À propos des noms, du calendrier et de l'antisémitisme. Une longue histoire française.

En 1803, Napoléon impose que les enfants soient nommés selon le calendrier grégorien.
Il fût, ainsi, imposé aux Juifs - "émancipés" en 1791 - de renoncer aux prénoms hébraïques.

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Ce décret, aboli seulement en 1993 (même si divers aménagements avaient eu lieu au cours du XXe s) est aussi une des raisons expliquant que les Juifs indigènes, en Algérie, aient rapidement adopté des prénoms chrétiens : la loi les y obligeait.
Isaac s'appelaient "Jacques" à l'état civil, Moïse Maurice et la petite fille d'Eli devenait "Élise"
Nombreux ont vu dans ces prénoms "français" une marque de la volonté d'intégration des Juifs indigènes. Dans le contexte colonial et les contraintes légales, rien n'est moins sur.
Napoléon ne s'est pas arrêté aux prénoms.
En 1808, à l'issue de ce qu'il a voulu appeler - modestement - le "Grand Sanhédrin", l'empereur continue de détruire le système de nomination juif en France par un nouveau décret, cette fois-ci spécifique.
Celui-ci indique que :
"Ceux des sujets de notre Empire qui suivent le culte hébraïque, et qui n’ont pas eu de nom de famille et de prénom fixes, seront tenus d’en adopter dans les trois mois".

La peine en cas de refus était "le renvoi des territoires de l'Empire."
👉🏼 Politique d'expulsion.
Fort soucieux du sort des Juifs (non) Napoléon est prolixe.
Il crée les consistoires le 17 mars 1808, également par décret. A ce dernier s'en ajoutent d'autres, qualifiés "d'infâmes" par les juifs puisqu'ils les excluent de la loi commune.
Les consistoires avaient 4 missions :
1/"Veiller à ce que les rabbins ne puissent donner, soit en public, soit en particulier, aucune instruction ou explication de la loi qui ne soit conforme aux réponses de l’assemblée, converties en décisions doctrinales par le grand sanhédrin"
2/ "Maintenir l’ordre à l’intérieur des synagogues, [...] régler la perception et l’emploi des sommes destinées aux frais du culte mosaïque, et veiller à ce que, pour cause ou sous prétexte de religion, il ne se forme, sans une autorisation expresse, aucune assemblée de prières."
3/ "Encourager par tous les moyens possibles les Israélites de la circonscription consistoriale à l’exercice des professions utiles, et de faire connaître à l’autorité ceux qui n’ont pas des moyens d’existence avoués."
4/ "Donner, chaque année, à l’autorité connaissance du nombre de conscrits israélites de la circonscription."
Les autres décret interdisent ou contraignent de multiples actes, lieux de résidence ou professions.
Ainsi, le processus "d'émancipation" des Juifs de France a consisté à restreindre leur liberté et ce qui constituait socialement, alors, leur judeïté. Celle-ci a été décrétée sous tutelle et contrôle étroit de l'Etat. Dans un contexte de menace et de contrainte fortes.
P. Birnbaum résume les choses ainsi : "Napoléon espère, comme il l’écrit lui-même, que le «sang des Juifs cessera d’avoir un caractère particulier», qu’ils iront jusqu’au bout de cette régénération radicale qui implique l’entière assimilation." https://francearchives.fr/commemo/recueil-2008/39351
En France, avant de parler d'"intégration" républicaine, on parlait de "régénération".
C'est cette notion, au nom au combien éloquent et sans aucun doute possible raciste, qui a accompagné les Juifs de France dès 1791.
Émancipation dites-vous ?
En Algérie, la vie sociale
juive est aussi démantelée petit à petit, dès le début de la conquête coloniale.
La "régénératiton des juifs" est un pan de la "mission civilisatrice".
1831, à Alger, le chef de la "nation juive" est révoqué par les français qui le remplace d'autorité.
En 1843 un décret oblige les juifs algériens a faire enregistrer leurs unions religieuses devant un officier français d'état civil.
Le 8 mai 1845 le consistoire d'Algerie est créé et, par conséquent, les synagogues "privées" rendues illégales.
Crémieux n'est pas encore ministre
Cette notion de "régénération" a, également, été largement employée pour désigner la tâche qui incombait aux colonisateurs sur les Juifs d'Afrique du Nord lors de la conquête coloniale.
Y compris par les Juifs de France.
Ici les mots d'un médecin juif de l'armée en 1840.
Évidemment, cela n'a pas été sans heurt ni résistance venues "d'en bas", en France comme en Afrique du Nord.
Mais ça, c'est autre histoire.
Et, toute ressemblance avec des "débats" actuels n'est pas fortuite : si l'histoire ne se répète il lui arrive, quelquefois, de bégayer.
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