Pour sortir un peu de l’actualité morose, petit détour ce week-end sur les routes ensoleillées du Languedoc. Pendant 13 ans, un jeune acteur inconnu allait se former sur les scènes de la région. Plus tard, il deviendrait l'un des symboles de la France : Molière !
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2/ Juin 1643. Jean-Baptiste Poquelin a 21 ans. Issu d’une famille de marchands parisiens, passé par le prestigieux collège de Clermont, il semblait destiné à prendre la suite de son père ou à devenir avocat. Mais le jeune homme a une autre ambition et une passion : le théâtre.

3/ Avec un groupe d’amis, dont Madeleine Béjart, il signe le contrat d’association de sa troupe, l’Illustre Théâtre. Celui qui se fait désormais appeler Molière connaît toutefois des débuts difficiles. La concurrence à Paris est vive, avec deux troupe permanentes bien établies.

4/ L’Illustre Théâtre doit déménager pour trouver une salle adéquate. Mais les recettes sont insuffisantes et ne couvrent pas les coûts de location et les frais d’aménagement. La situation financière est dramatique.

5/ Poursuivi par ses créanciers, Molière est emprisonné quelques jours au Châtelet. Une fois libre grâce à l’aide de son père, Molière décide de quitter Paris à l’automne 1645 et de tenter sa chance en province avec les rescapés de la troupe.

6/ Molière va alors sillonner le royaume, notamment la Bourgogne, la vallée du Rhône, l'Isère, la Bretagne et surtout le sud-ouest, menant une vie itinérante à la recherche de publics et de protecteurs.

7/ Accueillis par la troupe de Charles Dufresne, les comédiens se produisent notamment à Agen, Toulouse, Albi, Carcassonne, Montpellier, Bordeaux, Narbonne, Béziers et Avignon. C’est en Languedoc qu’ils passent le plus de temps entre 1645 et 1658.

8/ Sorti des guerres religieuses et de la main de fer de Richelieu, le Languedoc baroque, dévot et libertin, vit au milieu du 17e siècle un temps fort de son histoire. Le foisonnement urbain y est remarquable, avec plusieurs cités rayonnantes.

9/ Toulouse et Montpellier sont alors les villes les plus importantes. C’est pourtant dans le bourg plus modeste de Pézenas que le destin de Molière va se jouer. D’abord, en octobre 1650, à l’occasion des états de Languedoc, sorte de "conseil régional" d’alors.

10/ Réunissant des représentants du clergé, de la noblesse et de certaines villes, cette assemblée y tient une session annuelle qui dure plusieurs mois, avec une succession de fêtes, festins, spectacles et concerts. Une aubaine pour les comédiens en recherche de scènes.

10/ Grâce à la protection du puissant comte d’Aubijoux, alors lieutenant-général du royaume pour le Haut-Languedoc et homme de faste, Molière et ses amis s’y produisent pour la première fois.

11/ Trois ans plus ans tard, en 1653, alors que la Fronde s’achève, Armand de Bourbon arrive en Languedoc. Prince de Conti, il est le troisième personnage du royaume après le jeune roi Louis XIV et son frère aîné, le Grand Condé.

12/ Conti vient d’hériter de riches terres dans le Vexin mais aussi de propriétés languedociennes, dont un domaine à Pézenas, la Grange des Prés, appartenant autrefois au connétable de Montmorency.

13/ Accompagné de nombreux serviteurs, Conti ambitionne d’y constituer une véritable cour. Grand seigneur libertin, il fait alors appel à la troupe de Molière dont la réputation dans la région est désormais faite.

14/ Satisfait des premières représentations, il s’attache le groupe de comédiens en leur offrant des revenus pérennes. Pendant trois ans, la troupe va suivre les déplacements du prince à travers la province, en revenant régulièrement à Pézenas.

15/ Molière et Conti développent d’ailleurs des relations de grande proximité, le jeune prince, véritable amateur de théâtre, prenant plaisir à converser régulièrement de comédies avec le chef de la troupe qu’il entretient.

15/ Mais en 1656, sous l’influence de son confesseur, l’abbé Rouquette, et de l'Evêque d'Alet, Conti décide de changer de style de vie, en se "convertissant" à un rigorisme dévot et en renonçant à tous les plaisirs. C’est la fin de la protection princière.

16/ Les comédiens reprennent la route, notamment vers Béziers où Molière fait représenter sa comédie, Le Dépit amoureux, puis vers Avignon. Au début de 1658, ils quittent le sud, bien décidés à trouver à Paris un nouveau protecteur, en jouant de leur notoriété désormais acquise.

17/ Ce sera Philippe d’Orléans, dit "Monsieur", frère unique du roi. Le 24 octobre 1648, Molière se produit au Louvre devant Louis XIV, Anne d'Autriche, Mazarin et les comédiens de l'hôtel de Bourgogne. C’est un succès. Molière va bientôt connaître la gloire…

18/ Ces années d’apprentissage sur les routes du Languedoc furent décisives pour Molière. Non pas pour le nombre de compositions puisque, sur les 33 pièces qu’il écrivit, deux seulement furent créées dans cette période : L’Etourdi ou les Contretemps et Le Dépit amoureux.

19/ Mais pendant cette période, il apprit à diriger une troupe ainsi que son métier d’acteur, tout en perfectionnant son jeu comique en se produisant devant les publics les plus divers, publics qui parfois ne comprenaient pas le français du nord.

20/ Les années en Languedoc auront également marqué Molière pour ses futurs personnages. On a pu ainsi remarquer que Dom Juan ressemblait beaucoup au prince de Conti et que Tartuffe avait des traits communs avec l’abbé Rouquette.

21/ Marcel Pagnol résume de façon lumineuse cette partie de la vie de notre immense auteur : "Si Jean-Baptiste Poquelin est né à Paris, Molière est né à Pézenas".

FIN

22/ Note : pour en savoir plus, je vous renvoie à cet ouvrage d'une grande érudition