Je ne me suis pas exprimé personnellement depuis l’assassinat de l’un de mes collègues. Je ne le connais pas, mais j’ai un chagrin infini. Pour lui, sa famille, ses proches, ses amis, ses proches. L’hommage national était beau. Émouvant. Poignant. J’ai pleuré à la musique de U2.
J’ai trouvé le discours du président adéquat. Mais je suis également en colère contre toutes ces personnes qui s’émeuvent sans se remettre en question. Sans se regarder dans un miroir. Sans avoir tenu compte de la difficulté de notre profession. Y compris contre le Président.
Je suis atterré.
Mon année de stage : Charlie.
Réponse : réunion des stagiaires, après coup, pour savoir comment cela s’est passé.
Mon année de titularisation : Bataclan.
Réponse : rien.
5 ans après : décapitation d’un collègue d’Histoire-Géo-EMC.
On nous promet des mesures fortes. Soit. En attendant, nos heures en demi-groupe en 4e ont été sacrifiées par manque de moyens. En 4e : le niveau où on enseigne le système judiciaire et les libertés de la République.
Les médias mettent en cause les parents d’élèves. Ils oublient que ce sont eux qui permettent aux établissements de fonctionner, de s’ouvrir et d’établir des liens de confiance.
Les médias mettent en cause les parents d'élèves mais ils oublient qu'ils ne sont nullement responsables de la diminution des moyens. Ils ne sont nullement responsables du manque d’écoute de l’institution. Ils ne sont nullement responsables de l’assassinat de notre collègue.
On nous promet de la formation sur la laïcité. Comme si les professeurs étaient incompétents sur ce domaine. Donnez-nous toutes les heures de formation, nous les prenons. Mais c’est oublier, que, dans des classes à 30 vous ne pouvez pas faire réellement débattre les élèves
On nous promet de la formation sur la laïcité. Donnez-nous toutes les heures de formation, nous les prenons. Mais’est oublier que les programmes sont alourdis (sans prévenir les enseignants, au milieu des vacances d’été) et que nous sommes jugés sur notre avancement dans ceux-ci.
Vous voulez que nous prenions le temps d’expliquer la laïcité, la liberté d’expression, nos valeurs, principes et symboles ? Donnez nous du temps, au lieu de nous le restreindre.
Sont-ce vos formations qui expliqueront aux parents que le visite d'une cathédrale n'a pas un objectif ?, d'arrêter les insultes racistes et discriminatoires ? Non. Ce sont les professeurs qui feront les rappels aux lois de la République. Sur le terrain.
On nous propose la présence des députés et sénateurs en classe le 2 novembre. Restez chez vous. Nous n’avons pas besoin de vous. Vous qui n’avez pas honte d’avoir détruit l’image de notre profession. Par vos mesures, par vos discours, par vos votes.
« Aujourd'hui ce sont les élèves qui enseignent la morale à certains de leurs professeurs. Ils annoncent déjà des préavis de grève en septembre. Est-ce qu’ils ne pourraient pas un jour déposer un préavis de travail ? » Claude Malhuret, sénateur. Aucune réprobation du ministère.
On nous promet le soutien du ministère. Réforme de 2016, du lycée, des retraites. Passer une réforme contre l’opinion des professeurs est une victoire politique. Voilà où nous en sommes. Et on nous explique que la profession a été «choyée». Quelle honte. Achetez-vous une dignité.
Dans cette crise sanitaire sans précédent, les programmes scolaires sont ajustés fin juillet. On nous promet des masques. Ils arrivent 3 semaines après la rentrée. Aujourd’hui ils sont considérés comme toxiques. Achetez-vous-vous une dignité.
Les « preneurs d’otage » ne sont pas dupes. Ce sont eux qui défendent les élèves et leurs conditions de travail. Ils font leur travail pour ouvrir des possibles aux enfants qu’ils croisent. S’ils s’indignent, c’est parce que les choix politiques obstruent ces possibles.
Les « preneurs d’otage » imposent des règles. Malgré les contestations. C’est mon cas. Imposer des règles, communes. Imposer des sanctions communes. Imposer des valeurs communes. Malgré les remarques. Malgré les revendications. Malgré les « menaces à la hiérarchie ».
J’aime mon métier. Depuis l’école primaire je voulais être professeur d’histoire-géographie. Aujourd’hui j’ai envie de vomir. J’ai envie de quitter mon métier de Don Quichotte. Un des miens est décapité. En plein jour. En pleine rue. A 300 m de son lieu de travail.
Un des miens est mort décapité et le ministre de l’Intérieur parle des rayons « communautaires » dans les supermarchés, celui de l’Education parle de l’islamo-gauchisme à la France Insoumise et ne veut plus entendre l’expression « pas de vagues ». Allez vous faire foutre.
You can follow @Francois_Ruffin.
Tip: mention @twtextapp on a Twitter thread with the keyword “unroll” to get a link to it.

Latest Threads Unrolled: