ ... ou bien « aujourd’hui pas de limites, amusez-vous car Jupiter est bon ». (La police, bien évidemment, pourra à tout moment vous arrêter pour vérifier la longueur de votre laisse – autant que le contenu de vos courses ou la réalité de votre relation avec bonne-maman.)
20/ Nous sommes en train de marcher les yeux fermés, dans une indifférence quasi-générale produite par des peurs irrationnelles, vers une société dystopique.

Encore une fois ce qui compte ce n’est pas tant (ou pas seulement) la nature des restrictions décidées jour après jour…
21/ ... selon le bon vouloir de Jupiter, c’est leur principe même : le fait qu’il faille consulter la couleur de son code QR avant chaque sortie, ne serait-ce que pour vérifier qu’il est encore vert.
22/ Le gouvernement vous habitue à l’idée que vous n’aurez le droit de sortir que *si* il le veut bien et *dans la mesure* où il le veut bien, et cela (la chose devient évidente) ad vitam aeternam.

Oui, le code repassera au vert. Mais ce sera toujours une permission de sortie.
23/ RIEN ne justifie un tel basculement civilisationnel vers le cauchemar totalitaire que nos dirigeants (peut-être de bonne foi : je n’en sais rien, je m’en fous, ça n'a pas d'importance) nous préparent. Dans, pour l'instant, le silence complice de la majorité de la population…
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