Si vous pensez que la manière dont le gouvernement tente de gérer les musulmans est nouvelle, petit rappel historique sur la gestion républicaine du culte islamique:
Tout d’abord un fait historique majeur, indiscutable et pourtant peu discuté: l’Etat français gouverne des musulmans depuis le XIXe siècle sans interruptions. Au Maghreb, en Afrique de l’Ouest, à la Réunion, aux Comores, au Levant, j’en passe et des meilleures.
Le problème des rapports entre l’Islam et la République n’est donc pas nouveau, bien qu’on le décrive parfois comme apparu seulement avec l’immigration depuis les années 60.

C’est faux. Même en métropole, il y a depuis l’entre-deux-guerres une présence importante de musulmans.
Pour généraliser, la République a souvent considéré que l’islam était un fait social majeur des territoires qu’elle gouvernait, et qu’il fallait donc s’en servir pour gouverner.

Premier exemple: en 1798, Bonaparte arrive en Egypte au nom de la Première République, et dit ceci:
'Au nom du Dieu clément et miséricordieux !

Il n’y a point d’autre Dieu que Dieu et il n’a ni fils, ni associé dans son empire.

De la part de la nation française, fondée sur la liberté et l’égalité...'

https://fr.wikisource.org/wiki/D%C3%A9claration_du_g%C3%A9n%C3%A9ral_Bonaparte_au_peuple_%C3%A9gyptien
On voit ici une volonté d'utiliser volontiers un langage religieux pour se concilier la population locale (Dieu n'a pas de fils, ça peut surprendre pour un pays de tradition chrétienne comme on dit aujourd'hui, mais les années révolutionnaires sont décidément chaudes)
Mais comment maîtriser une population musulmane?

Cela passe, le plus souvent, par un contrôle étroit du culte: la République a formé, employé, et rémunéré les imams, appliqué la shari'a, et contrôlé le contenu des khutbas (le prêche du vendredi).
Pourquoi? On considère que les musulmans ne sont pas prêts à séparer l'Eglise de l'Etat. L'enjeu est avant tout sécuritaire. Le pouvoir colonial craint les organisations où les musulmans pourraient se rencontrer en dehors de son regard, notamment les mosquées et les zaouïas.
Ce mode d'intervention est différent de celui de la laïcité, où le but est que l'Etat ne contrôle pas le culte des catholiques, protestants et israélites.

On dit à l'époque que l'islam pose des problèmes spécifiques: pas hiérarchique (Cathos), pas minoritaire (juifs)
Cette exception est donc assumée à l'époque coloniale, car on considère que l'islam joue un rôle particulier dans les sociétés musulmanes, et qu'il faut le contrôler pour régner.

Et ça ne disparaît pas avec la décolonisation
À Mayotte, par exemple, département à majorité musulmane, le droit islamique a été rendu par la République jusqu'en 2011 sur certains sujets. Les cadis (juges musulmans), si je comprends bien, continuent à travailler pour l'administration locale https://journals.openedition.org/rdr/329 
Pourtant, il ne faut pas aller trop vite: l'islam n'est pas la seule exception à la loi de 1905. Le cas de l'Alsace-Lorraine ou de la Guyane fait rarement polémique, alors qu'il y a là aussi des spécificités historiques qui font qu'il n'y a pas séparation des églises et de l'Etat
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