Vous êtes plusieurs à m'avoir demandé, suite à mon tweet, comment on réagit en tant que psy, devant quelqu'un qui tient un discours complotiste et si on essaye de le ou la raisonner. Je crois que ce n'est pas mon rôle de juger le discours ou les croyances de

mes patient.e.s parce que cela voudrait dire que j'érigerais mon opinion en norme. J'interviens très concrètement quand je sens que le discours en question met directement la vie de quelqu'un.e en danger. Par exemple, si un.e patient.e me dit que comme le covid n'existe pas iel

va rouler des pelles à toutes les personnes PCR+ puis aller passer toutes ses journées dans une maison de retraite, là je vais intervenir très concrètement. Apporter des études scientifiques, essayer d'expliquer, etc. Mais mon rôle à moi c'est surtout de comprendre à quoi les

croyances et/ou les théories servent à la personne. Ce qui vient faire écho chez lui ou elle. Mon rôle c'est d'aider la personne à comprendre comment ses opinions se forment et ce qu'elles disent de lui ou elle. Si on prend la personne qui me parlait des théories de Qanon, plutôt

que de tenter de la convaincre que Clinton n'est pas sataniste ni Obama pédophile, j'ai cherché à savoir pourquoi elle pensait que c'était plausible, quelle peur cela venait conforter chez elle. Il s'avère que cette personne a un historique avec les figures d'autorité qui

ont été plutôt du côté de l'agression que de la protection et en creusant, elle m'a dit qu'elle trouvait du réconfort dans ces théories parce que cela véhiculait l'idée que ce qui était caché finissait par se savoir, que même les puissants pouvaient voir leur secret éventés. Mon

rôle de psy ce n'est pas de juger ce qu'une personne pense mais ça a été ici de lui permettre de dire : cette théorie fait écho à mon trauma, elle me rassure parce qu'elle recèle la possibilité qu'un jour la vérité éclate, que les puissants soient dénoncés et les victimes crues.

Et ça, ça ouvre des portes bien plus intéressantes pour entendre où ces théories s'accrochent chez les gens et comment aborder le lieu de leur souffrance.