[THREAD 32] #1jour1Hitchcock
"Lifeboat" (1944)

Un paquebot américain vient de se faire torpiller par un sous-marin allemand. 8 survivants se retrouvent dans un canot de sauvetage. Ils en repêchent un neuvième, qui s’avère être un membre du sous-marin allemand.

"Lifeboat" compte parmi les films qu’Hitchcock a réalisé par simple défi technique. Situer un film entier dans un canot de sauvetage, il n’y avait que lui pour l’imaginer.

Selznick n’étant pas intéressé, Hitchcock se tourne vers la Fox et demande à l’écrivain John Steinbeck ("Les raisins de la colère") de rédiger le traitement.
Les deux hommes ne tomberont pas d’accord sur l’histoire et Steinbeck intentera un procès en plagiat.

Au casting, une seule star : Tallulha Bankhead joue une journaliste, dont les manières, la diction et le manteau de fourrure tranchent avec les autres personnages.

Car à bord du canot, tous les personnages représentent une frange de la société. Une infirmière, une mère et son bébé mort, un marin noir...

Le tournage démarre alors que l’organisme américain de propagande émet les plus grandes reserves sur le scénario. Pour lui, les Américains sont tous plus détestables les uns que les autres et le seul héros est l’Allemand. Inacceptable !
La Fox passe outre.

Hitchcock fait construire une immense cuve dans un studio pour y placer le canot. Une machinerie le fait tanguer, des ventilateurs soufflent en permanence et des jets projettent de l’eau.

Des conditions éprouvantes pour les acteurs. Certains souffrent de mal de mer, d’autres tombent malades.
En plus, l’ambiance entre eux est exécrable.

À l’actrice Mary Anderson qui lui demande quel est son meilleur profil, Hitchcock répond « ma chère, vous êtes assise dessus ».

Pour appuyer son envie de réalisme, Hitchcock a recours à deux procédés. Le premier est de se passer de toute musique extradiégétique. Ainsi, à part pendant les génériques, aucune musique ne se fait entendre. Uniquement le bruit des vagues.

Ensuite, Hitchcock fait du public le 10ème passager. Jamais la caméra ne quitte le canot. Tout n’est que gros plans, comme si le spectateur y était.
Même pendant la scène de la tempête. A aucun moment le canot n’est montré en plan large, seul dans l’océan.

Le même procédé sera utilisé pour "Fenêtre sur cour" : la caméra ne quittera (presque) jamais l’appartement du héros.

À sa sortie, les critiques torpillent le film, n’y voyant que l’exaltation en tant que surhomme du personnage du nazi. Steinbeck demande, en vain, que son nom soit retiré de l’affiche, ne reconnaissant pas ce qu’il avait imaginé.

"Lifeboat" sera nommé 3 fois aux Oscar, mais n’en obtiendra aucun : meilleur réalisateur, meilleure photographie noir & blanc et meilleur scénario (pour Steinbeck, ironiquement).

Cameo :
Un temps envisagée, l’apparition d’Hitchcock en tant que cadavre flottant sur l’eau est abandonnée.
À la place, il a l’idée de génie d’apparaître en photo sur un journal, pour une publicité vantant les mérites de pilules amincissantes.

Il conservera quand même son idée première dans son esprit et se mettra en scène flottant sur l’eau 30 ans plus tard dans la bande-annonce de "Frenzy".

Verdict :
Chef d’œuvre
Indispensable
À voir
Oubliable